Le Mali bientôt sous contrôle djihadiste ? Analyse d’une rhétorique alarmiste

The Conversation  – Au Mali, Les djihadistes parviennent à s’emparer de petites localités rurales et à commettre des attaques meurtrières. Ils arrivent aussi à incendier une partie des camions-citernes destinés à Bamako. Mais à ce stade, ils sont loin d’avoir les moyens de prendre la capitale.

Début septembre 2025, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jama’at Nusrat ul-Islam wa al-Muslimin, JNIM) a annoncé – par la voix de son porte-parole pour les actions dans le sud et l’ouest du Mali, connu sous le pseudonyme Abou Hamza al-Bambari, mais désigné par les Maliens sous le nom de Nabi ou Bina Diarra – un embargo sur le carburant destiné à la capitale malienne Bamako.

Cette décision s’inscrivait dans une logique de représailles face à l’interdiction imposée plus tôt par le gouvernement malien à la vente de carburant dans certaines localités, dans le but d’entraver les circuits d’approvisionnement des groupes djihadistes. Cet élément revêt une importance essentielle pour appréhender les intentions réelles du JNIM.

Depuis, le JNIM a mis sa menace à exécution en menant des attaques répétées contre les convois de camions-citernes reliant Dakar et Abidjan, sources d’approvisionnement en carburant pour Bamako.

Si le groupe est parvenu à infliger des pertes significatives en détruisant de nombreux camions-citernes, le blocus qu’il exerce n’est toutefois pas totalement hermétique. En effet, certains convois, bénéficiant de l’escorte des forces armées maliennes (Fama) , parviennent encore à rejoindre Bamako, bien que leur nombre soit insuffisant pour satisfaire la demande nationale. La situation est d’autant plus critique que l’approvisionnement en carburant de plusieurs régions, notamment Ségou et Mopti (dans le centre du pays), dépend du passage préalable des camions-citernes par la capitale.

La tâche est particulièrement difficile pour les Fama, qui affrontent des ennemis « invisibles », très mobiles, et ayant l’avantage de la guerre asymétrique. Concrètement, cela veut dire que le JNIM n’a besoin que de positionner quelques dizaines de combattants à des points stratégiques des axes routiers concernés pour qu’ils ouvrent le feu sur les camions-citernes de passage. Même escortés par les Fama, ces convois restent exposés, le caractère hautement inflammable du carburant rendant toute opération de protection particulièrement risquée.

Cette situation a entraîné des conséquences particulièrement graves, le carburant étant au cœur de toutes les activités du pays. Les scènes impressionnantes de camions-citernes en feu le long des routes, de foules de Maliens se ruant vers les rares stations encore approvisionnées et de files interminables de véhicules attendant d’être servis ont donné l’image d’une paralysie totale de la capitale, ainsi que d’autres villes de l’intérieur.

Ce climat de crise a nourri certaines des hypothèses les plus alarmistes. Le Wall Street Journal – suivi d’autres médias – a par exemple titré, à propos du Mali : « Al-Qaida est sur le point de prendre le contrôle d’un pays ». Dans la foulée, plusieurs gouvernements – notamment ceux des États-Unis, de l’Italie, du Royaume-Uni ou encore de l’Allemagne – ont appelé leurs ressortissants à quitter immédiatement le Mali.

En réalité, l’hypothèse de « la filiale locale d’Al-Qaida » qui renverserait le pouvoir malien n’est pas nouvelle. Elle figurait déjà parmi les « scénarios noirs » envisagés par l’armée française en 2023.

Le Mali va-t-il bientôt être gouverné par le JNIM ?

Ce scénario apparaît, à ce stade, hautement improbable.

Comme indiqué précédemment, la crise que connaît actuellement le Mali, consécutive aux récentes actions du JNIM autour de Bamako, ne saurait être considérée comme la démonstration d’un déploiement de moyens militaires exceptionnels susceptibles de permettre la prise de la capitale. On pourrait même penser que le JNIM lui-même a été surpris par l’ampleur inattendue des conséquences de ses actions autour de Bamako, lesquelles, en réalité, ne requéraient pas de moyens militaires particulièrement importants.

Au-delà de cet aspect, aucun élément crédible – depuis la création du JNIM en 2017, et à la lumière de l’analyse de son modus operandi au Mali – ne permet de soutenir raisonnablement une telle hypothèse à court ou moyen terme.

L’annonce alarmiste d’une éventuelle prise de contrôle du Mali par ce groupe, dans la perspective de gouverner le pays, revient à accorder une importance excessive aux conséquences, certes spectaculaires, d’une crise ponctuelle, plutôt qu’à une évaluation globale des actions du JNIM, et des capacités réelles que révèle sa force militaire observable.

La pertinence du modus operandi du JNIM face aux exigences de la gouvernance urbaine

Pour rappel, au déclenchement de la guerre au Mali en 2012, plusieurs groupes djihadistes avaient pris le contrôle de zones urbaines dans le nord du pays, à une période où l’armée malienne se distinguait par une faiblesse particulièrement marquée.

 

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Chercheur sénior au Bonn International centre for conflict studies (BICC) ; Chercheur associé au laboratoire Les Afriques dans le Monde (LAM), Sciences-Po Bordeaux., Université Bordeaux Montaigne

 

 

 

 

Source : The Conversation 

 

 

 

 

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