Algérie – Polémique : l’arabe est-il la langue du paradis ?

En plein débat tendu sur la place des langues à l’école, l’arabe, le français, le tamazight berbère et la daridja – la langue dialectale – une institutrice diffuse sur les réseaux sociaux une vidéo où elle fait l’éloge de la langue arabe et montre comment elle l’enseigne à ses élèves.

Quelle est la langue du paradis ? L’arabe. Quelle est la meilleure langue du monde ? L’arabe. Ma langue sera la langue arabe et je ne m’exprimerai qu’en cette langue ! La langue arabe est la langue la plus riche de toutes les langues.”

Au lendemain de la rentrée scolaire qui a eu lieu le 4 septembre, l’institutrice Sabah Boudris s’est filmée en mode selfie voilée d’un hidjab noir, avec ses élèves dans sa classe de primaire de Barika, à une centaine de kilomètres au sud ouest de la ville de Batna, située à l’est du pays dans les Aurès, majoritairement berbère. Cette vidéo “a suscité de nombreuses réactions et beaucoup de commentateurs ont dénoncé un ‘endoctrinement’dangereux de nos écoliers de la part d’une enseignante qui confond l’idéologie avec la pédagogie”, relève Algérie-Focus.

“La polémique a enflé sur internet et le ministère de l’Éducation a fini par réagir [le 6 septembre] en promettant une enquête sur cette enseignante qui a défrayé la chronique”, poursuit le site, avant de préciser : “Sabah Boudris n’est pas restée silencieuse face aux critiques de ses détracteurs. Dans une déclaration à Ennahar TV, elle explique que ses intentions sont nobles et se défend contre toute accusation d’endoctrinement.”

Le site d’information souligne : “Ceci dit, la méthode interactive de Sabah lui a valu aussi de nombreux admirateurs et défenseurs.” L’enseignante, qui fait montre d’une bonne maîtrise de la communication, a travaillé dans le monde des médias et a été présentatrice pour la chaîne Al-Atlas TV, fermée depuis 2014. Le chroniqueur Abdou Semmar, d’Algérie-Focus, l’interpelle sur un ton ironique : “Je m’incline devant votre volonté de donner le meilleur de vous-même à nos enfants. Votre charme nous fait oublier le climat austère qui étouffe notre école. […] De grâce, gardez votre bonhomie et motivation, mais ne vous méprenez pas.”

Le commentateur ajoute, cinglant : “Je suis un fervent défenseur du patrimoine arabe et de son apport à l’identité nationale. Cependant, contrairement à vous, je garde ma lucidité : il n’y a aucune langue privilégiée au paradis”, ou encore “je vous suggère, d’ailleurs, de laisser le ‘paradis’aux imams et autres théologiens”.

Avant de conclure :

"Vous n’êtes pas sans ignorer que toutes les nouvelles découvertes scientifiques contemporaines sont enseignées dans les langues occidentales. Vous avez le droit de ne pas aimer l’Occident, cependant, vous n’avez pas le droit de minimiser ses avancées technologiques. Vous n’avez, surtout, pas le droit de priver nos enfants de ce savoir précieux. Ne posséder qu’une seule langue, même si c’est celle du ‘paradis’, est une façon de fermer les horizons du futur à nos enfants.”

Et de rappeler à l’enseignante : “La mission de notre école est de développer notre pays. Pour le ‘paradis’, nous avons suffisamment de mosquées pour garantir le salut de notre âme…”

La force du sacré

El-Watan n’est pas en reste et s’indigne devant “le militantisme idéologique” qui, au-delà de l’amour exprimé envers la langue arabe, “associe la langue à des idées religieuses et lui confère une sacralité contraire à l’esprit de l’école républicaine. Telles qu’exprimées, les idées de la jeune enseignante excluent les autres langues enseignées à l’école algérienne par la force du sacré. Une belle manière pour faciliter la tâche à l’enseignant de tamazight et à celui des langues étrangères !”

“Sans le savoir (peut-être) cette enseignante, elle-même produit de l’école algérienne (sinistrée), a politisé sa matière pédagogique et engagé ses élèves sur une pente glissante et un parti pris idéologique aux conséquences ravageuses”, poursuit le quotidien algérien.

Et de mettre en garde : “C’est le thème qui a d’ailleurs mis le feu aux réseaux sociaux exacerbant les antagonismes et la faille de plus en plus grande entre les partisans d’une société moderne avec une école à l’abri des idéologies et ceux qui rêvent d’un État religieux et d’une école soumise uniquement aux référents identitaires : l’arabité et l’islam.”

(Voir la vidéo)

 

 

Hoda Saliby
 
 
 
 
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