Dans le secret des businesswomen

bussiness-womenLa chercheuse française Céline Lesourd publie une enquête dans laquelle elle brosse le portrait d’une génération de femmes d’affaires et montre leur capacité à saisir la modernité.

Zeïnabou a divorcé il y a plus de vingt ans. Elle n’a pas fait d’études. À la fin des années 1990, elle a créé le Centre commercial Chinguetti (CCC), à Nouakchott : plusieurs centaines de commerces tenus par des femmes, propriétaires de leur boutique, chose rare dans les autres marchés de la capitale. Le CCC a d’autres qualités : ses allées sont calmes et propres ; il propose un parking à la clientèle. Awa, Leila et Oumkeltoum y possèdent un magasin. Hier, elles étaient en France pour s’approvisionner en chemises de marque et « produits de qualité ». Avant-hier, en Chine, afin d’acheter des tissus pour les melahfa (« les voiles ») et des chaussures. Demain, elles seront à Naples, pour des chaussures aussi, mais les grandes pointures, « car, en Asie, c’est surtout les petites tailles ». Puis, comme chaque année, il y aura Dubaï, « le voyage le plus facile, car pour 3 millions d’ouguiyas [7 500 euros, NDLR], tu as tout : l’alimentation, les chaussures de toutes les qualités, des meubles, du matériel électroménager… »

Ces témoignages sont extraits de Mille et un litres de thé, de l’anthropologue française Céline Lesourd (qui a fait sa thèse sur la Mauritanie). Paru en France le 10 octobre chez Ginkgo éditeur, l’ouvrage sera bientôt en vente à Nouakchott. En cent et quelques pages très accessibles – l’un des objectifs de l’auteur –, dont une grande partie d’entretiens, il brosse le portrait d’une génération de femmes d’affaires mauritaniennes. Peu éduquées, globe-trotteuses, indépendantes, opportunistes et souvent indifférentes au féminisme, elles ne sont pas sans rappeler les Nana Benz du Togo, ces vendeuses de pagnes affichant leur réussite au volant de grosses cylindrées. Elles sont cependant moins connues, les images des femmes de la République islamique de Mauritanie étant souvent réductrices. « J’ai voulu sortir des clichés, montrer leur capacité à saisir la modernité », explique précisément Céline Lesourd. Tout en restituant le quotidien parfois difficile d’un travail de chercheur par de petites notes régulières en marge des témoignages, où l’on découvre que ces Nana Benz des sables, en plus d’être de redoutables businesswomen, cultivent à dessein le secret.

Source: Jeune Afrique

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