Au Niger, le risque d’une confrontation militaire inédite entre les pays d’Afrique de l’Ouest

Les chefs d’état-major des pays de la Cedeao s’affichent prêts à intervenir contre la junte, tout en assurant que l’option militaire sera « la dernière sur la table ». En face, le Mali et le Burkina Faso ont annoncé qu’une opération contre Niamey serait assimilée à une « déclaration de guerre » à leur encontre.

Le Monde – « On est prêt », affirme d’une voix ferme un ministre ouest-africain, vendredi 4 août. Son pays, un des poids lourds de la région, se prépare à faire « usage de la force » contre la junte à la tête du Niger depuis le 26 juillet, assure-t-il. « Notre ligne n’a pas varié, c’est la fermeté. C’est le coup d’Etat de trop », explique le responsable politique.

A quelques heures de l’expiration de l’ultimatum fixé au dimanche 6 août par les pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) pour que les militaires nigériens rendent le pouvoir au président Mohamed Bazoum, les deux camps – celui des « putschistes », qui soutient la junte nigérienne, et celui des « légalistes », qui réclame la réinstallation du dirigeant renversé – restent sur leurs positions et chacun envisage la guerre. Si elle devait avoir lieu, cette confrontation entre « blocs » serait inédite en Afrique de l’Ouest et particulièrement risquée.

Vendredi, à Abuja, capitale nigériane, les chefs d’état-major des pays de la Cedeao ont conclu trois jours de réunion en annonçant que les contours d’une « éventuelle intervention militaire » contre la junte nigérienne ont été « définis ». « Y compris les ressources nécessaires, mais aussi la manière et le moment où nous allons déployer la force », a précisé le commissaire chargé des affaires politiques et de la sécurité, Abdel-Fatau Musah.

Une source militaire affirme que près de 50 000 soldats pourraient être mobilisés pour cette opération, un chiffre considéré comme « plausible » par plusieurs experts, mais qui n’est qu’une « planification » vouée à être ajustée. Il correspond au nombre d’hommes que l’armée nigérienne pourrait aligner en 2025, selon les projections qu’avait faites le gouvernement. Plusieurs pays comme le Nigeria, le Sénégal et la Côte d’Ivoire ont d’ores et déjà confirmé leur participation à cette force. Le Tchad – qui n’appartient pas à la Cedeao, mais dont le président, Mahamat Idriss Déby, a tenté une médiation au lendemain du coup d’Etat – a annoncé qu’il n’y participerait pas.

Après avoir imposé de lourdes sanctions économiques et financières, la Cedeao montre-t-elle les muscles pour faire céder les putschistes, ou est-elle prête à partir au combat ? « La voie militaire n’est que la dernière option sur la table », a souligné M. Musah. Mais, ces derniers jours, la voie du dialogue a semblé se muer en impasse : la médiation envoyée mercredi à Niamey par Bola Tinubu, le chef de l’Etat nigérian, qui préside actuellement la Cedeao, n’a pas été reçue par le général Abdourahamane Tiani, à la tête du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), et n’a pas pu rencontrer M. Bazoum, le président déchu, toujours séquestré.

« Pour chaque pays, un enjeu existentiel »

Le Nigeria est la pièce maîtresse du dispositif, qui mobilisera des moyens terrestres et aériens en cas d’intervention. « Si Abuja y va, il y aura une opération militaire ; s’il recule, il n’y en aura pas », estime la source militaire. Le pays, qui partage 1 500 kilomètres de frontières avec le Niger, est prêt à mettre à disposition le contingent le plus important et des dizaines de blindés. « Pour chaque pays, l’enjeu est existentiel. D’abord, un écroulement du Niger serait très préoccupant sur le plan sécuritaire, avec un risque d’extension de la zone d’influence des groupes djihadistes. Ensuite, sur le plan politique, si les dirigeants de la Cedeao ne réagissent pas, ils encourent le risque d’entériner le fait que les régimes militaires sont la norme et qu’ils sont les prochains sur la liste », analyse un ministre nigérien du gouvernement renversé. « S’ils interviennent, ils prennent le risque que leur rue grogne », poursuit-il.

En cas de confrontation, une des clés sera l’unité de l’armée nigérienne. Considérée comme l’une des meilleures de la zone, elle est dotée d’une douzaine de bataillons de forces spéciales formés par des partenaires de toutes nationalités (le dernier en date étant l’Egypte). Dernièrement, le président nigérien Mohamed Bazoum avait noué des relations avec la Turquie, achetant des drones Bayraktar à Ankara.

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Source : Le Monde
 

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