Leçons de « Dahomey » / Tijane BAL

Eywa ! dirait le frère Mamadou Sy. Berlin a eu l’excellente idée de couronner hier « Dahomey » et de décerner l’Ours d’or à la franco-sénégalaise Mati Diop.

 « Dahomey » est un documentaire traitant de la restitution d’objets d’art pillés lors de guerres coloniales. Autant dire une thématique protéiforme abordée suivant plusieurs angles et supports.

Pour illustration, le journaliste et réalisateur Philippe Baqué lui a consacré en 1999 un ouvrage intitulé Un nouvel or noir. Pillage des œuvres d’art en Afrique. (Je cite ce livre parce que je l’ai). On sait le rôle joué par des ethnologues de renom (Marcel Griaule.1898-1956) dans cette entreprise ;

Un sujet qui reste d’actualité avec les débuts de restitution de musées des pays ex colonisateurs et les débats subséquents qui conduisirent en 2018, Emmanuel Macron à confier aux universitaires Bénédicte Savoy et Felwin Sarr un rapport sur le sujet. Instrumentalisation fustigèrent certains au sujet du Sénégalais, désormais enseignant aux Etas-Unis.

Pour rappel à titre anecdotique, en 1998, le président Chirac fut obligé de restituer au musée du Mali une statuette que les amis du président lui avaient offerte. Un peu dur compte tenu de l’action de Chirac en faveur des Arts Premiers. Expression que son collectionneur et galeriste d’ami Jacques Kerchache (1942-2001) a contribué à imposer en lieu et place d’arts primitifs. On ne saurait décemment passer sous silence le musée du quai Branly Jacques Chirac dont l’existence même doit beaucoup aux 2 passionnés d’Arts Premiers : les 2 Jacques.

Revenons à « Dahomey ». D’abord bravo à Mati Diop d’avoir apporté sa pierre et sa touche à un débat qui n’est pas près de s’éteindre. On n’en attendait pas moins de la fille de Wasis Diop et nièce de Djibril Diop Mambéty. Bon sang ne saurait mentir.

Bravo pour le choix du titre du emblématique du titre emblématique dont on sait qu’il a désigné l’actuel Bénin et bien avant un royaume infiniment plus ancien. Ce choix est à la fois l’expression d’une conformité historique et la traduction d’un panafricanisme pratique, paisible (Mati Diop est franco- sénégalaise) bien moins vocal que celui du franco-béninois Stellio Gilles Robert Capo Chi Chi alias Kémi Séba.

Il est aussi un hommage à un pays qui, au-delà des contingences politiques, fait beaucoup pour la promotion du patrimoine culturel africain tant en termes d’initiatives tant publiques que privées. On n’attendait pas moins du pays « Quartier latin de l’Afrique » ; On pense évidemment au musée de Ouidah, « œuvre » de la fondation Zinsou (du moins Lionel, neveu d’Emile Derlin Zinsou, ancien président du Bénin).

Pour la petite histoire, une exposition «Africa Today», alimentée par les contributions de la Fondation est actuellement visible en France jusqu’au 31 mars. Le Bénin a su faire de son patrimoine culturel un réel soft power pour reprendre la formule de l’américain Joseph Nye au même titre, pour céder à l’actualisme, que le Reggae l’est pour la Jamaïque. La célébration du Vaudou (Vodun) participe, quoique dans un autre registre de ce volontarisme.

Enfin, plus en relation avec la thématique de la restitution, c’est, tout honte bue, que le métaversien de service doit reconnaître s’être interrogé, d’une visite au Musée colonial de Tervuren en banlieue de Bruxelles, en pleine guerre civile au Congo, ce qu’il serait advenu de l’immense patrimoine exposé là s’il était resté au Congo. Question gênante s’il en est !

 

 

 

Tijane BAL pour Kassataya.com

 

 

 

Précision : Le livre de Baqué traite certes du pillages d’objets d’art africain mais davantage du fait de marchands d’art et sur une période relativement récente.

 

 

 

 

Suggestion Kassataya.com :

Les restitutions postcoloniales au coeur d’un documentaire à la Berlinale

 

 

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