Questions à Demba Dramane Ismaïla Wane, président du Rassemblement des Jeunes de la Vallée du Fleuve (RAJEV)

(Crédit photo : Le Quotidien de Nouakchott)

(Le QDN)Le Rassemblement des Jeunes de la Vallée du Fleuve est né en septembre 2011. Il est présidé par le jeune cadre Demba Dramane Ismaïla Wane reconduit récemment à la tête de l’organisation des jeunes de la vallée du fleuve.

A travers cette interview, il a répondu aux questions relatives à la léthargie du Rajev, aux questions qui préoccupent la vallée du fleuve, l’enrôlement biométrique, l’emploi des jeunes etc….

« Nous tenons à accompagner toutes les actions susceptibles d’aider à la promotion de l’unité nationale et la cohésion sociale »

Quotidien De Nouakchott : Voilà bientôt deux ans que le RAJEV est né. Mais on a l’impression que l’organisation bat de l’aile. Aucune activité à son compte à part quelques rares déclarations relayées ici ou là dans la presse. Comment expliquez-vous cette léthargie ?
Demba Dramane Ismaïla WANE :
Le RAJEV n’est pas dans un état de léthargie. Nous avions beaucoup à faire surtout que les défis à relever ne manquent pas, notamment : organisationnels et financiers. Pendant que nous étions justement à nous organiser, voilà qu’un drame se produit à Maghama où une manifestation de jeunes contre l’enrôlement le 27 septembre 2011, s’est soldé par la mort du jeune Lamine Mangane. Permettez-moi de préciser que ces manifestations contre l’enrôlement jalonné de difficultés de tous ordres n’avaient pas commencé seulement avec Maghama. Les 24 et 25 septembre 2011, peu avant Maghama ce sont les jeunes de Kaédi qui manifestaient contre l’enrôlement occasionnant d’importants dégâts. Alors sans attendre, le RAJEV a dépêché une forte délégation à l’époque conduite par moi-même pour mesurer à sa juste valeur le message des jeunes. Après la visite des lieux endommagés et des autorités administratives de la wilaya, nous avons convoqué une réunion dans la résidence de feu Tène Youssouf Guèye, dont au passage, je salue la mémoire. Cette réunion où ont pris part les jeunes de Kaédi fût couronné de succès. Ainsi c’était pour nous l’occasion de lancer officiellement les activités du RAJEV et d’échanger avec les populations.
Vous comprendrez alors que le RAJEV bousculé par les évènements n’est pas dans la léthargie. Comme vous savez le RAJEV est un cadre de réflexion ou nous avons mis en place des commissions thématique chargés, entre autres, d’apporter une réflexion poussée et prudente aux questions de l’heure, à savoir : le problème des langues nationales, le passif humanitaire, la gestion des terres dans la vallée, l’unité nationale, la stabilité du pays. Bref, je dois dire qu’aujourd’hui les tracasseries administratives liées à l’enrôlement biométrique des populations connu une amélioration sensible. Les citoyens s’enrôlent sans trop d’entraves même si quelquefois il est signalé ici ou là des problèmes dans les centres d’enrôlement à Nouakchott. Aussi le taux de retrait des cartes d’identité reste faible parce que la Taxe de 1000 ouguiyas exigées est hors de portée des populations démunies.

Vous dîtes que le RAJEV est un regroupement de la plus grande partie des organisations des jeunes de la vallée du fleuve qui donnent pour ambition de redonner foi et espoir en la possibilité de bâtir une Mauritanie nouvelle, basée sur l’égalité, la justice et la liberté. N’est-ce pas un vœu pieux au regard des réalités politiques du moment ?
Ecoutez, tant qu’il y a la vie, il y’a de l’espoir. Et comme nous vivons encore, il n’y a pas de raison de désespérer. Au contraire, nous sommes convaincus que la Mauritanie connaîtra aussi une évolution dans son développement économique, politique, social et culturel. Ce n’est qu’une question de temps. Il est vrai que nous aurions pu faire mieux quand même depuis l’indépendance à nos jours. Mais cela n’a pas été le cas, compte tenu des pesanteurs qui minent l’unité nationale et la cohésion sociale. Des pesanteurs qui s’appellent violation massive des droits de l’homme dans les années 86-87-89-90-91 et même au-delà sans doute que des jalons ont étés posés mais il n’en demeure pas moins qu’il reste encore beaucoup à faire.
Naturellement il y’a des insatisfaits et c’est normal et même légitime. Comme par exemple les travailleurs des sociétés d’Etat telles que la CNSS, l’OPT, la BCM et j’en passe. Il semble que la régularisation des fonctionnaires et agents auxiliaire de l’Etat n’a concerné que ceux qui sont payés sur le budget de l’Etat. S’agissant des sociétés d’Etat, le dossier serait en suspens en attendant une réunion du comité interministériel chargé de la question. C’est vous dire que nous suivons de près toutes ces questions car nous y sommes sensibles et tenons à accompagner toutes les actions susceptibles d’aider à la promotion de l’unité nationale et la cohésion sociale. Vous savez en Mauritanie on n’est pas encore arrivé au point de non retour et l’histoire nous enseigne qu’une cohabitation harmonieuse a émergé des méandres de l’horreur. Et compte tenu de notre position géographique et de notre démographie notre seul salut pour le développement économique passera par la justice sociale, le respect et la promotion des différentes expressions culturelles.

Actualité oblige, la découverte d’un récent cas d’esclavage par l’Ira de Biram Ould Abeïd fait couler beaucoup d’encre et de salives. Quelle est la position du RAJEV sur la question de l’esclavage d’une façon générale ?
Au sein du RAJEV nous avons une position humaniste et égalitaire, ainsi nous condamnons dans ce sens, toute forme de pratique esclavagiste d’où qu’elle vienne. J’aimerai préciser que s’il y’a une loi votée par le parlement et cela prouve qu’il y’a une volonté de mettre fin à cette pratique d’antan. De même les différents procès ayant conduit à des condamnations judiciaires prouvent que cette loi, contrairement à ce qu’en disaient ces détracteurs n’est pas pour la consommation internationale. Elle dénote plutôt d’une réelle volonté politique d’y mettre fin. On aurait cependant aimé que le vote de cette loi s’accompagne d’une grande campagne de sensibilisation et d’éducation des masses aussi bien sur la pratique que ses conséquences sociologique, politique, culturelle et économique. J’aimerai pour finir préciser que beaucoup d’organisations ainsi que l’état luttent à leur façon sans tambour ni trompettes à mettre un terme à l’exploitation de concitoyens vulnérable du fait de leur naissance. Et ce combat contre les pratiques ou séquelles de l’esclavage passe par l’accès à l’éducation, la formation, la santé et l’emploi.

L’emploi est caractérisé en ce moment par un fort taux de chômage des jeunes. Qu’en pensez-vous ?
La question du chômage est d’une importance capitale avec un taux qui avoisine les 35% selon certains rapports. Ce chômage qui, il faut le noter, touche beaucoup plus les femmes et les jeunes, a une origine structurelle qui résulte de choix politiques peu cohérents accentué par une conjoncture économique peu favorable et ce malgré les chiffres encourageants relevés par nos partenaires financiers internationaux. Ça c’est le constat, maintenant pour ce qui est des pistes de solutions au sein du RAJEV, nous y travaillons et certaines pistes méritent d’être expérimentées. J’ajoute que la problématique du chômage est multi sectorielle, ainsi il y’a un travail en amont qui est fondamental, à savoir une offre de formation technique et scientifique d’une grande qualité, afin de faire coïncider l’offre de main d’œuvre et de savoir faire avec la demande des entrepreneurs. Maintenant pour ce qui est des actions à court terme, il faut organiser le secteur informel qui emploie un nombre conséquent de personnes. Et puis en prenant l’exemple de la vallée qui elle aussi est fortement touchée par le chômage, il y’a des secteurs à développer. En ce qui concerne l’agriculture, une importante surface cultivable n’est pas exploitée, ainsi avec une politique intégrant les populations locales avec des partenaires privés, on peut facilement arriver à la l’autosuffisance alimentaire. Il suffit pour cela de régler le problème du foncier, de se former aux nouvelles techniques agricoles avec le matériel de pointe. De même, le secteur du tourisme et de l’artisanat sont des leviers économiques considérables qu’il faut exploiter. Vous savez, la poterie, la teinture, les fresques murales et j’en passe devraient être intégrées dans le cadre stratégique de lutte contre la pauvreté, avec la création de villages artisanaux. Et pour ce qui est des actions à mener pour une vision globale de lutte contre le chômage, il faut savoir que nous sommes dans un monde ouvert d’où l’intérêt d’être attractif. Cela se traduit par la mise en place d’infrastructures de transports, une sécurité juridique pour les investisseurs. Il faut promouvoir les investissements direct étrangers en donnant une garantie judiciaire aux investisseurs et vous savez tout cela ne peut se faire que dans un environnement politique stable où on respecte et promeut la liberté d’entreprendre. Je ne peux finir sans saluer le génie créateur des jeunes entrepreneurs mauritaniens que je rencontre très souvent. Ils sont d’une ingéniosité et d’une abnégation remarquable qu’il faut soutenir. Ils montent des entreprises, ils emploient des jeunes qui croient à la valeur travail. Et l’avenir de la Mauritanie dépend de l’implication de ces jeunes là dans le processus politique et économique.

La guerre au nord Mali divise la classe politique mauritanienne entre partisans et adversaires de l’implication de l’armée nationale au-delà de nos frontières, pour aider aux cotés des forces africaines, à libérer le nord du territoire sous occupation de groupes islamistes armés. Quelles appréciations faites-vous de la guerre au Mali ?
C’est n’est pas surprenant pour qui connaît l’impasse politique dans laquelle est plongé le pays. Pour ceux qui concerne le RAJEV nous considérons que quant la case de ton voisin brûle tu as le devoir de lui porter assistance et cette assistance peut se faire sous plusieurs formes, surtout que les enjeux sont de lutter contre le terrorisme, le trafic de drogue, les crimes transfrontaliers et autres. La Mauritanie qui y est confrontée depuis très longtemps ne s’est pas ménagée -même au de la de sa frontière- pour poursuivre ces groupes terroristes. Le RAJEV recommande à Bamako d’instaurer un dialogue inclusif avec tous les Maliens pour un Mali uni et indivisible.

Propos recueillis par Moussa Diop

Source  :  Le Quotidien de Nouakchott le 24/02/2013{jcomments on}

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