Libye: mandat d’arrêt pour crimes contre l’humanité contre Kadhafi

La Cour pénale internationale (CPI) a annoncé lundi la délivrance d’un mandat d’arrêt pour crimes contre l’humanité contre le colonel Mouammar Kadhafi, son fils Seif a-Islam et le chef des services de renseignements libyens Abdallah Al-Senoussi.

 

La décision des juges a été accueillie par des scènes de liesse à Benghazi, deuxième ville du pays, et Misrata, située à 200 km à l’est de la capitale Tripoli, certains tirant en l’air, beaucoup agitant les drapeaux de la rébellion.

« Justice a été rendue« , s’est félicité le président du Conseil national de transition (CNT), organe politique des rebelles libyens, Moustapha Abdeljalil, devant la presse à Benghazi, siège de la rébellion libyenne.

Les juges de la CPI ont estimé, lors d’une audience publique à La Haye, qu' »il y a des motifs raisonnables de croire que (…) Mouammar Kadhafi, en coordination avec son cercle rapproché, a conçu et orchestré un plan destiné à réprimer et à décourager la population qui manifestait contre le régime et ceux considérés comme dissidents au régime« .

La délivrance des mandats d’arrêt « souligne une fois de plus l’isolement croissant du régime« , selon le secrétaire général de l’Otan, Anders Fogh Rasmussen, tandis que pour le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, la question n’est pas de savoir si Mouammar Kadhafi doit quitter le pouvoir, « mais comment et quand« .

Le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague a pressé lundi l’entourage du colonel Mouammar Kadhafi à « le lâcher » ou « à rendre des comptes« .

L’annonce des mandats d’arrêt intervient au moment où la campagne de bombardements des pays membres de l’Otan pour aider les rebelles libyens dure depuis cent jours et où le conflit s’enlise, le colonel Kadhafi étant toujours au pouvoir.

« Pour éviter qu’ils ne continuent de dissimuler les crimes qui continuent d’être commis et qu’ils n’en commettent de nouveaux, ils doivent être arrêtés. C’est là la seule manière de protéger les civils en Libye« , a réagi le procureur Moreno-Ocampo dans un communiqué.

Le ministre de la Justice du CNT, Mohammed Al-Allagui, a de son côté assuré que le CNT « collabore » avec le bureau du procureur, devant la presse à La Haye.

« Il faut d’abord l’arrêter« , a-t-il dit au sujet de M. Kadhafi: « nous déciderons ensuite quel est le meilleur endroit pour le poursuivre en justice« , soit en Libye, soit devant la CPI.

«Actes inhumains à la population civile»

Selon les juges, il y a des motifs raisonnables de croire que les trois hommes sont responsables, « en tant qu’auteurs indirects« , de meurtres et persécutions, constitutifs de crimes contre l’humanité, commis par les forces de sécurité libyennes notamment à Tripoli, Benghazi et Misrata.

Les forces de sécurité ont « infligé des actes inhumains à la population civile, la privant gravement de ses droits fondamentaux« , selon les juges.

La révolte en Libye a fait des milliers de morts, selon le procureur de la CPI, et entraîné la fuite à l’étranger de près de 650.000 Libyens et le déplacement à l’intérieur du pays de 243.000 autres, selon l’ONU.

Sur le terrain, les rebelles se trouvaient toujours lundi à une cinquantaine de kilomètres de Tripoli.

Un seul chef d’Etat en exercice, le président soudanais Omar el-Béchir, fait jusqu’ici l’objet d’un mandat d’arrêt de la CPI. Recherché pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre au Darfour (Soudan), M. Béchir ne reconnaît pas la compétence de la Cour.

Entrée en fonction en 2002, la CPI ne dispose d’aucune force de police propre et dépend de la volonté des Etats pour l’exécution des mandats d’arrêt.

« Tous les Etats parties (au Statut de Rome, traité fondateur de la CPI) et la Jamahiriya arabe libyenne ont le devoir explicite d’exécuter ces mandats d’arrêt« , selon Christian Wenaweser, le président de l’Assemblée des Etats parties.

La Cour a compétence en Libye en vertu de la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies du 26 février, ce que contestent les autorités libyennes qui affirment ne pas être « concernées » par ses décisions, n’ayant pas ratifié le statut de Rome.

Source :  AFP et Libération le 27/06/2011

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