Cameroun – Même réélu, Paul Biya devra affronter “un peuple qui ne veut plus de lui”

Sauf surprise, le Conseil constitutionnel camerounais devrait confirmer lundi 27 octobre les résultats de la Commission nationale de recensement qui ont donné Paul Biya vainqueur avec 53,66 % des suffrages. Mais le président de 92 ans ne pourra pas longtemps contenir “le vent de contestation qui monte de toutes parts” dans le pays, avertit le site guinéen “Le Djely”.

Courrier international  – L’événement que s’apprête à vivre le Cameroun ce lundi 27 octobre a comme un air de déjà-vu. Non pas seulement par la proclamation attendue des résultats de la présidentielle, mais aussi par la tension qui traverse le pays et le vent de contestation qui monte de toutes parts, perceptible à travers la marche pacifique organisée hier dans plusieurs villes.

C’est, en effet, un climat semblable qui prévalait il y a sept ans, à la suite de la présidentielle du 7 octobre [2018]. À l’époque déjà, le Conseil constitutionnel s’apprêtait à publier les résultats dans une atmosphère électrique, marquée par les contestations du camp de Maurice Kamto, leader du MRC [outre les accusations de fraude électorale formulées par l’opposition, le leader du Mouvement pour la renaissance du Cameroun avait revendiqué sa victoire dès le 8 octobre, alors même qu’aucun résultat n’avait été publié par la commission électorale].

Mais cette fois, la situation semble différente, car le camp du président sortant paraît plus ébranlé, presque déstabilisé. Comme si, après plus de quatre décennies de règne, le vieux Paul Biya avait été, pour la première fois, véritablement démythifié.

L’ordre établi a été bousculé

Soyons lucides : les chances que le Conseil constitutionnel déclare Issa Tchiroma Bakary, le candidat du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC), vainqueur de la présidentielle du 12 octobre dernier, sont quasi nulles [le principal rival de Paul Biya revendique sa victoire]. Il est tout aussi improbable que les pressions populaires qu’il envisage d’exercer suffisent à faire plier le régime et la puissante machine électorale mise en place depuis des décennies par le camp présidentiel.

Il est temps de tourner la page des quarante-trois années du régime Paul Biya, affirment dans le quotidien de Yaoundé Le Jour des intellectuels camerounais rassemblés au sein du Collectif d’intellectuels patriotes (Cipa-CAM). Pour ces universitaires, journalistes et membres de la société civile, le seul vainqueur de l’élection présidentielle du 12 octobre est Issa Tchiroma Bakary, lequel a revendiqué la victoire dès le 21 octobre, avant toute publication officielle des résultats. Pour le Cipa-CAM, nul doute que la “vérité des urnes” réclamée par les manifestants camerounais se trouve dans ces “témoignages, décomptes citoyens parallèles et résultats à la sortie des bureaux de vote [qui] s’accordent sur une réalité incontestable”.

Car le collectif citoyen veut le croire, “le vent du changement a soufflé dans les isoloirs. Il est devenu une tempête qui balaiera les dernières forteresses du mensonge. Rien, pas même la fraude la plus éhontée, ne pourra l’arrêter. Le 12 octobre 2025 restera dans les annales comme le jour où le peuple camerounais a conquis sa liberté.”

Cependant, l’opposition camerounaise, et particulièrement Issa Tchiroma Bakary, peut se féliciter du résultat politique et symbolique engrangé à l’occasion de ce scrutin. Car, au-delà des chiffres officiels, elle a réussi à bousculer l’ordre établi et à ébranler les certitudes d’un pouvoir qui se croyait inamovible. C’est peut-être là la plus grande victoire, celle qui s’inscrit dans la durée, au-delà du verdict immédiat des urnes. En lieu et place de leur arrogance coutumière, les responsables du RDPC [Rassemblement démocratique du peuple camerounais], le parti au pouvoir, affichent désormais une certaine retenue. Conscients de la fragilité nouvelle du régime, ils semblent enclins à la conciliation.

La proposition de Paul Biya de nommer Issa Tchiroma Bakary au poste de Premier ministre s’inscrit dans cette logique d’apaisement. De même, sa promesse de procéder à une réforme du Code électoral traduit une reconnaissance implicite des limites du système actuel et de la nécessité de s’adapter à la nouvelle donne politique.

Cette évolution est perceptible jusque dans l’attitude des forces de sécurité. Hormis les quatre morts enregistrés hier à Douala, le pouvoir s’est gardé d’un recours excessif à la répression. Une prudence inhabituelle, révélatrice d’une fébrilité certaine.

Un sursaut citoyen

Car la véritable secousse vient des urnes. Pour la première fois depuis longtemps, les Camerounais, longtemps résignés ou désabusés, ont retrouvé le goût de la mobilisation citoyenne. Ils ont voté massivement, surveillé les urnes et tenté de contenir la fraude.

Ce sursaut civique a produit un choc au sommet de l’État : Paul Biya a dû, bon gré, mal gré, regarder en face une réalité qu’il avait toujours refusé d’admettre, à savoir celle d’un peuple de plus en plus nombreux à ne plus vouloir de lui. Et cette nouvelle dynamique, les Camerounais, dans leur ensemble, et non plus la seule opposition politique, doivent désormais s’atteler à la consolider. Cela implique de maintenir la pression en exigeant des réformes en profondeur du processus électoral.

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Le Djely (Conakry)

Créé en 2015, le Djely (le “griot” en langue mandingue) est un site d’information sur la Guinée, l’Afrique et le monde.

 

 

Source : Courrier international (France)

 

 

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