Armée : Elle ne dort pas la grande Muette

(Crédit photo : anonyme)

Depuis un peu plus de deux ans, les corps armés mauritaniens, notamment l’armée, se renforcent. Pour des raisons évidentes de sécurité territoriale, avec la menace terroriste, mais aussi , se basant sur le modèle algérien, pour un verrouillage en règle, qui permettrait d’éviter toute future tentative de coup d’état. Perspective.

Le 25 novembre dernier, l’armée célébrait en grandes pompes un certain renouveau matériel à l’occasion de sa fête éponyme. Les avions brésiliens Tucano acquis en 2011 paradaient, propres comme des ouguiyas neufs, les officiels de l’armée de leur commandant suprême, Mohamed Ould Abdel Aziz, observaient les différents corps défiler, fiers comme des coqs.

Au-delà de la symbolique, c’est une armée rénovée matériellement, avec des hommes «plus impliqués» qu’on a vu ce 25 novembre. «Les conditions de vie des soldats ont été nettement améliorées» confirme laconique, un officier à la retraite.

Et ce n’est pas un hasard. Arrivé au pouvoir par un coup d’état, dans un pays où c’est une tradition, et où tous les chefs de la République l’ont quitté par la force, Mohamed Ould Abdel Aziz a bien compris qu’il devait verrouiller la grande muette, qui doit devenir bien plus : verrouillée et bouchée comme un automobiliste nouakchottois à 14h dans un embouteillage du centre-ville.

Feu Mouamar Khadafi l’expliquait déjà à Nouakchott il y a trois ans, au palais des Congrès devant un parterre de politiciens, d’anciens présidents et d’hommes d’affaires, médusés.

Les six mousquetaires

Lorsqu’il réussit le putsch du 12 décembre 1984 contre le Lieutenant-colonel Ould Haïdallah, Ould Taya confie sa sécurité au Lieutenant de Gendarmerie Alioune Moktar N’Gaïdé. Mais ce dernier est soupçonné d’avoir pris part à la tentative avortée de putsch des officiers négro-africains, en octobre 1987. Il est donc écarté et Ould Taya, sur les conseils du Colonel Ely Ould Mohamed Vall, charge le jeune cousin de ce dernier, de créer un regroupement de commandos, sur le modèle de la loyauté absolue au dictateur irakien feu Saddam Husseïn.

L’unité d’élite est totalement indépendante du commandement militaire et vouée, exclusivement, à la sécurité du Chef de l’Etat. Ce sera le Basep. Avec le temps, ce corps prétorien devient tellement important et puissant qu’il est se retrouve au cœur du jeu de conservation et d’accaparement du pouvoir durant la dernière décennie.

Il est encore plus puissant aujourd’hui, et c’est pour cela que de plus en plus de voix réclament que la sécurité présidentielle soit assurée par la Gendarmerie.

Pour arriver à verrouiller l’armée donc, et plus largement les corps armés, il faut certes la sympathie, voire l’empathie des fantassins des corps armés, mais aussi des chefs de ceux-ci. «Raison pour laquelle on a bombardé tout le monde Général, aveuglément. La seule raison de l’existence nouvelle de ce grade, c’était pour impliquer davantage et rapprocher les chefs du vrai boss de l’armée et de ses différentes composantes» explique l’ancien officier.

Et à chacun on a donné son joujou particulier, avec des groupements, où chaque soldat voue littéralement un culte à son chef. On l’a constaté sur le terrain, avec le nouveau groupe général pour la sécurité routière. Une sécurité routière armée d’armes lourdes, et modernes pour empêcher un convoi de commémoration à Inal par exemple en novembre dernier sur ordre direct de la Présidence Après moult tracas, l’officier en chef, à 30km de Nouakchott, avouait impuissant, qu’il recevait des ordres pour immobiliser le convoi, de « très très haut ».

Le Général Mesgharou, boss du groupement général pour la sécurité routière (GGSR) a sa «milice privée», comme le Général Ghazouani a la sienne avec le BASEP de l’ex-général Aziz, le Général Félix Négri, est le chef d’état-major de la Garde Nationale, tandis que le Général Ahmed Ould Bekrine est à la tête de la sûreté où il a remplacé Ould El Hadi, débarqué comme secrétaire général à la Défense. Le tout chapeauté par le Président de la République.

Toute cette nébuleuse, où différentes structures militaires dépendent foncièrement de la volonté de quelques hommes, sans comptes à rendre à aucun organisme constitutionnel et démocratique, renforcent l’idée répandue aujourd’hui dans la sous-région que les régimes où les militaires sont forts, et sont les véritables maîtres, comme la Mauritanie, essaient de suivre la voie des «janviéristes» algériens.

«Les janviéristes» mauritaniens

Les janviéristes sont une poignée de généraux et de hauts officiers de l’armée algérienne qui ont « démissionné » Chadli Benjedid en janvier 1992, et décidé de dissoudre le parlement islamiste issu des élections de 1991. Leur tête visible, Khaled Nezzar, patron de l’armée quand celle-ci a tiré sur les algériens en octobre 1988, a institué, avec l’aide de quelques cerveaux, ce système où l’armée règne en maître sur le pays.

De la même façon nos généraux à nous qui avaient «démissionné », ou plutôt «rectifié» Sidi Ould Cheikh Abdallahi durant l’été 2008, sont les véritables pouvoirs de la Mauritanie aujourd’hui.

Le tort de Sidioca ? «Avoir voulu faire sien les pouvoirs constitutionnels du Président de la République » explique un éditorialiste local. «Ce qui était proprement impensable pour les néo-généraux post-Transition.

Ce que Mohamed Ould Abdel Aziz lui-même sous-entendait à l’époque «Nous l’avons soutenu ouvertement à l’époque, croyant qu’il allait bien diriger le pays pour un programme bien déterminé et précis et, quand il a commencé à dévier, tous ses principaux soutiens l’ont complètement lâché, parce qu’ils ont vu qu’il ne pouvait plus diriger le pays. Ça a été la déception au niveau de tous ses soutiens» disait-il.

Les janviéristes algériens sont donc peut-être un modèle panarabe. Ce qu’ils ont fait il y a vingt est à la mode aujourd’hui dans le reste du monde arabe : que la population et la communauté internationale s’amuse avec la démocratie, pendant que les Arès locaux dirigent réellement le pays, avec une maestria dans le mouvement des fils de poupée, qui donnerait envie à Don Corleone en personne.

Les présidents sont là, mais on sait qu’ils n’ont aucun pouvoir. Sauf celui d’apparaitre et de recevoir les hommes forts et faibles du reste du monde ou de faire des discours. En Algérie, le 29 juin 1992, Mohammed Boudiaf, l’un de ces présidents algériens parachuté, sera même assassiné en live, à Annaba. Le suivant a démissionné, le suivant du suivant (Abdelaziz Bouteflika) parle à peine et regarde partout, avec méfiance.

C’est ce modèle, dans une moindre mesure, que la plupart des pays panarabes, dont la Mauritanie, tentent de mettre en pratique… un coup d’œil en Egypte…

Mamoudou Lamine Kane

 

Source  :  Noor Info le 28/06/2012

 

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