La recherche sur les génomes africains tente de prendre son essor sur le continent

Moins de 2 % des génomes répertoriés proviennent de personnes africaines alors qu’une grande partie de la diversité génétique humaine est restée sur le continent.

Le Monde – « Welcome back home ! » Bienvenue à la maison. Le thème du 14Congrès international de génétique humaine (ICHG), organisé tous les cinq ans, n’a pas été choisi au hasard : pour la première fois, les conférences de spécialistes de cette jeune discipline qui se sont tenues fin février ont eu lien en Afrique, au Cap. Un symbole fort et « une manière de rappeler que nous sommes tous africains », explique le professeur Ambroise Wonkam, spécialiste de renommée mondiale et président de la Société africaine de génétique humaine (SAfGH), organisatrice de l’événement.

Pourtant, depuis la publication du premier séquençage complet d’un génome humain, il y a vingt-deux ans, moins de 2 % de tous les génomes répertoriés proviennent de personnes d’origine africaine. Un paradoxe, alors que « l’immense majorité de la diversité génétique humaine est restée sur le continent, précise le chercheur camerounais, qui dirige aussi le département de médecine génétique de l’université Johns-Hopkins de Baltimore, aux Etats-Unis (Maryland). On estime que chaque génome africain présente cinq fois plus de variations qu’un génome caucasien. » Avec la sortie d’Afrique d’Homo sapiens il y a 50 000 à 60 000 ans, seul un petit échantillon de la diversité génétique s’est répandu sur le globe.

La grande majorité des recherches réalisées depuis deux décennies ont été menées par des équipes européennes et américaines. « Les chercheurs ont travaillé avec les génomes qui étaient les plus facilement accessibles, donc principalement issus de populations d’origine européenne. Mais les génomes des populations africaines présentent une diversité bien plus vaste que celle qui existe parmi les génomes caucasiens », renchérit Hugues Abriel, professeur de médecine moléculaire à l’université de Berne, en Suisse.

Si, ces dernières années, l’intérêt des chercheurs s’est étendu aux populations asiatiques, les Africains restent les grands oubliés. Avec des conséquences très concrètes pour l’amélioration des diagnostics et de la prise en charge des maladies génétiques sur le continent. « En tant que médecin généticienne, quand je fais séquencer le génome d’un enfant malade, si je trouve une anomalie, les bases de données disponibles ne m’aident pas, car elles ne contiennent que des informations issues de populations d’origine européenne », illustre Shahida Moosa, cheffe du service de médecine génétique de l’hôpital Tygerberg et professeur à l’université Stellenbosch, au Cap. Il y a donc urgence à séquencer des ADN sur le continent afin de développer une bibliothèque génomique africaine.

 

Une nécessité scientifique, un enjeu d’équité

 

Car un variant génétique peut changer les symptômes d’une maladie, parfois pour une même maladie, c’est un gène différent de celui connu dans les génomes caucasiens qui est en cause. « Une mutation très fréquemment retrouvée chez les bébés occidentaux qui naissent sourds n’est quasiment jamais présente en Afrique, illustre Ambroise Wonkam. Par contre, nous avons identifié au Ghana sept nouveaux gènes impliqués dans la surdité. »

Recenser ces variations et améliorer les connaissances sur les génomes et les maladies génétiques des populations africaines est donc non seulement une nécessité scientifique, mais aussi un enjeu d’équité. « Quand j’ai démarré mon projet sur la mucoviscidose, j’ai découvert qu’en République démocratique du Congo, sur 100 millions d’habitants, pas un seul cas n’est officiellement recensé !, rapporte le professeur Hugues Abriel, qui collabore à plusieurs projets sur le continent. Pourtant, on sait, via de petites cohortes, que cette maladie existe bien aussi en Afrique. »

 

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Source : Le Monde – (Le 23 avril 2023)

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