A cette heure au-dessus de Nouakchott, on comprend mieux Aziz…

Après 7 mois à écrire quasiment tous les jours au gré de l’actualité jusqu’aux tempêtes qui ont secoué le premier tour des élections avec la main invisible du ministère de l’intérieur en campagne et l’affaire du jeune forgeron qui mit à nu l’hypocrisie et la lâcheté d’une certaine intelligentsia mauritanienne finalement très castée du maître à l’esclave avec un esprit de clan plus puissant que le souci de progrès, de justice et ce, jusqu’à laisser l’islam aux mains des politiques qui semblent prendre la religion en otage de leur accommodement avec la foi comme si la religiosité pouvait tout se permettre avec la religion au nom d’intérêts de classe.
 

Après ces 7 mois comme les 5 dernières années, j’ai dû partir vers l’Europe pour un bilan de santé car en Mauritanie les hommes vieillissent vite sitôt qu’ils approchent la quarantaine, ensuite c’est souvent la débâcle. Les femmes s’en sortent mieux en Mauritanie certainement par un don du Ciel qui les fait plus combatives, espérant toujours du lendemain de quoi ne jamais désespérer de la vie quand les hommes finissent lassés plus tôt ; leurs regards chez nous deviennent vite blasés de tout sauf du cynisme ; ce dernier compagnon de déroute…

Ainsi, il fallait partir, partir prendre l’air, partir en prenant les airs.7h du mat, dans la RAM côté hublot ouest, le temps est clair, la ville encore sous une brume bleu ciel avec quelques lumières ici et là qui semblent faire du parterre étoilé un scintillant reflet du ciel dans lequel me voilà parti. Soudain au-dessus d’un tapis de nuages plus blancs que l’innocence, c’est le soleil qui vient au monde, bleu comme une orange.

D’abord un point, puis un petit rond, du grain au fruit mûr voilà le tapis de nuages en feu comme une marée orange au galop qui jette ses vagues sur le dos des nuages comme autant de dunes, comme autant de chameaux invisibles dont on ne voit que les bosses enflammées. Sublime spectacle que la ville qui s’éveille à peine et le soleil déjà roi. Autour de moi, le silence comme une prière de la nature avec notre frêle condition comme témoin. Dieu ! Me suis-je dit, qui passant par-là entre ciel et terre sur une mer de lait frais tout en mousse où semble flotter une orange de feu, qui flottant par-là et voyant au-dessous ce vaste territoire tranquille, qui peut imaginer que juste en dessous c’est quasiment l’enfer sur terre ?

Un pays qui semble toujours au bord d’exploser, des tensions à n’en pas finir, des communautés montées les unes contre les autres, la misère, l’ennui, le manque de divertissement, la survie et la précarité partout, la santé aux abois, l’éducation décomposée, une scène politique lamentable, une société civile résignée ou corrompue, la haine, la jalousie, la mauvaise foi, l’hypocrisie, la lâcheté, les fantasmes identitaires, la propagande criminelle, la classe moyenne en otage, les pauvres enfumés, le pouvoir complice, l’espoir assassiné, le cynisme au biberon. Partout pourtant des meurehbeu, woikhirt et des wollah à toutes les sauces sans souci de craindre Dieu.

Comment est-ce possible ? Y  a-t-il un remède ? 

Là au-dessus de tout ce monde, entre le ciel et la terre, j’ai pensé à Aziz, le président, si loin si haut, si loin du bruit. Comment peut-on être si à l’abri du besoin, si loin des soucis de tout le pays et savoir ce qui se passe ? Pourquoi tenir compte de ce chaos si personne ne peut bouger et si tout le monde se terre ? Si chacun encaisse en silence ou ne se plaint qu’en privé, pourquoi changer les choses ? Le pouvoir n’a alors pour souci que de cultiver cette philosophie qui fait que chacun retourne dans soi et vers soi toute la tragédie nationale. 

De là ce que nous voyons : en Mauritanie, le stress et le manque de joie de vivre sereinement, tue à petit feu les plus lucides, les plus résignés. Les maladies de l’estomac font des ravages, sans parler de tout ce qui relève de la somatisation : tension, problème cardiaque, insomnies, problèmes de peau, vieillissement prématuré, sans parler du reste. 

Comment expliquer que dans un pays pareil, il n’y ait pas la moindre organisation politique crédible et visionnaire ? Comment se fait-il que le pouvoir semble avoir anesthésié toutes les forces vives ? Comment se fait-il que la peur n’ait jamais été aussi efficace alors que les prisons sont vides et la liberté d’expression totale ?

On dirait que ce pouvoir, plus qu’aucun autre, a compris notre nature culturelle : les chiens aboient, la caravane passe…

 

Vlane A.O.S.A

 

Source  :  Chez Vlane

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