Le régime de Mohamed Ould Abdel Aziz face aux Islamistes : Le clash !?

Photomontage Ould Abdel Aziz et Jemil Ould Mansour.Par delà les profonds clivages qui caractérisent aujourd’hui la scène politique nationale, d’une part, une majorité présidentielle empêtrée dans ses contradictions, et d’autre part, une opposition minée par les ambitions personnelles de ses chefs,

le régime de Mohamed Ould Abdel Aziz devra surtout faire face à un mouvement islamiste dopé par les expériences maghrébines et qui ne peut prospérer qu’en situation de crise. La tension qui monte ces temps-ci entre les deux camps peut bien déboucher sur un clash dont les effets restent imprévisibles.

L’expérience de la transition démocratique (2005-2007) qui avait permis l’organisation de scrutins législatifs, municipaux et présidentiels, les plus transparents de l’histoire politique en Mauritanie, n’avait donné aux Islamistes que cinq parlementaires. Le raz-de-marée présagé par plusieurs observateurs n’eut en définitive pas lieu, faussant l’image que l’opinion publique nationale et internationale s’était fait de la force islamiste. Cela va conforter les analyses selon lesquelles, l’islamisme politique en Mauritanie ne peut nullement prospérer sur le plan électoral en période apaisée, telle que celle qui avait prévalu entre 2005 et 2007.

Pour asseoir sa force, l’islamisme mauritanien a besoin d’un contexte trouble. Un terreau que le pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz est en train de lui offrir sans s’en rendre compte. En réprimant les étudiants, et surtout les étudiantes dans les rues de Nouakchott, et en entretenant un contexte de crise marqué par des tensions politiques et socioéconomiques tous azimuts, le régime de Mohamed Ould Abdel Aziz est entrain de détourner les Mauritaniens des schémas politiques classiques pour les jeter dans les bras d’un système islamiste auréolé de tous les bienfaits et qui tend à s’imposer dans tous les pays maghrébins.

Tawassoul, arme politique et financière

L’islamisme mauritanien, structuré au sein du parti Tawassoul avec ses armées d’irréductibles, récupère les politiques maladroits du régime en place qui a affaibli les canaux malékites et soufistes traditionnels qui lui servaient de rempart contre l’islamisme politique. Au nom d’une prétendue guerre contre la gabegie, les sources qui alimentaient ces circuits religieux ont tari, poussant ses acteurs à rechercher ailleurs des fonds qu’ils ne reçoivent plus.

Qui plus que Tawassoul, véritable force politique et religieuse, avec sa pléiade d’ONG caritatives et ses sources de financement intarissables par le canal de Cheikh Mohamed El Hacen Ould Deddew qui détient un monopole quasi-total sur les fonds des Emirats du Golfe, peut mieux leur offrir le double accomplissement de leurs attentes financières et religieuses ? C’est ainsi que plusieurs chefs de confréries soufistes et malékites ont adhéré au parti Tawassoul ou ont passé allégeance avec le Cheikh Deddew. Conscient de sa force nouvelle, qu’il n’hésite plus à étaler à tout bout de champ, soit à travers des marches de démonstration ou des meetings fleuves, Tawassoul tend de plus en plus à marquer son poids politique dans l’attente d’une probable redistribution des rôles. Cela est d’autant plus évident que plusieurs observateurs sont sûrs que si une élection devait avoir lieu demain, les Islamistes pourraient faire tabac, compte tenu du contexte actuel marqué par le retour du pouvoir aux pratiques Taayistes et à l’absence d’un choix politique fiable, face à une opposition momifiée. Par ailleurs, les Islamistes mauritaniens se sentent sans aucun doute à la traîne par rapport à leurs coreligionnaires du Maroc, de la Tunisie, de la Libye, de l’Egypte… en termes de leadership politique chez eux. Ils se considèrent en effet comme une extension de ces différents courants qui se sont emparés du pouvoir dans ces pays, aussi bien sur le plan idéologique que méthodique, avec la même ambition d’islamiser leur société selon une approche modérée et démocratique. Reste, ce déficit latent qui empêche encore Tawassoul d’avoir sur le lectorat mauritanien le même aura qui a permis aux partis Ennahda en Tunisie ou encore le PJD au Maroc de s’imposer chez eux. Tous ces deux partis ayant bâti leur prééminence par le biais de la rue, révolution en Tunisie et remous sociaux au Maroc ayant poussé le Roi à des concessions institutionnelles, le parti Tawassoul compte construire son ascension par le biais de la révolution populaire.

La botte du pouvoir.

Pour contrecarrer les ambitions affichées des Islamistes, le pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz a initié un certain nombre de mesures où l’usage de la force reste encore prédominant, en sus d’une surveillance accrue par le biais de centaines de taupes infiltrées dans le mouvement et les bulletins de renseignements. D’autres mesures accompagnateurs ont suivi, tels le limogeage des cadres islamistes dans l’administration et le rappel en trombe des Ulémas de service, après avoir empêché à ses adversaires l’accès à une télévision ou à une radio privée. Dernière botte en possession du pouvoir qu’il compte déployer incessamment selon des sources d’information, des enregistrements audio et filmés que le pouvoir détiendrait et qui seraient compromettants pour certains dirigeants islamistes. Il s’agirait d’entretiens filmés, sur des concessions ou des abdications graves que les Islamistes auraient consentis au régime de Mohamed Ould Abdel Aziz au cours de leur grand amour passé.

Au début l’amour…

Il faut noter que les Islamistes avaient filé le parfait amour avec le régime de Mohamed Ould Abdel Aziz à ses débuts. C’est ce qui avait expliqué la position de Tawassoul qui s’était carrément démarqué de l’opposition, allant jusqu’à lier une sainte alliance avec le parti-Etat, l’Union Pour la République (UPR), à travers des listes communes durant le renouvellement partiel du Sénat. C’est l’époque où le Cheikh Mohamed El Hacen Ould Deddew était l’oreille la plus écoutée du pouvoir et son chargé de mission pour les cas difficiles. Ces apparitions avec le président Ould Abdel Aziz étaient fréquentes ainsi que ses prestations télévisées en faveur du pouvoir. Il a même effectué plusieurs voyages à l’étranger, notamment dans les pays du Golfe, pour le compte de Ould Abdel Aziz. Il sera ainsi désigné par le régime pour conduire les fameuses discussions avec les Salafistes détenus et fut le maître d’œuvre de la grande repentance à la prison civile. Puis, brusquement ce fut la rupture, puis l’animosité. De partisan, Tawassoul devint un adversaire, puis un ennemi. Depuis, le parti ne cesse d’œuvrer pour le départ de Mohamed Ould Abdel Aziz du pouvoir, sa voix dépassant de loin celle de toute l’opposition radicale réunie.

A la fin la rupture

Sur le divorce entre les Islamistes et le régime de Mohamed Ould Abdel Aziz, plusieurs thèses sont avancées dont la plus plausible est celle ayant trait à la profonde divergence d’approche par rapport aux révolutions arabes. Alignée sur la position qatarie, eu égard aux rapports privilégiés du cheikh Ould Deddew avec cet émirat, les Islamistes n’auraient pas apprécié la position de Mohamed Ould Abdel Aziz aussi bien dans la gestion du dossier tunisien, libyen, yéménite, que syrien. L’incident survenu au cours de la dernière visite de l’Emir du Qatar à Nouakchott n’aurait pas arrangé la situation.

Ainsi, Il est d’avis que les pires animosités sont celles qui pourraient venir d’un amoureux trahi. Alors aujourd’hui, entre Islamistes de Tawassoul et régime de Mohamed Ould Abdel Aziz, la guerre risque d’être fratricide. Autant, les uns sont forts d’une fanatique croyance à la prééminence de l’Islam sur toute autre forme de gouvernance du monde, autant l’autre est réconforté par sa position de détenteur du pouvoir. Au pire, il enverra une partie de ce monde en prison, en y mettant les formes juridiques qu’il faut, et poussera les autres soit à l’exil, soit à la repentance. Ou il périra par la révolution islamiste. Dans un cas comme dans l’autre, la Mauritanie sera toujours aux croisés des chemins. Entre un régime qui s’enferme de plus en plus dans sa tour d’Ivoire et une meute d’indignés qui risquent de réitérer les scénarios déjà écrits de l’histoire politique mauritanienne. La quadrature du cercle.

Cheikh Aïdara.

Source: L’authentique

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