France – « C’est à s’en arracher les cheveux d’injustice ! » : une loi sur la discrimination capillaire débattue à l’Assemblée

Un texte, examiné jeudi 28 mars dans l’Hémicycle, vise à introduire cette forme de discrimination dans la liste de celles déjà passibles d’une sanction pénale.

Le Monde   – A l’âge de 6 ans, Kenza Bel Kenadil a fait son premier défrisage. Cette première sera le préambule de treize ans de lissage, au fer ou à l’aide de procédés chimiques. Un moyen pour elle de mettre fin au harcèlement dont elle fait l’objet à l’école en raison de sa texture capillaire : des mains dans ses cheveux ou des stylos introduits sans son accord, des insultes.

Dans le cadre professionnel, elle se souvient notamment de la remarque d’un de ses employeurs : « J’avais les cheveux à moitié attachés, comme une collègue aux cheveux raides, et il m’a demandé de rentrer chez moi pour changer de coiffure et cacher mes cheveux, ou alors de ne pas travailler. » Aujourd’hui militante contre la discrimination capillaire, Kenza Bel Kenadil s’est promis, il y a sept ans, de ne plus toucher à un lisseur ou un défrisant. Sur Instagram, où elle est suivie par près de 260 000 personnes, de nombreuses femmes, essentiellement non blanches, se tournent vers elles pour dénoncer les exigences des employeurs quant à leur coupe de cheveux.

C’est pour que soient reconnues ce type d’expériences que le député Olivier Serva (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, Guadeloupe) a porté une proposition de loi. Son texte, qui doit être examiné à l’Assemblée nationale jeudi 28 mars, prévoit d’inscrire les discriminations relatives à « la coupe, la couleur, la longueur ou la texture des cheveux », à la liste des discriminations passibles d’une condamnation dans le code du travail, le code pénal et le code général de la fonction publique.

« Une perception coloniale raciste des corps noirs »

 

Pour le parlementaire, l’adoption de cette loi « permettrait à toutes les victimes de discrimination capillaire de s’appuyer sur l’arsenal législatif et de rappeler qu’en aucun cas un employeur ne doit obliger un salarié à changer sa nature de cheveux ». Si les discriminations liées à l’apparence physique sont déjà considérées comme illégales, Olivier Serva estime que son texte vient préciser celles-ci, prenant l’exemple d’un steward d’Air France qui a dû aller jusqu’à la Cour de cassation pour prouver qu’il a été discriminé en raison de ses cheveux tressés – une procédure judiciaire qui a duré dix ans. M. Serva dit également avoir regardé du côté des Etats-Unis, où plusieurs Etats ont légiféré précisément sur cette forme de discrimination.

Mais contrairement aux législations américaines, le texte examiné à l’Assemblée nationale ne fait pas mention d’un aspect raciste à cette forme de discrimination. « Cette distinction dit quelque chose du contexte français, note Daphné Bédinadé, doctorante à l’EHESS en ethnologie et anthropologie sociale. Le racisme dans le texte n’est jamais explicite. Or ne parler que de discrimination capillaire, c’est occulter les problématiques des personnes qui ont des cheveux très discriminés, soit essentiellement les femmes noires. »

Lire la suite

Source : Le Monde 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page