Donald Trump ou l’illusion de la cohérence

En retirant les Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien le président semble faire preuve de continuité avec ses engagements de candidat. Mais ses décisions sont pourtant souvent en contradiction avec sa vision du monde.

Donald Trump peut cocher une nouvelle promesse de campagne. Entré officiellement en politique à la veille de l’annonce de l’accord sur le nucléaire iranien, en 2015, il n’a cessé de le décrire comme le «pire » jamais négocié par les Etats-Unis, plaidant sans relâche pour sa remise en cause.

En passant à l’acte, mardi 8 mai, le président américain veut mettre en avant une cohérence et une continuité avec ses engagements de candidat républicain lors de la campagne présidentielle. Une partie des décisions les plus importantes prises depuis son arrivée à la Maison Blanche sont pourtant souvent en contradiction avec sa vision du monde et avec la place que doivent y occuper, selon lui, les Etats-Unis.

La sortie du projet d’accord de libre-échange avec des pays riverains du Pacifique (le TPP), le 23 janvier 2017, a constitué un premier exemple de ce décalage entre la rhétorique et les réalités géopolitiques. Négocié par son prédécesseur démocrate, Barack Obama, avec le soutien au Congrès des élus républicains, ce projet constituait en effet la base d’un effort de « rééquilibrage » américain dans la région la plus dynamique du globe. Le TPP avait pour principal objectif un endiguement subtil de la puissance économique de la Chine.

Après avoir placé en partie sa campagne sous le sceau de la lutte contre une concurrence internationale jugée biaisée, notamment chinoise, Donald Trump a pourtant décidé de retirer les Etats-Unis de cet accord multilatéral. Il s’est ainsi privé d’un outil efficace contre cette même puissance, qui permettait par ailleurs de réviser certaines dispositions de l’accord de libre-échange conclu par les Etats-Unis avec le Canada et le Mexique, aujourd’hui objet d’une âpre renégociation.

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Crise historique

 

Le départ de Washington n’a en outre pas signé la mort du TPP. Il a été repris par les autres signataires, symboliquement au cours d’un sommet régional auquel assistait le président américain, en novembre au Vietnam. En avril, Donald Trump a laissé entendre qu’il pourrait réexaminer un retour des Etats-Unis aux conditions de Washington, une hypothèse cependant restée sans lendemain. Il s’est depuis engagé dans des négociations bilatérales délicates avec la Chine qui pourraient tourner à la guerre commerciale.

La décision de déplacer l’ambassade des Etats-Unis en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem a procédé de la même logique, avec les mêmes conséquences négatives. Il s’agissait également d’une promesse de campagne, répétée avant lui par les candidats républicains aux présidentielles de 2008 et de 2012. Le 6 décembre, M. Trump est passé à l’action, même s’il n’assistera pas en personne à l’inauguration de la représentation américaine, le 14 mai, pas plus que le vice-président, Mike Pence, ou encore le secrétaire d’Etat, Mike Pompeo.

Alors que le gendre du président, Jared Kushner, travaille depuis des mois avec un ancien avocat de Donald Trump, Jason Greenblatt, pour parvenir à un nouveau plan de paix israélo-palestinien, l’initiative a déclenché une crise historique avec la partie palestinienne, outrée par cet arbitrage favorable à Israël sur l’un des points les plus sensibles du conflit.

L’Autorité palestinienne revendique en effet le droit de proclamer la capitale d’un éventuel Etat dans la partie orientale de Jérusalem conquise militairement par Israël en 1967 et dont l’annexion n’a jamais été reconnue par les Nations unies. Une percée diplomatique, depuis le 6 décembre, semble donc plus illusoire que jamais.

Tentation isolationniste

 

La décision de Donald Trump sur l’Iran illustre de nouveau ce manque de cohérence. Lors de son discours de déclaration de candidature, en juin 2015, Donald Trump avait en effet pris l’engagement que l’Iran n’obtiendrait jamais l’arme nucléaire. Le retrait des Etats-Unis, mardi 8 mai, porte pourtant un coup peut-être mortel au mécanisme de contrôle le plus sévère jamais mis en place dans le cadre de la lutte contre la prolifération.

Pendant la présidentielle, Donald Trump n’a cessé également de déplorer l’engagement de son pays au Moyen-Orient depuis bientôt deux décennies. Selon lui, cet enlisement coûteux a détourné les Etats-Unis de la tâche, pour lui, prioritaire d’investissements intérieurs. L’endiguement de l’Iran qu’il appelle de ses vœux est pourtant incompatible avec un retrait rapide de Washington.

Chacune de ces décisions a pris de court les alliés des Etats-Unis, tout en esseulant Washington. Une autre constante qui alimente les interrogations sur une tentation isolationniste de Donald Trump. Paradoxalement, l’un des principaux succès obtenus jusqu’à présent par M. Trump en politique étrangère, une ouverture diplomatique avec la Corée du Nord mentionnée mardi par le président en miroir de la décision sur l’Iran, a été le produit d’un effort multilatéral, conduit qui plus est sous l’égide des Nations unies et en concertation avec la Chine.

 

Gilles Paris

(Washington, correspondant)

Source : Le Monde

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