Nouvelles d’ailleurs: Histoire de voiture, de copine et d’apprentissage de la conduite…

(Crédit photo : Nathalie Duvarry)

Une amie à moi a décidé d’apprendre à conduire. Vous me direz que c’est une très bonne idée. C’est que vous ne connaissez pas mon amie. Connaissant, moi, la demoiselle, j’ai une pensée émue pour tous les Nous Z’Autres, à poil, à plumes, à babouches, à barbes, etc., etc., qui pensaient que le goudron leur appartenait, qu’ils possédaient le droit, imprescriptible, à se promener de par notre merveilleuse et souriante capitale, Nouakchott-Plage, en sécurité, avec maman, mémé, enfants, copains et copines…

Tout Nous Z’Autre respectable estime qu’il possède le droit, inaliénable, de faire ce qu’il veut, comme il veut. Et, tous les jours, des dizaines de milliers de Nous Z’Autres se mélangent dans les rues, qui en voiture, qui à pieds, qui en charrette, qui comme il peut (les pilotes sur baskets), tournant, virant, affairés qu’ils sont, les yeux pointés sur des horizons personnels. Une espèce de Nous Z’Autres est au-dessus du lot, ayant TOUS les droits, en particulier le permis du «grand n’importe quoi », j’ai parlé de nos Z’Amis les taximen, secte étrange et bariolée, Zambla de l’acrobatie, champions de l’irrespect du code et, accessoirement, fournisseurs de pompes funèbres.
Et voilà qu’au milieu de ce cirque, apparaît mon amie, en mode « Moi aussi, je veux conduire, je veux être libre, je veux, je veux, je veux ! ». Et là, mes enfants, c’est pas du gâteau. Auparavant, elle avait tenté de faire du vélo. Expérience peu concluante et fort douloureuse pour ses coudes et genoux. Pourtant, le vélo en question avait gardé ses petites roues !
Elle a tenté d’apprendre à nager, histoire de circuler en ville pendant les inondations. Après trois tasses et des frayeurs, abandonnés brasse, crawl, nage indienne et nage tout court (à savoir : tu bouges tout en même temps, ça devrait marcher) !
Jusque là, elle se contentait d’être l’heureuse occupante du siège passager, à la droite du seigneur, le conducteur, le vrai : MOI. J’étais heureuse d’être son chauffeur, écoutant ses commentaires délicieusement acerbes sur les autres conducteurs, ses cris soudains pour m’avertir qu’elle a vu quelque chose que je n’ai pas vu, les « tourne à droite, je te dis! Mais pourquoi tu n’as pas tourné à droite ? Pffftui… T’es nulle ! », les « T’as vu ce c… là ! Et tu l’as eu où, ton permis ? » (Bon, là, je reconnais que ça, c’est une réplique à moi…). « Ferme ta fenêtre, j’ai froid », « vas pas si vite ! », « accélère ! », « C’est encore loin ? », etc. Elle se chargeait des courses, ouvrant la fenêtre et demandant poliment au boutiquier « a’tini baket marlbouro », tendant, d’une main majestueuse, les deux billets crasseux issus des profondeurs, abyssales et vides, de nos porte-monnaie… Elle et moi en mode sympathique de couple voituresque, quoi… Menaces de divorce en moins, en cas de surcharge du coffre ou des sempiternels « et pourquoi on est obligé d’aller manger chez ta mère ? »…
Maintenant, si j’étais vous, je me planquerais. Je dis ça comme ça, histoire de préserver vos intégrités physiques. Vues les expériences en vélo et dans 3 cm d’eau, je ne donne pas cher de nos peaux de Nous Z’Autres. Adieu moutons, chèvres, ânes, poules, policiers, feux rouges, mendiants, piétons ! « A la guerre comme à la guerre ! » étant sa devise, l’apprentissage de la conduite s’annonce périlleuse.
Sur un vélo, elle semblait névrotiquement attirée par tous les obstacles : murs, bidons, piétons. Un obstacle et, paf ! Impact ! Partant du principe que « c’est lui ou moi » et que le moi doit l’emporter, rien ne lui fait peur. J’attire l’attention de nos autorités compétentes et agissantes – oui, ça existe les deux en même temps – sur ce qui va nous tomber sur le coin de la calebasse. Il serait bon que sur tous les panneaux de la CUN, ces magnifiques panneaux qui ornent nos carrefours, on enlève les choses inutiles qui ne servent qu’à nous désespérer, comme le taux d’humidité squelettique qu’il fait, et qu’on passe l’information suivante : « Avisssss aux populations locales et autres ! Un véhicule non identifié a été signalé. Au volant, une très jolie jeune femme au visage angélique ! Attention : cette femme est dangereuse ! Si vous croisez son chemin, ne tentez, surtout pas de l’arrêter ; téléphonez au BB XX YY ZZ ; veuillez enfermer vos moutons et poules, rentrer les enfants, vous allonger à plat ventre au centre de la maison et prier ! ». Bref : va y avoir du sport, mes Z’Amis !
Alors, ma belle, mon amie, répète après moi. Un piéton ne fait pas partie du goudron : il est SUR le goudron, non dedans ; pas la peine, donc de lui rouler dessus. Le clignotant ne sert pas seulement à battre le tempo du morceau de musique que tu écoutes. Un feu qui est au rouge est au rouge : ça veut dire, qu’à part que c’est très joli, il te faut t’arrêter. Le rétroviseur intérieur n’est pas un miroir de maquillage ; les rétros extérieurs ne sont pas là que pour faire jolis. Quand ta voiture fume, ce n’est pas la peine de penser que ton moteur est accro à la nicotine. Les deux trucs rigolos qui ressemblent à des yeux, sur le devant de ta voiture, s’appellent des phares : ils peuvent te sauver la vie, parfois. Quand le portable tombe sous le siège, il est absolument inutile et très peu recommandé de farfouiller en conduisant et en lâchant le volant. La pédale du milieu est celle du frein : souviens-toi Z’en ! Ce qui vient de traverser s’appelle un piéton : il a droit à la vie. Ce qui vient de passer et qui a quatre pattes s’appelle un mouton : lui aussi a droit de vivre. Ce qui vient de retraverser et qui a toujours quatre pattes n’est pas un agent des forces de l’ordre, en dépit des apparences, mais un âne qui ne demande qu’à vivre lui aussi ! Dans ta voiture ne peuvent rentrer que cinq personnes max : il est inutile d’y faire rentrer tout le village ! La voiture qui arrive sur ta droite n’a pas essayé de te tuer : elle vient de la droite, elle a donc la priorité. C’est comme ça, on n’y peut rien. Ce que tu as entre les mains s’appelle un volant : il te sera utile de l’apprivoiser. Ne ratatine pas le boutiquier qui fait la sieste devant sa boutique au bord du trottoir : il ne t’a rien fait, ne lui fais donc rien.
Etc etc. Allez, ma vieille ! Courage ! Tu vas y arriver…
Salut

Mariem mint Derwich

Source  :  Le Calame le 05/10/2012{jcomments on}

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