Bouddah un prêche du fond de la tombe

C'était bien lui, tel que je l'ai connu pendant les prières des fêtes du Fitr et de l'Ad-ha. Devant l'assemblée des prieurs et les membres du gouvernement. Bouddah donnait ses leçons gratuitement à Moctar ould Daddah et aux responsables de cette république. Il parlait selon les dires de Dieu et les explications du prophète. Si seulement ce peuple avait voulu l'écouter. Si seulement ils avaient appliqué ses sages conseils.

 

Son turban enroulé a la mauritanienne. Aucune volonté d'imiter une autre forme de turbans d'orient ou d'occident. Bouddah offrait le visage de l'Islam selon chez nous. Un islam véridique et bienfaiteur, qui ne veut de mal a personne.

Comme je le voyais toujours la silhouette découpée dans le ciel limpide et bleu de Nouakchott, surplombant et dominant  les devant de l'assistance par son auréole de modestie et de piété. Une distinction façonnée par le Dieu du monde.

C'était avant le temps des poubelles et des discours politiques. C'était avant que notre serment de rester fidèles a nos valeurs et a nos principes soient sévèrement mis à l'épreuve.
 

 Sur l'espace-est de l'ancienne mosquée, à laquelle on ne voulu même pas donner son nom, un nom qui pourtant ne mérite pas l'oubli, Bouddah prêchait.

Ce passé là s'insinue dans ma mémoire, comme si c'était hier. Mais le monde est traitre. Le monde est en constant mouvement. Ce monde change et change plus mal que bien.

Aujourd'hui j'écoutais Bouddah. Mais cette fois de derrière les secrets de la tombe. Son portrait, blanc de piété se découpait sur l'écran de la chaine Al Mahdara. Le ciel a tenu à lui constituer, comme d'habitude un fond d'écran, pour isoler cette image sainte des débris du monde. Il retransmettait son message aux mauritaniens, après sa mort, comme il leur parlait dans sa vie.
 

Comme s'il avait eu vent de tous les drames survenus sur cette terre après son départ, il les citait un à un et les traitait l'un après l'autre selon la volonté d'Allah et le message de son prophète. Un maitre inquiet des dangers dans lesquels la mauvaise assimilation de ses élèves les poussait inexorablement.
 

Ses paroles étaient autant de reproches qui laissaient très peu de chances aux maigres excuses, aux alibis dérisoires, que ce mauvais auditoire pouvait avancer au Gouverneur de l'univers, le jour de la rétribution.

Ah si seulement les mauritaniens avaient écouté ce saint homme avec des oreilles attentives. Cet érudit qui n'a pas voulu par son érudition, ni poste politique, ni profit matériel, ni même une présence au devant de cette scène de turbulences qui a désaxé ce peuple et qui l'a plongé dans les contradictions et l'inconstance.
 

Dans sa bouche, la piété mauritanienne authentique cinglait avec le fouet de la vérité, l'ordre établi par les faussaires et les commerçants de religion.

Bouddah parlait du "Takafoul" social. Le droit de tous à bénéficier du soutient de tous. Le respect de l'homme par l'homme. Le droit à la dignité, à la liberté, au logement à la considération. Il parlait de l'égalité entre les citoyens du droit de chacun à la protection par le groupe et du droit du groupe a impliquer les individus dans la paix et la sécurité collectives.
 

Le maitre Bouddah ould el Bousseyri parlait. Je l'écoutais, les yeux pleins de larmes.
Voila un homme que je ne connais pas. Je ne les vu que deux fois par an, par derrière les gardes corps du président et de sa cour, mais qui a laissé beaucoup d'influence sur ma personne et a profondément marque ma pensée.

Autrefois ses discours me paraissaient longs et ennuyeux. C'était au temps ou à l'âge de dix ou onze ans, je pensais plus à me libérer de cet océan de savoir et ces flots de sagesse, pour me précipiter à travers les rues de la ville, montrer mon boubou neuf aux amis et me goinfrer du mouton de la fête, qui ne pouvait être sacrifié qu'après la fin du prêche.
 

Aujourd'hui, après m'être rassasié des dizaines de fois de moutons, de mensonges et de ce que les hommes ont fait par rapports a ce qu'ils écoutaient et disaient, j'écoutais ce saint homme avec l'esprit qui a vérifié, La raison qui a analysé et compris, la tête de l'homme qui a   vu et entendu. Je ne peux dire plus. Je ne fais que dire ce que j'ai vécu. A chacun son fardeau.

Je  ne pu m'empêcher de revoir des tas de personnes. Des morts des vivants, ceux qui attendent pour un temps. Seulement pour un temps.
 

Comme les hommes ont changé et mal changé!!! De vulgaires mutations dans lesquelles s'est perdu notre peuple candide et bon.
 

La réalité exprime ostensiblement ce que ces prêches ont laissé comme impacts dans le cœur et l'esprit de ces hommes auxquels ces paroles ont toujours voulu éviter le pire dans l'au de-ci et dans l'au delà. C'est-à-dire pas grand-chose.

L'Imam de Nouakchott, l'imam avec un I majuscule a énoncé dans ses premiers prêches, ce qu'il répète aujourd'hui d'une voix d'outre-tombe : Les droits du musulman en général et du mauritanien en particulier.

Les conditions divinement sociales, pour que cette société vive dans la justice, l'entente, le respect et la fraternité.
Il est devenu aujourd'hui évident que les prêches de cet homme de Dieu finissaient dans le vide. Les oreilles écoutaient et les cadenas scellaient les cœurs.
 

Aujourd'hui, le prêche de Bouddah, l'eut-il voulu, ne peut atteindre des oreilles qui ne veulent plus écouter que les voix de la division, de la haine et du mensonge. Des volontés bien suspectes se sont mises en branle, pour que les trames constituent la règle et que les manipulations de toutes sortes régissent le destin de ce pays.

Je ne voudrais penser ainsi, ni dire ceci, mais comment puis-je récuser ce que ma carcasse de personne a vécu dans ses os et dans sa chair?
 

Après les premiers espoirs de cette jeune nation, les événements ont été riches en contradictions, en conflits et en violences.
 

Chocs qui ne pouvaient avoir d'explication que par la boulimie des hommes à phagocyter leurs frères et la dureté des tympans a écouter la voix de Dieu. La voix de la raison de la justice et de la vérité.

Depuis les massacres de Zouerate, le pays a inauguré la "Halalisation" d'autrui. Leur sang, leur dignité et leurs biens. Exactement le contraire de ce que le prophète (psl), avait prohibé des siècles avant Bouddah. Une inviolabilité qui engendrera bien des remords. Les bouches disent et les actes contredisent. Beaucoup de petits ont grandi. Beaucoup de grands ont disparu. Les massacres de Zouerate et leurs bourreaux se retrouvent inévitablement de l'autre coté. Du coté ou l'imam Bouddah, qu'Allah l'englobe par sa vaste et infinie miséricorde sera témoin.

Et d'autres et d'autres encore…le train ne s'arrête pas.
Deux voies seulement sont devant les hommes: une délégation vers le Paradis et des fournées pour l'Enfer.
Aux suivants…
 

Qu'on le veuille ou non, dominera la Volonté de Celui dont seule la Volonté compte…
Rahimallah Bouddah ould Al Bouseyri. Son passage sur cette terre n'a laissé que le bien… Et son âme pure, peine à quitter ce lieu qu'il a passé sa vie à vouloir garder sur le bon chemin..
 

Mohamed Hanefi

Koweït

 

(Reçu à Kassataya le 25 novembre 2014)

 

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