Tristesse des Mauritaniens de retour de Libye

Depuis le déclenchement du soulèvement en Libye, le 17 février, près de 5 000 Mauritaniens ont fui les violences et sont rentrés au pays.

 

 

 

Mais ce retour ne se fait pas sans difficultés. Ces mauritaniens, qui sont en effet nombreux à avoir tout laissé derrière eux, sont contraints de se réadapter à cette nouvelle vie dans dans ce pays qui est certes leur patrie, mais où ils ne possèdent ni revenu ni aucun bien.

« La situation est réellement tragique », dit Mohamed Vall Ould Khalifa, l’un des porte-paroles de ces rapatriés involontaires de Libye. « Certaines personnes qui en aidaient d’autres doivent aujourd’hui être aidées à leur tour. Ceux qui apportaient une aide ont aujourd’hui besoin d’une main tendue. Le nombre d’arrivants en provenance de Libye augmente de jour en jour. »

Ould Khalifa faisait autrefois partie de ces milliers de Mauritaniens qui menaient une vie correcte en Libye, où il travaillait comme dirigeant dans une entreprise allemande depuis 17 ans. Pour les plombiers comme pour les mécaniciens, pour les enseignants comme pour les ingénieurs, avoir un emploi dans la Libye de Mouammar Kadhafi signifiait la garantie d’un revenu stable.

« Mais j’ai tout perdu après que les installations de la société aient été endommagées et que mes biens personnels aient été confisqués », explique-t-il à Magharebia. « Aujourd’hui, je n’ai plus rien, après avoir pu accumuler 11 000 dollars. »

Parmi tous ceux qui ont eu la chance de pouvoir échapper à ce conflit fratricide, ils sont nombreux à devoir dorénavant affronter un avenir sans certitudes. Une situation qui a eu pour conséquence une manifestation de certains rapatriés devant le palais présidentiel à Nouakchott, où ils ont réclamé de la terre et des emplois.

Ceux qui reviennent de Libye doivent « être intégrés dans la matrice de l’économie et du développement », déclare Ould Khalifa.

« Nous souhaitons pouvoir parler à une personne ou à une autorité, pour qu’elle nous permette de résoudre ces problèmes. Nous sommes perdus dans un labyrinthe de routes sinueuses, qui sont trop longues à emprunter », ajoute-t-il.

Le cas de la famille de Sidi Mahmoud Ould Mekki est un exemple criant de la dégradation des conditions de vie de ces personnes revenues de Libye. Cette famille, qui compte sept fils et quatre filles, a été contrainte de quitter Tripoli et de rentrer à Nouakchott après 29 années passées en Libye. Elle se retrouve aujourd’hui vivant dans un logement modeste du quartier d’Arafat, après avoir tout perdu, travail, école et économies familiales.

« Je suis né en Libye en 1986, et j’étais étudiant en médecine à Az-Zawiyah, dans l’ouest de la Libye », explique Abdellahi. « J’ai été brutalement contraint d’arrêter mes études et de rentrer en Mauritanie, où je n’étais jamais venu auparavant. J’ai demandé une bourse au ministère de l’Education pour terminer mes études dans un autre pays, mais je n’ai encore reçu aucune réponse. »

L’histoire d’Abdellahi n’est pas différente de celle de son père, Sidi Mahmoud, qui raconte avoir travaillé dans le secteur de la construction, dans la ville de Sabha. « Puis la révolution a éclaté et j’ai été obligé de rentrer dans mon pays, que j’avais quitté en 1982. La société pour laquelle je travaillais ne m’a versé aucune indemnités, j’ai donc dû rentrer sans rien. »

Le gouvernement mauritanien n’assure que le transport aérien pour évacuer ses ressortissants vers Nouakchott, où leurs noms sont enregistrés. Selon Hamoud Ould Nebagh, vice-président de la commission gouvernementale des droits de l’Homme, ces transferts coûtent à l’Etat « beaucoup d’argent dans le contexte de la crise économique mondiale ».

Il ajoute que les Mauritaniens doivent apprécier « ce geste humanitaire ». « Comment les citoyens qui ont été sauvés et qui ont pu retourner dans leur pays peuvent-ils demander plus encore ? Quels sont ces droits ? », s’interroge-t-il.

Mais les citoyens ordinaires restent peu convaincus.

« Je suis rentré de Libye sans un sou », indique Mubarek Ould Mohamed, père de neuf enfants. « Ma femme et moi allons manifester tous les jours devant les bureaux du gouverneur, et parfois devant le palais présidentiel. »

Jemal Oumar

Source  :  Magharebia le 21/04/2011

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