Meurtre de Kadji TOURE : colère…

Le martyr enduré par la petite ( 6 ans!) Kadji TOURE vient, encore une fois, nous rappeler la part sombre de l'humanité, dans toute sa dimension cruelle. Violée, assassinée, son corps abandonné…

Il émeut profondément, encore plus que d'autres viols et meurtres. Il émeut en cela qu'il renvoie chacun d'entre nous à ses propres peurs, ses propres perceptions. Tout le monde, dans cette barbarie, s'identifie à la victime et aux parents de la victime : parents, oncles, frères, grands parents…Chacun y perçoit l'horreur absolue des faits et imagine ses propres enfants. Tout le monde ressent alors cette peur inconsciente des dangers que courent nos enfants, livrés à la merci de prédateurs sexuels.

Ceux là sont partout : à la plage où ils peuvent « mater » les jeunes enfants, devant les écoles, dans nos familles parfois, dans nos quartiers.

Chacun d'entre nous peut « vivre » la calvaire de Kadji, l'horreur, la douleur, la terreur, les déchirures, la pénétration forcée, l'agonie, l'incompréhension qu'a du ressentir cette malheureuse enfant soumise à la barbarie primaire, première : la violence à l'encontre d'une petite fille.

Et, par delà cette petite fille, la barbarie exercée à l'encontre des êtres considérés comme plus fragiles, à savoir, nous les femmes.

Le meurtre atroce de Kadji n'est qu'un meurtre de plus, à ajouter à la longue liste des meurtres et/ou viol envers des femmes.

Chacun d'entre nous se dit «  et si ça avait été ma fille? », ou « mon fils » car, notre pays étant semblable aux autres, de nombreux petits garçons sont victimes de viols aussi.

Il a fallu longtemps à la société mauritanienne pour s'émouvoir des violences sexuelles et des meurtres.

Le meurtre qui a réveillé les consciences fut celui de Penda SOGUE, les mauritaniens « découvrant » que la violence pure, absolue, existe chez nous. Là aussi le fait que la jeune femme assassinée était enceinte n'a pas été étranger à l'émotion et à l'empathie.

Et à la colère…. Colère et incompréhension. Colère et exigence de justice, de protection des citoyens et, parmi les citoyens, des plus faibles et vulnérables d'entre eux, les enfants.

Et à l'exigence de réponses de la part des autorités publiques…

je ne le répéterai jamais assez : malgré les apparences, ces violences ont toujours existé. Faire croire que la pédophilie n'existait pas avant est le meilleur moyen de biaiser des tentatives de réponses et de réactions juridiques de lutte contre ce fléau. La pédophilie fut un fait, « maquillé » sous des couleurs religieuses : les mariages précoces en sont un exemple… Mais que des gamines de 12 ans parfois, aient été mariées à des hommes murs n'émouvaient pas jusqu'à une période récente. Et ces mariages précoces ont encore leurs défenseurs….

Pendant des décennies nous avons tous entendu ces histoires de maîtres coraniques pratiquant des attouchements sexuels sur certains de leurs élèves….

Pendant des décennies la justice a ergoté sur le terme de viol, confondant Zina et pratique criminelle. Je suis d'une génération où la société blamait la femme violée au motif que «  si elle a été violée, c'est qu'elle l'a cherché », argument tueur et pervers qui faisaient des bourreaux des quasi victimes et des victimes des accusées. Pendant des decennies la justice n'a pas condamné assez durement les violeurs, laissant se développer ainsi un « permis de violer », un sentiment d'impunité chez les prédateurs sexuels. Confits que nous sommes entre religion, interprétation, pratiques sociales, « coutumes », nos autorités ont fait le grand écart, ergotant à l'infini : comment pouvaient elles, alors, faire la différence entre « viol sur petite fille mariée légalement » et viol sur une femme quelconque? Perclus de contradictions, reflets de nos sociétés, et d'hypocrisie nos législateurs ont édicté des textes de lois qu'ils n'ont pas appliqué. Ménageant ainsi la chèvre et le chou entre la Loi et les autorités religieuses, entre la Loi et les pratiques sociétales….

Et, au mlieu, les violeurs s'en sortaient quasiment toujours. S'en sortent quasiment toujours, parfois sur pressions et manoeuvres de sa famille…

L'arsenal juridique existe. La Loi prévoit des sanctions extrêmement dures envers les violeurs.

A la justice d'appliquer ces lois.

Sinon que restera t'il du martyr de Kadji, à part une vague d'indignation qui retombera dans quelques semaines, une actualité macabre en chassant une autre?

Que restera t'il de cette petite fille qui a eu le malheur de croiser la route d'un prédateur?

Que restera t'il du souvenir des dizaines de femmes ou de petites filles qui ont été violées avant elle?

Mariem mint DERWICH{jcomments on}

Pour Kassataya le 29/10/2013

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