Plaidoyer sur la problématique des semences céréalières en Mauritanie:

Parvenir à la souveraineté semencière
La qualité de la semence est le premier facteur de la productivité d’une culture. C’est, donc, un maillon de la plus haute importance dans la chaîne vers une réussite, durable, de l’agriculture.

Lorsque la qualité de la semence fait défaut, on aura beau appliquer l’itinéraire technique le plus performant, la productivité sera, toujours, faible. En Mauritanie, cet aspect est très peu maitrisé. Dans la plupart des cas, les semences sont issues de la récolté précédente, sinon, on se ravitaille en tout-venant, sur le marché.

Les circuits commerciaux, en la matière, sont peu ou prou organisés. Les fournisseurs, des non-professionnels, inaptes à conseiller, de manière correcte, les agriculteurs.
Il ressort d’une consultation, menée par Wane Birane, qu’une intervention, conséquente, au niveau des producteurs devra prendre en compte et au premier rang la souveraineté semencière. «Cette souveraineté peut être obtenue grâce à des banques de semences et/ou des programmes d’autoproduction de semences de qualité, avec et par des producteurs».
Du point de vue légal, il existe, en Mauritanie, une loi relative à la production et au contrôle de la qualité mais elle reste inappliquée. Plusieurs réflexions, relatives à ce thème, ont été menées, en 2009, suite au diagnostic réalisé par Association for Cooperative Operations Research and Development (ACORD), en mars 2008, qui a mis en évidence que la problématique des semences se situe au niveau de leur accessibilité, de leur disponibilité et de leur qualité. C’est pour parachever cette réflexion, entre les différentes structures concernées et en vue de définir le grands axes d’une stratégie de plaidoyer semences, au niveau national, qu’ACORD et ses partenaires ont tenu, le 26 janvier dernier, à Nouakchott, un atelier national de plaidoyer sur la problématique des semences céréalières, en Mauritanie, avec l’appui de l’Agence Espagnole pour la Coopération Internationale et le Développement(AECID) et d’Intermon Oxfam. Il s’agissait d’inciter l’Etat et l’ensemble des acteurs à une «meilleure prise en charge de la problématique d’accessibilité et de disponibilité des semences céréalières traditionnelles de qualité».
Les organisateurs entendaient assurer plus de coordination, au niveau des actions, pour résoudre la problématique des semences; améliorer les moyens d’action des acteurs; encourager le secteur privé à la production des semences  céréalières traditionnelles. Les participants ont procédé à une analyse approfondie de la stratégie en la matière et comptent mener  une sensibilisation/vulgarisation des acquis sur la promotion des semences. Les participants ont défini des objectifs de changement et  élaboré un plan d’actions, après avoir examiné le problème des semences céréalières tel qu’il se pose aux paysans, en général, et à ceux des zones d’intervention du programme d’existence durable (MED 2007-2010).
Le coordinateur du programme ACORD Mauritanie, Mohamed Lemine Ould El Hussein, a indiqué que les organisations ACORD, Intermon Oxfam et AECID ont, très tôt, perçu les difficultés en la matière, dans les zones d’intervention qui  bénéficient d’un appui du projet «réduction de la pauvreté en Mauritanie». Inscrit dans les objectifs de développement et d’amélioration des conditions de vie des populations rurales, celui-ci vise l’accroissement de la production agricole, afin d’assurer, sur le plan local en priorité, la sécurité alimentaire des populations-cibles. A cet effet, la qualité des semences mise à la disposition du monde paysan revêt une importance particulière.
Le souhait de Mohamed Lemine est d’approfondir, davantage, la réflexion, en vue de mieux impliquer les acteurs, dans la recherche de solutions durables. «En plus du problème de la qualité», précise Mohamed Lemine Ould El Hussein, « se posent, conjointement, ceux de la disponibilité et de l’accessibilité». Il espère une implication, accrue, des pouvoirs publics, dans une politique nationale de semences, bien conçue et correctement mise en œuvre, à partir d’une analyse, approfondie, de la problématique des semences et de la mise en place d’une stratégie d’intervention.

Réorganiser  la filière
S’exprimant au nom de Sokhna Mariem Baro, directrice de pays d’Intermon-Oxfam en Mauritanie, Amadou Seydi Djigo a indiqué que l’atelier se voulait espace d’échanges, afin d’inciter l’ensemble des acteurs à une meilleure prise en charge de la problématique d’accessibilité et de disponibilité des semences céréalières de qualité. Et Intermon Oxfam d’exhorter les participants à mettre à profit cette opportunité. S’appuyant sur une citation d’auteur, Djigo  Amadou dira que, «lorsque la qualité de la semence fait défaut, on a beau appliquer l’itinéraire technique le plus performant, la productivité n’en sera que faible. […] Nos organisations, grâce à leurs concours, tant financier que technique, entendent apporter des changements, viables et durables, à la problématique de la production des semences de qualité, ainsi qu’à leur disponibilité».
Lors de sa communication sur l’état des lieux et des pistes d’avenir, Wane Birane a plaidé pour une politique de contractualisation de l’offre, pour la professionnalisation mais, aussi, la conceptualisation de la notion de souveraineté semencière. Il a déploré l’absence de véritables structures à même de satisfaire l’ensemble des demandes.
«ACORD a entamé une démarche de plaidoyer, avec tous les partenaires, sur la problématique de semences, afin d’améliorer la production agricole des paysans», révèle Ahmed Barro, coordinateur du projet. Et de rappeler le diagnostic réalisé, par ACORD, en mars 2008, qui a révélé: l’absence d’une implication, effective, des structures techniques étatiques spécialisées, dans le choix des variétés et de la qualité des semences, dans l’encadrement et le suivi des producteurs; l’insuffisance voire l’inexistence d’infrastructures techniquement fiables de traitement, de conditionnement et de stockage des semences. L’introduction anarchique d’un matériel végétal douteux (semences et plants) qui a favorisé l’apparition de nouveaux ennemis de cultures; l’absence de canaux de distribution spécialisés et d’organisations de producteurs semenciers.
En fin d’atelier, un comité de suivi et de réflexion sur la problématique de semences a été mis en place.

THIAM MAMADOU

Source  :  Le Calame le 02/02/2011

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page