Nouvelles d’ailleurs: Barbus, indignations et tutti quanti…

{(Crédit photo : Nathalie Duvarry)

{jcomments on}Comme le dit si bien une image sur Facebook : «piétiner le drapeau américain avec des Nike, le brûler à l’aide d’un Zippo, regarder le spectacle au travers de lunettes Ray Ban ou Police, capturer ce délicieux moment avec un Iphone et partager ce moment sur Facebook et Twitter» ; ça en jette, pour tous les barbus qui, depuis la diffusion du torchon raciste et anti-islam «Innocence des musulmans», insanité de quelques minutes, publié sur le Net, via un site obscur et inconnu, n’ont rien trouvé de mieux que d’exprimer une indignation toute vertueuse et religieuse via agressions, meurtres et appels au meurtre.

Manifestations violentes, assassinat de l’ambassadeur américain en Libye, tirs, heurts violents, morts de manifestants, attaques d’ambassades américaines, psychose, colère, invectives, manipulations, insultes…
Le printemps arabe à des couleurs hivernales. C’est la vision météorologique des radicaux de tous bords qui envahit nos écrans depuis plusieurs jours : neige au printemps ; grand froid sibérien de la sclérose des esprits ; congélation des aspirations démocratiques ; mort par hypothermie des révolutions arabes. Autant l’indignation, devant le pseudo-film, est nécessaire et normale, autant les réactions, engendrées par ce même navet, sont en dehors de l’indignation. Elles sont en dehors, d’ailleurs, de tout concept intelligible.
Vive les Etats-Unis, grand Satan éternel ! Sans eux, tous nos barbus extrémistes s’ennuieraient ferme à la maison. Je me dis, quand même, que nos zélotes de la vengeance sanglante sont trop forts. Imaginez un peu le début de l’affaire du siècle. Nous sommes à Benghazi, là-bas, dans la Libye « libérée » par l’ex-empereur français, Sarkozy, et son armée de preux chevaliers, l’OTAN. Des salafistes radicaux, pour tuer le temps, surfent sur Internet (le internet hallal, attention !, puisqu’utilisé par eux), tombent sur un site tellement obscur que personne n’y va jamais, à part quelques illuminés racistes, fans du pasteur anglican Terry Jones qui hait les musulmans, et y dénichent quelques minutes d’un truc immonde, mal tourné, sans profondeur historique. Trop forts, non, les salafistes de Benghazi ? Ils ont, visiblement, une vigie, sentinelle du Net, qui suit, à la trace, tous les brûlots abjects anti-musulmans qui sortent sur la Toile.
Et voilà l’armada en marche. Rien que du très traditionnel : direction le consulat américain à Benghazi. C’est un grand classique, dans le monde arabe : tout le monde connaît l’adresse des ambassades et consulats américains, soit pour les caillassages soit pour la demande de visas, c’est au choix (je suis sure que certains arriveraient, sans grands efforts, à faire les deux en même temps). Miracle des miracles, l’ambassadeur américain est sur place, victime expiatoire toute trouvée pour laver l’affront fait par un extrémiste financé par une obscure secte américaine qui n’a rien trouvé de mieux, pour faire parler d’elle, que de brûler le Coran, geste pour lequel, d’ailleurs, la justice américaine l’a condamné.
Un autre truc très traditionnel dans le monde arabe : désigner, comme coupable, le sioniste, juif, mécréant et tout et tout. Après vérification, on se rend compte que le « metteur en scène » du torchon est copte. Virage à mille degrés : un copte financé par des juifs. Abomination ! Qui mérite la mort, le feu, les attaques, les appels au meurtre. Et l’hiver s’installe, avec ses grands froids.
Les radicaux de tous bords ont capté les révolutions et les rêves. Leur credo la défense de l’Islam, NOTRE islam, celui de la paix, de la tolérance, de l’ouverture aux autres, de la foi et la piété. Ils s’en autoproclament défenseurs, parlant en notre nom. Ils tuent, au nom de Dieu. Leur vindicte ne représente pas le monde musulman qui, tout choqué et indigné qu’il soit par le film, n’entend ni tuer ni même menacer. Ne serions-nous donc pas capables, nous musulmans, de nous indigner sans meurtres ? Ces barbus-là nous représentent-ils? Où sont donc ces mêmes barbus, quand on aimerait les voir manifester, avec autant d’énergie, contre les attentats, quotidiens, dans le monde musulman, contre les enlèvements, contre les tortures, les trafics, les bombes dans les marchés, les exactions ? Où étaient ces mêmes fous de Dieu quand les fanatiques envoient des adolescents se faire sauter ? Où étaient ces mêmes salafistes, quand nos soldats ont été massacrés, dans des attaques de bases ? Où sont ces mêmes salafistes et leurs indignations vertueuses, quand on a lapidé, à mort, un couple illégitime au nord du Mali ? …Aux abonnés absents, sûrement trop occupés à surfer sur le Net, invention du grand Satan américain.
En attendant, nous, les Musulmans « d’en bas », les anonymes, les sans grade, les gens simples et pacifiques, sommes pris en otage par les fanatiques, qui tuent en notre nom et invoquent Dieu, à tout bout de champ. Mon Dieu, mon Dieu, ils sont devenus fous !
Salut

Mariem mint DERWICH

Source  :  Le Calame le 20/09/2012

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