Au Sénégal, les médias inquiets après le retrait « de manière définitive » de la licence de la chaîne privée Walf TV

Selon le ministère de la communication, la télé se serait livrée à la diffusion de « propos subversifs, haineux et dangereux » dimanche 4 février suite au report de la présidentielle.

Le Monde  – Solidaires de la télévision privée Walf TV, les médias sénégalais se sont fendus, jeudi 8 février, d’un éditorial au vitriol contre le pouvoir. Dimanche 4, la chaîne s’est vue retirer sa licence de diffusion « de manière définitive » sur injonction du ministre de la communication Moussa Bocar Thiam, au motif que celle-ci se serait livrée à la diffusion de « propos subversifs, haineux et dangereux ».

« Pendant plus de trois heures, des appels incessants au soulèvement violent de la population ont été relayés lors de l’édition spéciale » consacrée aux manifestations qui ont suivi la décision du président Macky Sall de reporter l’élection présidentielle, a justifié le ministre, qui avait déjà ordonné la coupure du signal de la chaîne en juin 2023, contournant ainsi le Conseil national de régulation de l’audiovisuel.

Tout est allé très vite cette fois pour l’une des principales chaînes de télévision au Sénégal. Dimanche, en pleine édition spéciale sur les manifestations contre le report, le présentateur de la chaîne alerte les téléspectateurs d’un appel téléphonique en provenance du ministère de tutelle. Celui-ci somme alors l’organe de presse de cesser son émission sous peine de coupure de son signal.

Quelques minutes plus tard, c’est le directeur général du groupe, qui comprend également une radio, un site Web et plusieurs journaux, qui s’installe sur le plateau pour annoncer la disparition de la chaîne des écrans sénégalais. « Walfadjri vit ses derniers moments », déclare désabusé Cheikh Niass. Puis, il lâche face à des employés stupéfaits : « La télé, c’est notre source principale de revenus, l’aventure est terminée. »

Un groupe de presse « systématiquement ciblé »

 

Le jeune dirigeant de ce groupe de presse, pionnier de la presse privée au Sénégal, a pris les rênes du groupe après le décès en 2018 de son fondateur et père, Sidy Lamine Niass. Cette figure de la presse indépendante a bâti son empire médiatique à partir d’un journal, lancé en 1984, dans un contexte de libéralisation du secteur. Puis en 1996 naît Walf FM, deuxième radio privée à voir le jour au Sénégal. C’est sous sa direction que le groupe s’impose comme l’un des acteurs des crises politiques au Sénégal, n’hésitant pas à critiquer les différents régimes.

Les autorités sénégalaises actuelles reprochent ainsi à Walfadjri sa couverture des émeutes qui ont rythmé la vie politique du pays ces dernières années, marquée par les tensions entre le président Macky Sall et son principal opposant Ousmane Sonko, en détention depuis juillet 2023 pour « appel à l’insurrection ». « C’est en réalité une sanction qui cherche à pousser les journalistes à s’autocensurer », affirme Ibrahima Lissa Faye, l’un des leaders de la Coordination des associations de presse (CAP), le collectif de syndicats à l’initiative de l’éditorial commun. Walfadjri avait déjà été sanctionné auparavant mais jamais avec une telle sévérité.

Le groupe a été « systématiquement ciblé » par les suspensions, souligne l’un des responsables du groupe, rappelant que le chroniqueur judiciaire Pape Ndiaye a été détenu de mars à juin 2023 pour outrage à magistrat et Pape Sané gardé à vue une semaine en novembre pour diffusion de fausses nouvelles après à un commentaire sur la gendarmerie.

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 (Dakar, correspondance)

 

 

 

Source : Le Monde

 

 

 

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