Réseau africain de lutte contre l’esclavage par ascendance : «Un mal très partagé»

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Les organisations membres du réseau africain de lutte contre l’esclavage par ascendance ont organisé une rencontre du 13 au 18 février à Nouakchott. Les organisations membres de ce réseau sont pour la Mauritanie : Sos Esclave, AMDH et AFCF. Pour le Mali Temde et Gari. Pour le Niger Timidria. Au cours de cette rencontre ces différentes associations ont fait le bilan de leurs activités et suivi un atelier sur les techniques de levée de fonds.

A la fin de cette rencontre organisée avec l’Appui de Anti Slavery international, les organisateurs ont organisé un point de presse.

Au cours de ce point de presse, Boubacar Ould Messoud, président de SOS Esclaves a noté que « l’esclavage n’est pas un problème uniquement mauritanien. » Pour lui « le tabou qui y a toujours entouré cette question procède d’une volonté de ne pas ternir l’image du pays. » « L’image de marque de la Mauritanie, l’image de marque de tous les pays du monde est ce qu’elle est. Chacun a des problèmes et il faut les traiter. » a dit Ould Messoud. Il a ajouté « aujourd’hui nous faisons partie d’un groupe de pays africains qui, à travers un réseau, a décidé de lutter contre l’esclavage, un réseau que nous comptons élargir a d’autres pays. » Il a noté que « l’esclavage est un mal qui est très partagé, qui n’appartient pas a une seule communauté et, entant que réseau, nous sommes solidaires de toutes les victimes de violation des droits humains. » Le président de SOS Esclave a dénoncé l’arrestation de 31 étudiants mauritaniens, dont des filles et a demandé leur libération. Par rapport a ces arrestation, il a martelé : « Sos Esclaves n’est pas une organisation de Harratines, de Poulars, de bambaras ou de soninkés, nous sommes une organisation de mauritaniens qui lutte contre toutes les formes de racismes. C’est pourquoi aujourd’hui, nous dénonçons ce qui se passe pour les jeunes étudiants qui sont tous des noirs. Nous voulons que ca soit dit. Nous dénonçons les arrestations sélectives d’étudiants noirs. »
Pour Boubacar Ould Messoud, le projet PESE n’est pas suffisant pour résoudre la question de l’esclavage en Mauritanie. Il faut pour lui « une structure plus importante car l’esclavage a des conséquences dans tous les domaines, l’éducation, l’état civil, l’économie, la justice…. »

Nous voulons être partie civile…

Toujours par rapport à la situation de la Mauritanie, il a dit : « nous avons fait récemment un atelier sur la mise en œuvre de la feuille de route de la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les formes contemporaines de l’esclavage. Et, nous en avons profité pour rappeler une grande injustice dans la loi mauritanienne portant criminalisation des pratiques esclavagistes. Cette loi ne nous permet pas en tant qu’organisations de défense des droits de l’Homme de nous porter partie civile pour soutenir les esclaves. Les esclaves, du fait des pressions, renoncent souvent aux poursuites. Ils sont influençables par leurs maîtres et le milieu. Pour contourner ces influences, nous avons demandé que dans le texte sur l’esclavage, soit insérer une disposition nous permettant de nous porter partie civile comme c’est fait dans la loi portant protection pénale de l’enfant. C’est fait ainsi car on estime que l’enfant est incapable. L’esclave aussi est incapable de résister à la pression de ses maîtres. Malheureusement, notre demande a été refusée. A été refusée également notre demande d’augmentation des indemnités au profit des esclaves. Il y a un jeu dans ce pays avec des gens qui maîtrisent la situation et qui protègent plus les esclavagistes que les esclaves. En 2011, le président de la République, Mohamed Ould Abdel Aziz a dit en public qu’il n’ya pas d’esclavage en Mauritanie alors qu’il existe une loi criminalisant cette pratique.»

Évaluer ce qui a été fait
Pour le représentant de Timidria du Niger, Ibrahima Habibou, « cette rencontre permet d’évaluer ce qui a été fait par les différentes organisations membres du réseau et voir les obstacles dans les différents pays. » Il a ajouté « notre but est de faire comprendre que l’esclavage existe et nous entant que structures, nous n’avons pas la prétention de prendre en charge seules cette question qui concerne toutes les communautés et pour laquelle tous les citoyens doivent s’investir. » Le représentant du Niger s’est dit ravi de constater les avancées en Mauritanie malgré la longueur du chemin qui reste à parcourir. Il a remercié anti slavery pour son appui.
Concernant la situation de l’esclavage dan son pays, il a dit : « En 2003, grâce a notre plaidoyer, une loi criminalisant l’esclavage a été votée. Cette loi nous permet de nous porter partie civile pour accompagner les victimes. Nous portons beaucoup de cas d’esclavage devant les juridictions, mêmes internationales. En 2008, nous avons porté un cas devant la cours de justice de la CEDEAO et nous avons eu raison. L’État nigérien a été condamné. La victime, une dame, a été indemnisée à hauteur de 10 millions de FCFA. Actuellement, avec les nouvelles autorités du Niger, on constate une volonté politique d’éradiquer l’esclavage. A chaque fois qu’il s’adresse à la nation, le chef de l’État rappelle son engagement de combattre cette pratique. Il nous a reçus et a fait de moi son conseiller en droits humains. Les autorités judiciaires sont, elles aussi, impliquées dans la recherche des victimes d’esclavage. Malgré ces avancées, le combat continue contre un phénomène à plusieurs facette.»

Mali, Mauritanie et Niger, kif kif

Le représentant du Mali, Ibrahima Ag Idbaltanat de l’ONG Temed, a exhibé une carte d’adhésion à son mouvement sur laquelle on voit un placenta avec deux embryons, un blanc et l’autre noir. Interprétation : « rappeler que les hommes sont les mêmes et que la couleur n’est qu’une dimension superficielle. »
Après 1991, au Mali, on a commencé à nous dire que nous sommes un pays démocratique, un pays qui respecte les droits humains. Quand on soulevait le problème de l’esclavage, la réponse des officiels était : « ca c’est une affaire au Niger et en Mauritanie. C’était un complexe. Moi je vous dis que pour cette question, la situation au Mali, au Niger et en Mauritanie est exactement la même, c’est un héritage commun. Actuellement, au Mali, nous avons 12 plaintes au tribunal pour esclavage ; aucun cas n’a été jugé. Nous avons entamé une démarche pour le vote d’une loi criminalisant l’esclavage. Nous en sommes à l’avant projet. »

Khalilou Diagana

Source  :  Le Quotidien de Nouakchott le 21/02/2012

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