L’islam est en crise… le monde arabe aussi

Entamer un article avec un titre pareil c’est, en quelque sorte, mettre directement le doigt sur la plaie. Le constat est évident et les premiers à s’en plaindre et à en souffrir sont les populations musulmanes.

Des pays d’Afrique à ceux d’Asie, du Moyen-Orient aux pays du Golfe, c’est un véritable maelström qui secoue les sociétés mahométanes et aux meurtrissures infligées quotidiennement aux innocents s’ajoutent, au fil des ans, des frustrations génératrices de violences renouvelées.

L’actualité immédiate est, d’ailleurs, riche en évènements sanglants qui jettent une lumière crue sur l’étendue du désastre face auquel les pouvoirs en place proclament leur impuissance quand ils ne sont pas eux-mêmes instigateurs des violences intercommunautaires.

Il suffit parfois d’une commémoration religieuse, d’une cérémonie à la mémoire d’imams vénérés, pour que les haines soient attisées et que les voies soient largement ouvertes aux provocations les plus suspectes. C’est ainsi que pour la Achoura, une simple procession de chiites à Rawalpindi au Pakistan a débouché sur des affrontements meurtriers avec des sunnites surexcités conduisant à l’imposition du couvre-feu.

Une fanatisation qui produit des monstres, des jihadistes qui tuent au nom d’Allah, qui assassinent tous ceux qui ne sont pas de leur communauté, qu’ils soient chrétiens ou musulmans. Une dérive qui se traduit, régulièrement, par des massacres et des enlèvements en Afrique, qu’il s’agisse du Nigeria, du Mali ou de la Somalie.

Mais c’est dans notre environnement direct, dans un monde arabe en pleine crise existentielle, que les enjeux sont les plus graves, les plus porteurs de menaces d’implosion, de désintégration. Ainsi, ce qui se passe en Irak depuis de longues années déjà est la résultante de haines inextinguibles, d’un fanatisme religieux reflétant progressivement le duel entre deux théocraties, héritières du khomeynisme et du wahhabisme, chacune se positionnant comme la référence ultime du chiisme ou du sunnisme.

Le Yémen, d’ailleurs, fait aussi les frais de cette confrontation, les combats entre salafistes et zaïdites risquant de conduire, à terme, à la division du pays avec la résurgence de l’État du Sud-Yémen. Sans oublier, mais dans un autre registre, les graves conflits en Libye, en Égypte et en Tunisie où l’islamisme joue un rôle primordial.

Mais dans l’immédiat, et dans l’urgence, c’est la Syrie qui nous importe, un pays qui n’arrête pas de lier son destin au nôtre et dont les convulsions se transposent inévitablement au Liban. Là aussi l’insurrection civile est devenue, au fil des mois, de facture religieuse, strictement communautaire, et à l’arrogance, au mépris souverain manifesté par le régime alaouite de Bachar el-Assad à l’égard des revendications légitimes de la population, a répondu un intégrisme sunnite de plus en plus jihadiste, de plus en plus suicidaire.

L’implication du Hezbollah chiite dans la guerre civile, sa détermination à poursuivre le combat aux côtés des forces du régime jusqu’à l’anéantissement des « takfiristes » ne pouvait avoir pour conséquences que l’exacerbation des clivages communautaires, l’extension au pays du Cèdre du cancer qui mine la Syrie. Les affrontements qui viennent de se produire dans la région de Qalamoun, à proximité immédiate du territoire libanais, sont annonciateurs de graves dangers, de nouvelles vagues de réfugiés venus trouver asile au Liban, venus y reproduire les haines viscérales qui détruisent leur pays.

Attention danger : le pire est peut-être à venir. 

Nagib Aoun

Source : L'Orient Le Jour le 18/11/2013{jcomments on}

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