Des dizaines de milliers d’Egyptiens dans les rues défient le pouvoir

Le plus influent prêcheur du monde arabe a affirmé que seul le départ de Moubarak pouvait régler la crise. 48 personnes sont mortes depuis le début de la contestation.

 

Des dizaines de milliers d’Egyptiens sont descendus dans les rues samedi 29 janvier au 5e jour de leur révolte sanglante sans précédent contre le président Hosni Moubarak, le principal opposant Mohamed ElBaradei promettant la poursuite de la contestation jusqu’à son départ.

Même si son avenir semblait sombre, Hosni Moubarak, au pouvoir depuis 29 ans, donne l’impression de vouloir s’accrocher au pouvoir en annonçant des réformes et la formation dans la journée d’un nouveau gouvernement, après qu’il eu fait appel à l’armée pour contenir les manifestations qui ont fait près de 50 morts.

Le plus influent prêcheur du monde arabe, cheikh Youssef Al-Qardaoui, a quant à lui affirmé que seul le départ du président Hosni Moubarak pouvait régler la crise en Egypte, appelant le peuple à poursuivre son « soulèvement » pacifiquement, dans une déclaration à la chaîne Al-Jazira. « Je conseille au président Moubarak de partir, qu’il quitte l’Egypte (…) La seule solution pour régler le problème est le départ de Moubarak », a déclaré cheikh Qardaoui, un influent théologien sunnite qui dirige l’Union mondiale des oulémas musulmans. »Va-t-en Moubarak, ai pitié pour ce peuple et dégage avant que la destruction ne s’étende en Egypte », a dit ce théologien qatari d’origine égyptienne à la télévision du Qatar Al-Jazira. Cheikh Al-Qardaoui est un religieux influent et l’un des dirigeants spirituels des Frères musulmans dans le monde.

 La communauté internationale a par ailleurs exprimé ses vives inquiétudes, le président américain Barack Obama appelant, lors d’un entretien téléphonique, Hosni Moubarak « à prendre des mesures concrètes pour tenir ses promesses », et à « s’abstenir d’utiliser la violence contre les manifestants pacifiques ».

Mais les promesses, en deçà des revendications de la population pour de meilleures conditions de vie -lutte contre le chômage et la pauvreté et la liberté d’expression-, n’ont pas entamé la détermination de la rue à le chasser.

 

L’armée appelée en renfort

Aux cris de « Moubarak va-t-en » ou « Celui qui aime l’Egypte ne détruit pas l’Egypte », des dizaines de milliers de manifestants, déchirant ses portraits et conspuant son nom, se sont retrouvés sur la grande place Tahrir, proche de nombreux bâtiments officiels au Caire.

L’armée, épine dorsale du régime, a été appelée en renfort d’une police dépassée par les événements, et le couvre-feu, instauré au Caire, à Alexandrie et à Suez, a été étendu samedi de 16h à 8h. Des hélicoptères survolaient la capitale.

Présente avec ses blindés, l’armée a enjoint la population de « respecter le couvre-feu » le soir et de ne pas se rassembler dans les lieux publics la journée. Mais les manifestations ont continué.

A Rafah, ville frontalière de la bande de Gaza, le siège de la Sûreté de l’Etat a été attaqué par des manifestants et les heurts ont coûté la vie à trois policiers, selon les témoins.

Un régime dictatorial »

A Ismaïliya, sur le canal de Suez, des heurts violents ont éclaté entre forces de sécurité et des milliers de manifestants et à Alexandrie (nord), deuxième ville de pays, des centaines de personnes ont manifesté alors que plusieurs commissariats étaient toujours en flammes.

Au Caire, les habitants ont parallèlement entrepris de déblayer les rues après les pillages et les incendies provoquées par les manifestants au siège du parti au pouvoir et à de nombreux commissariats de police. Un supermarché du géant français Carrefour a été pillé.

Hosni Moubarak, qui s’est exprimé vendredi après un silence marqué pendant quatre jours, « doit partir », a déclaré Mohamed ElBaradei à la chaîne France24.

« Je continuerai à participer (à la contestation), peu importe ce que cela implique, pour m’assurer que le régime de Moubarak parte (…) C’est un régime dictatorial qui a échoué sur les fronts économiques et politiques », a dit l’ex-chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et prix Nobel de la paix en 2005.

48 morts

Les Frères musulmans, principale force d’opposition, ont appelé à « un gouvernement de transition sans le parti (au pouvoir) qui organise des élections honnêtes et une passation pacifique du pouvoir ».

En attendant, le gouvernement a présenté sa démission, au moment où le chef d’état-major égyptien, Sami Anan, rentrait au pays après avoir écourté une visite aux Etats-Unis.

Selon le ministère de la Santé, 38 personnes ont été tuées vendredi, ce qui porte à 48 le nombre de morts depuis mardi, en majorité de civils. En outre, 2.500 personnes ont été blessées (dont 1.000 policiers).

Vendredi a été la journée la plus meurtrière depuis le début du mouvement inspiré par la Révolte du jasmin qui a chassé Zine El Abidine Ben Ali du pouvoir en Tunisie. Des manifestations massives lancées à l’issue de la prière hebdomadaire avaient dégénéré en émeutes.

 

La Bourse du Caire fermée

Selon les services de sécurité, 60% des postes de police du pays ont été incendiés, dont 17 au Caire.

Les services de téléphonie mobile, coupés comme l’Internet pour contrecarrer les manifestations, étaient partiellement rétablis en milieu de matinée. Mais l’Internet ne semblait toujours pas accessible. Ces deux services ont joué un rôle-clé dans le lancement des manifestations.

Seule note positive en faveur de Hosni Moubarak, la « solidarité » exprimée au président égyptien par le roi saoudien Abdallah et le président palestinien Mahmoud Abbas.

De crainte d’une escalade, la Bourse du Caire restera fermée dimanche ainsi que les banques.

Source  :  Le Nouvel Observateur le 29/01/2011

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