Mauritanie – L’ancien président Aziz pourrait-il se présenter aux présidentielles ?

Le Quotidien de Nouakchott Depuis sa prison l’ancien président Mohamed Abdel Aziz a annoncé sa candidature aux prochaines présidentielles, le débat autour de l’article 28 de la Constitution mauritanienne fait rage.

L’argument ou l’argutie juridique utilisé par les soutiens de l’ancien président Mohamed Abdel Aziz pour justifier sa capacité à briguer un troisième mandat, pourrait se retourner contre eux plus tard comme un Boomerang.

Cette interprétation pose un précédent potentiellement exploitable par tout président en exercice désireux de contourner la limite des mandats en démissionnant juste avant la fin de son second mandat pour se représenter.

Les juristes Lo Gourmo Abdoul et Bechir Fall présentent des points de vue divergents mais essentiels dans cette discussion. Selon Lo Gourmo, vice-président de l’UFP et professeur, l’article 28 stipule clairement que le président de la République est rééligible une seule fois, ce qui rendrait Aziz inéligible pour un nouveau mandat. Toutefois, Bechir Fall, autre juriste, conteste cette interprétation, soulignant l’absence de la négation « Nul » dans l’article, ce qui, selon lui, limite l’application de cette règle uniquement au président en exercice.

Cette divergence met en lumière une potentielle lacune dans la rédaction de l’article 28 qui pourrait permettre à un président démissionnaire de se présenter à nouveau, exploitant ainsi les failles du texte pour prolonger son influence politique. Cela soulève des questions plus larges sur l’interprétation des textes constitutionnels et la nécessité de formulations claires et incontestables pour éviter de telles ambiguïtés qui peuvent miner la stabilité politique et la gouvernance démocratique.

Il est donc crucial que les rédacteurs des constitutions s’inspirent de formulations rigoureuses et claires, comme celles utilisées dans les constitutions des États-Unis ou de la France, pour éviter des interprétations qui pourraient pervertir l’esprit de la loi. Si l’on accepte l’argument selon lequel un ancien président peut se représenter, cela ouvre la porte à des manœuvres qui pourraient permettre à des leaders de contourner les limites de mandat, sapant ainsi les principes démocratiques fondamentaux.

Cette potentialité de manœuvre, illustrée par les arguments de Bechir Fall, soulève des préoccupations importantes quant à la solidité de la structure constitutionnelle en Mauritanie. Si, en effet, un président peut démissionner peu avant la fin de son second mandat et se présenter à nouveau, cela remet en question l’efficacité des mécanismes de limitation des mandats présidentiels prévus pour préserver l’alternance démocratique et éviter la concentration du pouvoir.

Ce scénario hypothétique n’est pas seulement un jeu de pensée juridique, mais une faille réelle qui pourrait être exploitée, mettant en péril la stabilité politique. Les constitutions sont censées offrir une vision claire et sans ambiguïté des règles de gouvernance, mais lorsque des articles comme le 28 sont sujet à des interprétations multiples, cela indique une urgence de révision ou de clarification pour assurer que leur intention originale—prévenir la perpétuation du pouvoir—soit maintenue.

L’argument de Bechir Fall, bien qu’ingénieux, illustre parfaitement comment les textes légaux peuvent être manipulés à des fins politiques, et pourquoi les pays doivent veiller à la précision de leur rédaction constitutionnelle. La comparaison avec les amendements américains ou les articles de la constitution française met en lumière une démarche de rédaction qui cherche à éliminer toute ambiguïté et à aligner la lettre de la loi avec l’esprit de la gouvernance démocratique.

Pour les juristes et les législateurs en Mauritanie et ailleurs, ce débat sert de rappel critique de la nécessité d’une rigueur sans faille dans la rédaction constitutionnelle pour protéger la démocratie contre les manœuvres qui pourraient autrement la saper. Le cas de la Constitution mauritanienne et les débats récents autour de l’article 93 lors du procès de l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz illustrent bien les défis auxquels sont confrontés les systèmes juridiques lorsqu’ils sont basés sur des textes constitutionnels qui manquent de clarté et de précision. L’article 93, qui traite des procédures de mise en accusation et de jugement du Président, a été au cœur de controverses majeures, soulignant l’urgence d’une révision constitutionnelle.

La confusion autour de cet article, en particulier, montre comment des formulations ambiguës peuvent non seulement compliquer les procédures légales mais également permettre des interprétations divergentes qui peuvent être utilisées à des fins politiques. Dans le cas du procès Aziz, l’interprétation de l’article 93 a eu un impact direct sur la manière dont les accusations ont été portées et traitées, soulevant des questions sur la légitimité et la légalité des procédures utilisées contre l’ancien président.

Ce genre de situation met en évidence le besoin impérieux de « toilettage » de la Constitution mauritanienne. Un toilettage efficace devrait inclure une réévaluation des termes et formulations pour éliminer toute ambigüité qui pourrait donner lieu à des interprétations divergentes ou abusives. Ce processus devrait impliquer une consultation large, incluant juristes, politiciens, la société civile, et éventuellement l’aide d’experts internationaux, pour assurer que la Constitution révisée reflète clairement les principes démocratiques et l’état de droit.

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Source : Le Quotidien de Nouakchott (Mauritanie)

 

 

 

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