L’erreur de l’intelligentsia mauritanienne est de croire qu’Aziz partira comme il est venu…

Depuis 1978, les coups d’état se succèdent avec à chaque fois la même dynamique. Le tyran du moment finit par partir, déposé par un ami et la vie continue car au fond, aucun régime avant celui d’Aziz n’avait touché aussi profondément aux repères des mauritaniens en ce qui concerne l’état et les liens entre maures.

Taya a donné un coup sévère à une unité nationale précaire. Les négro-mauritaniens accusent Moctar Daddah d’être le premier à y avoir touchée car il est en effet, contrairement à la propagande de la mauritanie nouvelle, le père de l’arabisation de l’état mauritanien hérité comme un cadeau des colons mais Moctar n’a pas touché à la chair et au sang de cette unité nationale. Taya lui l’a fait.

Daoud Ould Ahmed Aïcha, un redoutable populiste capable de tous les raccourcis historiques même les plus sordides, a déclaré à la télévision que les négro-mauritaniens n’ont jamais fait les frais d’une quelconque épuration ethnique. Selon lui, dont les arguments font de plus en plus mouche en ces temps de régime d’extrême droite décomplexé, les négro-mauritaniens n’ont subi que le sort de tous ceux qui ont tenté et raté un coup d’état en Mauritanie.

Il a expliqué qu’après 1978, les gens de Boutilimit et du Trarza en général ont été marginalisés, Moctar ayant été lui-même emprisonné et exilé ; de même pour tous ceux qui ont tenté ou subi un coup d’Etat. Les derniers en date sont ceux qui ont essayé en 2003, on se souvient de la chasse aux sorcières tribale et régionale mais avant eux, d’autres et pas des moindres, ont été fusillés et leurs corps n’ont jamais été rendus à leurs familles qui ne savent pas où ils ont été enterrés. C’étaient aussi des maures blancs dont un émir.

Donc pour Daoud, malgré sa jeunesse et le peu d’études sérieuses sur le sujet, les négro-mauritaniens sous Taya n’ont fait que payer le prix d’un coup d’état manqué. Ce qu’il ne dit pas et expliquerait son raisonnement, c’est que les négro-mauritaniens auraient subi ce qu’ils comptaient faire aux maures blancs en prenant le pouvoir. C’est en tout cas, ce que bien des maures entendent depuis ces évènements qu’on qualifie « d’années de braises » dont « le passif humanitaire ».

Tout ça pour dire que seul Taya avait touché à l’héritage de la pacification qui a permis de créer un état censé être le trait d’union entre deux mondes Maghreb et Afrique noire avec en commun l’islam ouvert des origines. Depuis, la Mauritanie a pris le chemin de la gazra sur l’héritage colonial qu’est l’Etat pour n’en faire qu’un pays dirigé surtout par des maures blancs, servis par des maures noirs et peuplé aussi de négro-mauritaniens qui auraient à peine les droits d’une minorité ethnique tolérée.

L’essentiel des maures s’en accommoda bien car il n’y avait pas encore de fracture au sein de la communauté entre hratines et beïdanes. Fracture qui était inimaginable ; au contraire, les négro-mauritaniens ont toujours accusé les hratines d’être le bras armé des beïdanes contre eux.

Bien sûr, bien avant Aziz, il y avait des mouvements revendiquant plus de droits pour les hratines mais il n’y avait pas les moyens de communication de nos jours : télés privées, internet, WhatsApp pour donner de l’écho aux mouvements communautaristes et l’état mauritanien se gardait bien de marginaliser à ce point les intellectuels hratines dans l’administration et l’armée. L’école de la république étant encore excellente, tout le monde s’y retrouvait, s’y côtoyait et de là allait faire ses études partout dans le monde avant de revenir.

Nul ne pouvait imaginer que si peu après Taya, la mauritanie allait vivre sous le régime d’extrême droite qui a le plus marginalisé les hratines dans tous les domaines. Est-ce juste pour répondre à des mouvements radicaux comme l’IRA ou est-ce en se servant de l’IRA pour justifier cette politique ? Qui peut le dire ? Toujours est-il que sous ce régime les voix maures les plus radicales, les plus arriérées ont eu l’opportunité de faire recette à la télé à la radio, en toute impunité. De même on peut s’étonner que les communautaristes maures blancs ont eu droit à leur parti politique pendant qu’on interdit ceux des hratines ou négro-mauritaniens aussi sectaires.

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Vlane

Source : Chezvalne.com

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