Au Gabon, des militaires se saisissent du pouvoir et proclament l’annulation des élections

Alors que la victoire du président sortant, Ali Bongo, venait d’être annoncée, des soldats ont décrété la « fin du régime », dans la nuit de mardi à mercredi. A Libreville, des premières manifestations de soutien ont eu lieu.

Le Monde  – Il n’a fallu que quelques minutes après l’annonce des résultats officiels consacrant sans surprise la réélection d’Ali Bongo à un troisième mandat pour qu’une dizaine de militaires fassent irruption à la télévision, dans la nuit du mardi 29 au mercredi 30 août, et proclament la dissolution de « toutes les institutions de la République » et la « fin du régime ». Réunis au sein d’un Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), ces soldats, issus de différents corps de l’armée gabonaise, ont justifié leur coup de force sur la chaîne Gabon 24, abritée au sein de la présidence, en raison de « la grave crise institutionnelle, politique, économique et sociale » que traverse leur pays.

Dans leur communiqué, lu par l’un des leurs, ces militaires et policiers considèrent que « l’organisation des échéances électorales [tenues le 26 août] n’a pas rempli les conditions d’un scrutin transparent, crédible et inclusif tant espéré par les Gabonaises et les Gabonais. A cela s’ajoute une gouvernance irresponsable, imprévisible, qui se traduit par une dégradation continue de la cohésion sociale, risquant de conduire le pays au chaos ».

Alors que des tirs d’armes automatiques se faisaient entendre dans plusieurs quartiers de Libreville, la capitale, au moment de leur déclaration, ces militaires, parmi lesquels se trouvaient notamment des membres de la garde républicaine, la garde prétorienne du pouvoir, ont également annoncé la fermeture des frontières. S’il est encore trop tôt pour connaître quelle sera l’issue de cette tentative de coup d’Etat, celle-ci est intervenue dans la foulée de la publication des résultats officiels de l’élection présidentielle de samedi. Selon les chiffres communiqués au cœur de la nuit de mardi à mercredi par le président du Centre gabonais des élections (CGE), Michel Stéphane Bonda, le président sortant, Ali Bongo Odimba, a obtenu 64,27 % des suffrages, quand son principal rival, Albert Ondo Ossa, n’a recueilli que 30,77 % des voix.

 

« Rien dire en l’état »

 

« Ils ont renversé les résultats qui selon les premières tendances nous donnaient plus de 70 % des suffrages, alors une partie de l’armée a pris ses responsabilités. Le président élu Ondo Ossa est serein et réagira plus tard », expliquait, mercredi matin, Mike Jocktane, son directeur de campagne, sans condamner ou approuver l’entrée en scène des militaires.

L’un des hauts cadres du régime Bongo, joint par Le Monde, assurait, pour sa part, ne pouvoir « rien dire en l’état » et ne pas avoir d’informations sur le sort du chef de l’Etat, Ali Bongo Ondimba. Ce dernier, réélu en 2016 dans la contestation et la violence, avait déjà été victime d’une tentative de coup d’Etat en janvier 2019, deux mois à peine après un AVC qui l’a considérablement affaibli, mais celle-ci avait rapidement tourné court.

A Libreville, comme le relate un journaliste local souhaitant, lui aussi, conserver l’anonymat, cette fois, des manifestations de soutien aux militaires sont apparues, les affiches de campagne du président sortant ont été arrachées. « Nous avons commencé à entendre des coups de feu nourris vers 4 h 30 autour de la télévision nationale, puis ceux-ci sont devenus sporadiques. Maintenant, les tirs ont cessé et les gens commencent à descendre dans la rue pour applaudir les soldats en chantant l’hymne national », décrit-il.

« Le résultat des élections était attendu mardi à 14 heures, mais il n’a pas été annoncé à ce moment-là, alors tout le monde a veillé durant la nuit pour les attendre », raconte Paulo Obiang Firmin, un ancien leader étudiant, désormais conseiller municipal sous la bannière du parti d’opposition Union nationale. Habitant du PK14, un quartier à la sortie de la capitale, celui-ci rapporte également qu’« il y a eu quelques coups de feu vers 4 heures du matin, mais c’est calme depuis. Il y a beaucoup de chars dans les rues depuis trois jours, on n’avait jamais vu pareil dispositif militaire lors d’un scrutin. Les militaires nous ont demandé de rester chez nous. C’est calme pour l’instant, mais on va sortir dans la matinée, il faut qu’on montre notre joie. »

« Etat voyou »

 

« C’est une délivrance pour la population, une libération, constate, pour sa part, Georges Mpaga, le président exécutif du Réseau des organisations libres pour la bonne gouvernance au Gabon. La lecture de ces résultats truqués à la télévision est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Ali Bongo en a trop fait en piétinant tous les principes démocratiques, en écrasant toute une population sans aucune justification. Ce régime s’est comporté en Etat voyou. Cet événement était prévisible. On ne peut pas truquer une élection comme ça. »

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Source : Le Monde

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