Troubles sociaux : La Mauritanie et le Maroc ont-ils anticipé la vague ?

Avec de jeunes dirigeants récemment investis des commandes du Pouvoir, le Maroc et la Mauritanie ont, sans doute, chacun en ce qui concerne son évolution politique, anticipé le mouvement de contestation sociale

 

qui balaye aujourd’hui certains pays arabes. Le président mauritanien, Mohamed Ould Abdelaziz et de Sa Majesté, le Roi Mohammed VI, Roi du Maroc, doivent à cette réalité qu’ils ont été capables de visions prospectives pour leurs pays. De fait, ils se sont illustrés par leurs engagements en faveur des pauvres et d’une plus grande moralisation de la vie publique. Ce qui, normalement, les met à l’abri des tourmentes politiques.

Le monde arabe est dans une ébullition, sans précédent. Le spectre tunisien, jamais vécu dans notre histoire commune, retentit dans beaucoup de capitales arabes où une vieille garde politique tente coûte que coûte à préserver son establishment qui dure depuis des décennies. Les bouleversements politiques nés des frustrations des masses laborieuses du monde arabe ont déjà emporté l’ex-président tunisien, Benali ; elles poussent aujourd’hui encore Moubarak à la sortie. En Jordanie, au Yémen et en Algérie, on tente d’exorciser la menace par des subterfuges. L’usure du Pouvoir, l’étouffement des libertés et les disparités socio-économiques longtemps endurées par des citoyens stoïques se sont finalement exprimées par l’explosion sociale et le rejet de tous les systèmes sur lesquels était bâti ce modèle de gouvernance. La Mauritanie et le Maroc offre, dans cette perspective, un ilot d’espoirs ; une exception qui confirme la règle. La propagation de la secousse sociale dans certains pays arabes devrait donc, en toute logique, les épargner. Des considérations objectives militent en ce sens. Parmi celles-ci, il y a d’abord l’âge des dirigeants aux rênes du Pouvoir. Ils sont tous les deux de jeunes dirigeants aux commandes depuis peu. Curieusement d’ailleurs, les noms des deux dirigeants ont été associés aux masses des déshérités dans leurs pays respectifs. Si le président Mohamed Ould Abdleaziz est bien adoubé par ce surnom que lui donnent les mauritaniens, Sa Majesté Mohamed VI a inauguré son intronisation par sa volonté d’améliorer les conditions de vie de ses sujets. «Président des pauvres » ou «Roi des pauvres», les deux responsables ont nourri la confiance de leurs administrés.

L’alternance forcée en Mauritanie
S’il n’y avait pas eu le coup du 3 août 2005 où en serions-nous aujourd’hui en Mauritanie? Quelque part, le renversement du règne, sans partage, de Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya, par l’Armée se révèle salutaire pour le pays. Vingt ans d’exercice solitaire du pouvoir comme ce fut l’approche de Benali finalement évincé et poursuivi, en même temps que son entourage, pour sa gestion poreuse des ressources de son pays. En Mauritanie, et malgré les années de plomb ainsi que la parenthèse Sidioca (2007-2008) dont le plus grand tort a été de fragiliser économiquement et sur le plan sécuritaire le pays, l’élection présidentielle consensuelle, obtenue à la suite de l’accord de Dakar, et son impact sur la pacification du champ politique, a permis de juguler la contestation dans notre pays. Mais bien plus encore, l’engagement et la volonté politiques du président Mohamed Ould Abdelaziz en faveur des couches déshéritées étaient à propos dans notre pays saigné par le clientélisme et le népotisme, source de dilapidation des ressources publiques, de passe-droits et surtout de frustrations sociales. En engageant cette lutte sans merci, le «président des Pauvres » a su susciter un espoir parmi ses concitoyens. Un espoir auquel s’accroche, chaque jour, en dépit de l’inefficacité du gouvernement actuel, la majorité des mauritaniens pour voir se concrétiser leurs aspirations à la liberté, à la justice et à la sécurité. Après seulement, une année à la tête de l’Etat, le président Ould Abdelaziz a donné les gages du sérieux de son engagement politique enregistrant des acquis sur le plan de l’unité nationale, de la lutte contre la promiscuité des couches défavorisées et contre la gabegie tout en acceptant la contradiction politique et la liberté d’expression. Autant donc dire que la tentative d’une certaine Opposition à vouloir étendre et donc récupérer comme un effet de mode, la contestation dans le reste du monde arabe risque d’être vaine. D’autant plus que, comme viennent de le prouver les tentatives d’attentats contre notre pays, la majorité des mauritaniens n’est pas prête à se lancer dans une aventure rien que pour la consécration de l’agenda politique de certains leaders de l’Opposition, incapables eux-mêmes d’alternance dans leurs propres formations politiques….depuis plus de trente ans.

Légitimé séculaire d’un Roi
Qui l’eut cru lorsqu’en 1999, au lendemain de son intronisation, Sa Majesté Mohammed VI lançait l’initiative «Vérité et Réconciliation» pour panser les plaies béantes des années de plomb dans le royaume chérifien? Le jeune monarque Alaouite, en fait, ne faisait qu’inaugurer de nouveaux chantiers jusqu’ici insoupçonnés…inattendus. Sa clairvoyance -bien plus- sa conviction de servir son Peuple a été déterminante dans ce nouveau contrat fait de recherche effrénée d’équité, de justice et de démocratie. Des sommes faramineuses ont été dépensées, sans compter, pour impliquer la société civile marocaine, encouragée par le nouveau climat de liberté retrouvée avec le jeune souverain. Un nouveau printemps était donné, sans complexe, ni calcul. C’est pourquoi d’ailleurs note le Hudson Institute, un think thank américain s’exprimant sur les violents changements en Tunisie et les soulèvements populaires en Egypte, ou encore en Algérie: «le Royaume du Maroc se distingue par une stabilité « unique » dans son environnement régional, « avec un cachet séculaire qui lui est propre ». Il faut dire que ce n’est pas, là non plus, le fait du hasard. Une multitude de réformes politiques et sociales ont été engagées par le jeune souverain Roi, replaçant l’épanouissement et le respect de la dignité du marocain au centre des préoccupations et des politiques pour un développement durable à visage humain. Ces politiques imposées par Sa Majesté à tous les gouvernements « devraient inspirer d’autres gouvernements de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, parce qu’elles semblent aboutir aux objectifs escomptés » évalue un autre chercheur, Ahmed Charai, membre du conseil d’administration du Centre des études stratégiques internationales (CSIS), un institut de recherche basé à Washington. Leur succès prouve, en tout cas, toute la sagesse du Roi qui a su consolider et parfaire l’Etat de droit dans son pays, le mettant à l’abri des soubresauts auxquels on assiste aujourd’hui dans d’autres pays de la sous-région.
S’il existe aujourd’hui un défi pour les deux dirigeants, c’est bien de prémunir leurs pays de la menace terroriste qui les guette.

Jedna DEIDA

Source  :  Le Quotidien de Nouakchott le 03/02/2011

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