Les Mauritaniennes divorcées bénéficient d’un pouvoir inhabituel

Un divorce s’accompagne en général de larmes et de peine. En Mauritanie, au moins pour les femmes, c’est l’occasion d’une fête.

 

 

 

La Mauritanie dépasse ses voisins du Maghreb en matière d’égalité entre les genres. La polygamie y est rare. Les femmes détiennent des postes à haute responsabilité au gouvernement. Elles peuvent également divorcer et se remarrier aussi souvent qu’elles le souhaitent.

Ce sont les hommes qui sont le plus inquiets.

Quatre mariages sur dix en Mauritanie se terminent par un divorce, souvent parce que le mari ne peut subvenir aux besoins du ménage. Un chômage élevé complique encore la situation. Pour les hommes qui envisagent de se marier et pour ceux qui souhaitent conserver leur épouse, les temps sont durs.

Les Mauritaniennes, en revanche, font la fête. Amis et parents de la nouvelle célibataire se joignent aux célébrations.

Aucune stigma social n’est lié à un mariage raté. Si une femme est malchanceuse une première fois, elle a toujours la possibilité d’essayer à nouveau.

« Selon les coutumes mauritaniennes, la femme divorcée est reçue avec des trills de joie et un grand bonheur par sa famille, ses amis et ses voisins, ce qui lui évite la peine et lui donne confiance pour tenter de bâtir un autre nid après l’échec du premier », explique le sociologue Ahmed Ould Abdellatif.

« La lénience excessive de la société à l’égard des femmes divorcées et l’importance de la dote sont à l’origine de nombreux cas de divorce dans la société mauritanienne », explique-t-il à Magharebia.

« Aucune honte ni aucune tristesse n’est liée à l’échec d’un mariage », explique-t-il. « Dans certaines régions du pays, des coups de feu sont tirés en l’air pour accueillir le retour de la divorcée. »

Aminetou Mint El Moustaffa s’est mariée à 18 ans, a donné naissance à un fils, puis a souhaité divorcer. Avant ses 20 ans, elle avait un nouveau mari.

« J’étais certaine que j’allais me remarier, et alors ? », rit-elle. « Le mariage est entre les mains de Dieu. Il l’accorde à qui Il le souhaite et quand Il le souhaite. C’est le destin et un décret divin ! »

Comme l’explique Meimoune Bint Taher, une ménagère : « En tant que Mauritaniennes, nous sommes fières de cette coutume et la respectons, parce que nous la considérons comme une coutume humaine, qui ne s’oppose ni à la religion ni à la morale. »

« Dans d’autres pays, certaines femmes sont la proie de leur mari, et c’est la société qui est derrière cela », explique-t-elle. « C’est injuste et inhumain, et cela porte atteinte au coeur-même de la liberté des femmes », souligne-t-elle.

Plus de 70 pour cent des Mauritaniennes divorcées se sont remariées, et près de 55 pour cent une troisième fois. Elles ne redoutent aucun stigma social.

« Les hommes mauritaniens comprennent parfaitement l’état psychologique et social des femmes divorcées », explique-t-elle avec un sourire.

La Mauritanie diffère également de certains autres pays arabes en ce que la polygamie y est peu courante. Comme l’explique le sociologue Moktar Ould Alyen : « La norme dans les contrats de mariage est d’ajouter la phrase suivante : « Aucune épouse avant, aucune épouse après, et si tel est le cas, la décision revient à la femme », ce qui implique la dissolution du mariage si le mari épouse une autre femme. »

« Les femmes de Mauritanie ont acquis tous leurs droits sans vraiment se battre, contrairement à leurs soeurs de nombreux pays arabes et musulmans », ajoute-t-il. « Elles sont présentes dans le ministère le plus important, celui des Affaires étrangères, occupent tous les postes et se présentent même à la présidence. »

Tout bien considéré, conclut-il, « les Mauritaniennes sont gâtées. Et le leblouh, l’engraissement, en est la preuve. »

Certains hommes du pays s’alarment de ce qu’ils appellent « le pouvoir des femmes », faisant valoir qu’il fait peser sur les hommes une menace économique, psychologique et sociale.

Mohamed Ould Zein El Abidine a lancé en 2008 une organisation non gouvernementale pour défendre les droits des hommes. Âgé de la cinquantaine, il paraît fatigué et épuisé, et la sueur coule sur son front.

Cela a été un long combat, cette bataille pour « protéger les hommes de l’oppression des femmes et créer un ministère pour la protection des droits volés aux hommes », explique-t-il.

« Les femmes ont tout pris aux hommes dans ce pays », affirme-t-il. « Les tribunaux sont favorables aux femmes, tout comme l’est la société, et les ministères sont tous occupés par des femmes ! »

« Lorsque j’ai tenté de lutter contre cette réalité en déposant une demande d’autorisation pour fonder une association de défense des droits des hommes, un groupe de femmes secrétaires du ministère de l’Intérieur a bloqué ma demande pendant neuf mois dans les arcanes du ministère », explique-t-il.

Le ministère des Affaires sociales comprend un service des conflits familiaux. Magharebia a interrogé le conseiller juridique du ministère, Sidi Athman Mohamed, sur la position d’Ould Zein El Abidine affirmant que les hommes sont dans une situation si difficile qu’ils leur faut leur propre ONG pour protéger leurs droits.

« Je crois simplement que cet homme n’est jamais venu au ministère », explique Mohamed à Magharebia. « Il est manifeste qu’il a des préjugés. Peut-être a-t-il des problèmes personnels avec certaines femmes et qu’il tente de les généraliser. »

Il ajoute : « Le ministère est ici pour servir les deux sexes, en toute égalité et justice, et pour participer à la résolution des conflits familiaux, pas uniquement au bénéfice des femmes. »

« Les femmes doivent certes bénéficier de tous leurs droits, mais cela ne s’est jamais fait, et ne se fera jamais, au détriment des hommes », explique Mohamed.

De nombreuses femmes s’enorgueillissent d’avoir plusieurs ex-maris, considérant ces mariages en série comme une preuve de leur beauté et de l’attirance qu’elles suscitent.

« Certaines femmes se vantent du nombre de fois où elles se sont mariées », explique le militant social El Mamy Ould Mohamed. « Nous entendons souvent certaines d’entre elles dire qu’elles se sont mariées quatre ou cinq fois, comme s’il s’agissait de la meilleure preuve de leur beauté, de leur lignée et de leur féminité, qui lui permettent d’attirer de nouveaux maris. »

Cela signifie aussi qu’un divorce peut être salué avant même d’être prononcé, explique ce militant, « ce qui a des conséquences négatives sur la société en général », précise-t-il à Magharebia.

« Nous disons souvent ‘la chose honnie la plus autorisée pour Dieu est le divorce' », ajoute-t-il. « Mais simplement, je ne vois aucun vainqueur dans un divorce, quel qu’il soit. »

Mohamed Yahya Ould Abdel Wedoud

Source  :  Magharabia le 27/05/2011

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