Mali : Une semaine de négociations laborieuses

Absence de certains invités, désaccord entre Mouvements du Nord, malentendus sur les priorités. La deuxième phase des pourparlers de paix intermaliens a commencé lundi dans un climat d’hésitation. Hier, les auditions des experts de la société civile ont pu débuter, mais il ne reste que quatre semaines pour s’entendre.

 

«L’Algérie a décidé de la méthode. Mais nous ne sommes pas d’accord, explique un cadre de la coalition MNLA-MAA-HCUA, qui souhaiterait que les négociations se fassent d’abord, et uniquement, sur la question politique et institutionnelle. Il faut commencer par définir le cadre, la situation politique de la région et se mettre d’accord sur les termes.

Ensuite, on pourra discuter des problèmes de développement.» C’est dans un climat tendu que s’est ouvert le deuxième round, lundi 1er septembre, des pourparlers intermaliens à Alger. Le gouvernement malien d’un côté et les Mouvements du Nord de l’autre vont tenter d’avancer, au bout de 100 jours, vers la signature d’un accord de paix soutenus par l’Algérie, l’ONU, l’Union africaine et la Cedeao en tant que médiateurs.

«Après la première phase de discussions entamée en juillet, les négociations devraient désormais porter sur le fond et centrer les efforts sur les points les plus importants, dont le statut de l’Azawad», déclare un diplomate malien de la délégation de Bamako. Lors du premier round, les mouvements du Nord se plaignaient du «forcing» d’Alger, certains avaient confié aux médias qu’ils désapprouvaient cette méthode et que ce n’était certainement pas «la voie la plus rapide vers la paix».

Agitation

Au lendemain de l’ouverture des pourparler à l’hôtel El Aurassi, les gens s’agitaient dans le hall et envoyaient des sms pour informer de l’annulation de deux réunions importantes annoncées la veille par le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra. «C’est encore un mauvais coup du MNLA», s’indigne une activiste représentant la société civile malienne. «Les Mouvements du Nord ont tort. On ne peut pas se permettre de repousser les discussions sur les questions de sécurité», réplique un diplomate d’une organisation internationale.

«On ne peut pas débuter des discussions sans se mettre d’abord d’accord sur une méthodologie de communication, estime pour sa part un membre du MNLA. Nous ne sommes pas dans ce cadre pour retarder les choses, nous voulons que les débuts soient significatifs pour chacun.» Certains membres de la société civile, invités par la coalition MNLA-MAA-HCUA, n’étaient toujours pas arrivés à Alger, deux jours après le début officiel des négociations, et la coalition refusait de commencer sans eux.

«On nous a prévenu 48 heures avant, explique un cadre, or notre société civile est éparpillée dans les camps à l’étranger, certains sont des nomades. Certains ont du mal à être acheminés par les forces de la Minusma, d’autres ont des problèmes de papiers, d’autres des problèmes de transport».

Susceptibilités

Avant d’arriver à la paix, l’objectif vers lequel tendent toutes les parties présentes est d’arriver à un accord précisant la paix tout en établissant le dialogue. Ce qui, par la suite, déclenchera les débats sur l’organisation administrative et institutionnelle du Mali, le développement des collectivités, la réorganisation des forces de sécurité et de défense, la réintégration des réfugiés. «A mon avis, il y a trop de groupes à cette rencontre, affirme un haut cadre dans le gouvernement malien ; il aurait fallu, avant de venir à Alger, que les groupes déterminent leurs représentants dans un cercle restreint, mais qui demeure représentatif afin de parler d’une seule voix.

Bien qu’ils aient décidé, il y a quelques jours, de parler au nom de cette nouvelle coalition MNLA-MAA-HCUA. Cependant, ça a créé encore beaucoup de quiproquos, il suffit de peu pour que les susceptibilités s’expriment. Le début de dialogue entamé demeure difficile» dit-il. Pour certains, ce sont «leurs premières négociations, raconte un diplomate africain expérimenté. Des personnes de la communauté internationale, notamment des Occidentaux, estimaient que c’était à elles de proposer des solutions.

Mais nous ne sommes pas là pour discuter à la place des Maliens ! Or, lorsque nous faisons des propositions, des parties peuvent estimer que nous soutenons un côté plus qu’un autre, et là ça peut poser problème.» De son côté, un responsable de la coordination des Mouvements et forces patriotiques de résistance (CM-FPR), Hama Abba Cissé, affirme le contraire. A toutes ces difficultés s’ajoute une problématique lexicale que le gouvernement de Bamako et les Mouvements du Nord devraient vite régler afin de crédibiliser leurs engagements respectifs.

ATT

Le premier est la définition du mot terroriste. «Pour les autorités de Bamako, les terroristes, ce sont les gens armés du Nord. Pour la communauté internationale, ce sont les djihadistes», confirme un médiateur de la région. Le deuxième est le statut de Kidal. «Le Mali a toujours été clair sur le respect de son intégrité territoriale, soutenu par la Communauté internationale ; en d’autres termes, il n’y aura jamais deux pays dans un malgré les divergences culturelles et politiques, affirme un haut responsable du gouvernement malien.

Nous n’allons pas tourner autour du pot ou donner de l’espoir à des indépendantistes convaincus. Nous n’allons pas lutter contre leurs idées, mais contre leurs actions. Le Mali, comme l’a souligné notre chef de la diplomatie Abdoulaye Diop, est prêt à tendre la main vers le salut de tous, pas au sacrifice des uns et des autres», insiste-t-il. Un autre diplomate cette fois avoue : «Nous ne ferons pas les mêmes erreurs qu’ATT ; cette fois nous assurerons concrètement le développement socio-économique des régions du Nord du Mali, car au-delà des groupes armés rebelles, il y a d’autres dangers qui émergent dans la région.

Pousser les mouvements du Nord vers des alliances, c’est la programmation de l’autodestruction du pays et du Sahel», explique-t-il. A Alger, il y a les discussions officielles et les rancœurs décuplées et exprimées ouvertement, puisque tout le monde se connaît depuis des décennies. Une histoire commune étroitement liée à des querelles personnelles. Les semaines qui viennent diront si le projet de paix a des chances de voir le jour… ou pas.

Faten Hayed et Leïla Beratto

 

(Photo :  Ibrahim Ag Mohamed Assaleh, leader de la CPA)

 

 

Source : El Watan (Algérie)

 

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