Mauritanie : élections législatives et municipales 2011 sur fond de crise « d’identité nationale »

Bientôt des élections législatives et municipales en Mauritanie. Le premier ministre Ould Laghdaf en avait pris l’engagement dans son programme de 2011.Des échéances sur lesquelles Ould Aziz compte beaucoup pour regagner la confiance des électeurs qui l’ont élu président en juillet 2009

 

et espérer surtout une majorité confortable au parlement pour poursuivre son quinquennat. A quelques mois de ce rendez-vous avec les urnes, les observateurs s’interrogent sur la transparence de ce scrutin faute d’un nouveau fichier électoral fiable.

C’est officiel depuis décembre 2010, les mauritaniens vont élire leurs députés et maires cette année. Aucune date précise pour le moment mais l’engagement du premier ministre Ould Laghdaf est indéniable. Il s’agit d’un scrutin qui va remettre les pendules à l’heure après les élections présidentielles qui ont eu lieu en juillet 2009 et permis au nouveau locataire du palais de Nouakchott de gouverner plus ou moins tranquillement grâce au nomadisme politique c’est-à-dire le ralliement de beaucoup de députés et sénateurs de l’opposition à la majorité. Il a fallu un an et demi, jour pour jour à Ould Aziz pour arriver à mettre en place un parti l’UPR (Union Pour la République) capable de s’implanter dans tout le pays . Dernier coup de théâtre, c’est l’intégration récente de plusieurs partis dans l’UPR dont les plus connus, le parti Adil de Yahya Ould Waghf,ex-premier ministre de l’ancien président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, le MPR (Mouvement Pour la Refondation) de Kane Hamidou Baba, et tout dernièrement le MJD-MR ( Alliance pour la Démocratie et la Justice) de Ibrahima Sarr. Sur le terrain, ces avantages ne sont pas négligeables mais l’opposition n’est pas en reste sous la bannière Coordination ( COD) qui n’a jamais cessé de ménager le nouveau pouvoir.Elle regroupe principalement le RFD(Rassemblement des Forces Démocratiques) de Ahmed Ould Daddah, l’APP( Alliance Populaire Progressiste) de Messaoud Ould Boulkheir, EL WIAM de Boidiel Ould Houmeid.

L’enjeu est de taille. Ces consultations législatives et municipales devront prouver la capacité de mobilisation des forces politiques en présence. Sur le papier, l’UPR est en bonne posture d’autant plus que le nouveau fichier électoral n’est pas tout à fait au point à cause de la lenteur de la réforme de l’Etat-civil avec notamment la création d’une agence nationale du registre des populations et des titres sécurisés dirigée par un des hommes clefs de Ould Aziz qui a marqué la dernière campagne des présidentielles.

Cette gestion technique de l’état-civil suscite bien entendu des interrogations dans les sphères des états-majors des partis politiques de l’opposition et au sein de la société civile qui commence à sentir quotidiennement les effets néfastes et l’improvisation de la réforme du gouvernement de Ould Laghdaf. Inquiétude surtout de la communauté négro-mauritanienne qui n’est pas représentée dans cette instance et par conséquent y voit une nouvelle tentative de dénégrifier la Mauritanie. Des milliers de citoyens seraient aujourd’hui sans extrait de naissance, sésame pour tous les autres documents administratifs vitaux comme la carte d’identité, le passeport et le permis de conduire .Selon des sources digne de foi , ce dossier d’état-civil soulève deux lacunes sérieuses au niveau de la sécurisation et de la centralisation des documents .Confier la gestion technique de toute la vie du citoyen à une seule personne c’est-à-dire tous les actes qui relevaient de la police, des walis, des hakems, des maires et des services des transports est une hérésie.

C’est de bonne guerre pour le pouvoir en place qui entend tout contrôler en plaçant son pion en vue des résultats des prochaines élections mais c’est politiquement incorrect, un manque de respect à l’opposition et à tous les électeurs. Depuis pratiquement 2 ans, ce sont des queues interminables dans les mairies, les polices etc… Les citoyens attendent avec impatience et incertitude le déblocage de cette situation.. Et faute de ces papiers, ils deviendront au moins pendant un certain temps des sans papiers dans leurs propre pays. Cette désorganisation profite à certaines personnes de l’administration qui n’hésitent pas à corrompre le citoyen pour avoir un passeport, le seul document jusqu’ici qui marche bien. Ce sont les populations de l’intérieur qui en font les frais étant donné que tout est centralisé à Nouakchott, et que les directions régionales sont fermées depuis belle lurette. Pas étonnant que dans le cadre de cette nouvelle réforme, les auxiliaires d’état-civil soient sur la touche.

Ce travail de proximité laisse un grand vide entre les citoyens et les administrations. Cette crise d’état-civil est d’autant plus visible dans la dérogation dont les candidats disposent à l’heure actuelle pour passer leurs examens. Un parcours de combattant pour les élèves et étudiants. Nul doute que l’un des objectifs majeurs du recensement de la population est l’élaboration d’un nouveau fichier électoral fiable pour les prochaines échéances. Mais comment peut-on le faire dans ces conditions ? A ce rythme sans correction des imperfections on s’oriente vers une pagaille du fichier électoral. La balle est plus dans le camp de l’opposition qui ne doit pas rester dans l’expectative. Agir vite sinon demain ce sera trop tard pour parler de fraudes électorales.

Bakala Kane

Source  :  El Mejlisse le 24/02/2011

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