OU VA LA MAURITANIE ? Par Grégory Houël

aziz4La Mauritanie est un pays multiethnique, peu peuplé au nord ouest de l’Afrique, peu fréquenté par les décideurs politiques occidentaux, à moins que ce soit pour des problèmes d’immigration ou de terrorisme. Les expériences de pluralisme de 2005 et 2008 et le coup d’état qui y mit fin en font un intéressant cas d’école dans un Sahel pauvre.

Quand Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi remporta les élections présidentielles de 2007, une nouvelle ère s’ouvrit que Mohamed Ould Abdel Aziz interrompit en 2008 après un long blocage créé par les parlementaires soutenus par l’armée. Durant la période qui s’ensuivit, le Général échappa aux sanctions internationales à la faveur d’une transition négociée avec une opposition toujours furieuse à cause du coup d’état. Les accords de Dakar, signés en juin 2009, ont ouvert la voie au retour à la constitutionalité par l’organisation d’élections présidentielles anticipées et un dialogue national sur des réformes politiques. A la suite de cela,  Abdel Aziz remporta les élections présidentielles que de nombreuses organisations dont l’Union Européenne et le NDI (National Democratic Institut) ont refusé d’observer.

Des relations tendues entre le pouvoir et l’opposition conduite par la COD ont conduit au report des élections législatives initialement prévues en 2011. Dans le même temps, les organisations estudiantines, les syndicats, les organisations féminines, les organisations des droits de l’homme incluant les abolitionnistes ont défilé dans les rues de Nouakchott pour demander des réformes politiques et protester contre la situation socio-économique. Malgré ses divisions, la COD prend part à ces manifestations.

Si les soulèvements arabes ont quelque part produit la protestation, la colère contre le régime leur est bien antérieure. La plupart des acteurs concernés sont fermement opposés au général Abdel Aziz et ont demandé sa démission avant que toute élection ne puisse être organisée. Lors d’un appel téléphonique, Kissima Diagana du quotidien La Tribune et blogger connu m’a dit : « le but ultime est le départ de Mohamed Ould Abdel Aziz. Comme la COD ne pouvait accepter un dialogue à ses (Aziz) conditions, elle trouve que la seule solution qui restait est le départ du Général Abdelaziz.

Ayant été témoin de la première avancée démocratique de la Mauritanie en 2006 et 2007, j’ai toujours admiré la détermination du peuple mauritanien et sa nostalgie pour la démocratie. Mais les chances de restauration d’une pleine et entière démocratie multipartite jouent fortement lui. Avec Abdel Aziz, même en civil, la gestion de la Mauritanie reste contrôlée par les militaires alliés aux puissants hommes d’affaires et aux intérêts tribaux, selon des formules sans équivalent en dehors de la Mauritanie. Comme l’expliquait Kissima, nombre de partis politiques et de notables ruraux continuent de voir les militaires comme des courtiers, ce qui leur fait perdre toute crédibilité en tant que leaders auprès du public. Il ajoute : « aussi longtemps que le militaire sera présent (…) il sera impossible dans le court terme d’envisager l’émergence d’un gouvernement civil capable d’administrer le pays ».

Alors que le Général Abdel Aziz sait parfaitement que les mauritaniens n’accepteront jamais le retour aux jours sombres du régime de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya, il semble relativement hermétique aux demandes intérieures et extérieures. Sa dure guerre de répression d’AQMI et autres organisations terroristes a tempéré les critiques des pays occidentaux. A la différence des Etats voisins subsahariens, la Mauritanie qui n’est pas membre de la CEDEAO a joué un rôle important dans l’isolement des juntes militaires responsables du renversement de gouvernements élus. Ainsi, on pourrait dire que la Mauritanie est pire que le Mali et le Niger, deux pays aux traditions putschistes de la sous-région.

On peut être sûr que la société et la presse mauritaniennes pourraient éloigner pour longtemps la mainmise des militaires sur le gouvernement et sur les affaires économiques. Mais étant donné la nature historique des gouvernements mauritaniens, je serais d’accord avec Kissima : ce pays nouveau producteur de pétrole va vraisemblablement connaitre pour longtemps encore un Etat semi-autoritaire.

Par Grégory Houël,  Independent Democracy and Governance Expert

Traduit par kassataya.com

Source:  Africa.com

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