Coupe du monde 2022 : les Bleus en finale, à la force de l’habitude

L’équipe de France s’est qualifiée, mercredi 14 décembre, pour la quatrième finale mondiale de son histoire, la deuxième de suite, en mettant fin aux rêves du Maroc (2-0). Elle affrontera l’Argentine de Lionel Messi, dimanche, pour une troisième étoile.

Le Monde  – Le football français s’est trop longtemps complu dans un rôle de perdant magnifique pour oser faire la fine bouche. Mercredi 14 décembre, dans le stade Al-Bayt, à Al-Khor, l’équipe de France n’a pas joué sa meilleure partition de la Coupe du monde, mais elle a évité les fausses notes et dominé le Maroc en demi-finales (2-0).

Aux antipodes des intenses et interminables manifestations de joie des Argentins, vainqueurs la veille (3-0) des Croates, les Bleus ont eu le triomphe modeste sur la pelouse. Le sentiment du devoir accompli, sans doute, et une marque de respect pour un adversaire valeureux mais moins galonné. Face au séisme d’enthousiasme provoqué par le Maroc, première équipe africaine dans le dernier carré du tournoi mondial, les coéquipiers du capitaine Hugo Lloris savaient qu’une élimination leur aurait été reprochée. Quand bien même l’objectif initial de la Fédération française de football – atteindre les demi-finales – avait été atteint, après avoir dégoûté les Anglais en quarts de finale.

Il y a eu Saint-Denis, Munich, puis Saint-Pétersbourg ; il y aura désormais Al-Khor. L’histoire retiendra que c’est dans cette localité de 30 000 habitants, au milieu du désert, dans le nord du Qatar, que l’équipe de France s’est qualifiée pour sa quatrième finale de Coupe du monde en vingt-quatre ans.

 

Pour ces Bleus, une qualification en finale évoque un train qui arrive à l’heure. Il s’agit pourtant d’une performance d’une rare difficulté : avant 1998, date du premier sacre tricolore, les Français n’étaient jamais parvenus en finale dans cette compétition dont la première édition remonte à 1930. Et en cas de titre – ce serait le troisième –, dimanche, contre l’Argentine de Lionel Messi, les Bleus rejoindraient dans l’histoire du football l’Italie (1934 et 1938) et le Brésil de Pelé (1958 et 1962), seules sélections à avoir remporté successivement deux trophées mondiaux.

 

Mue spectaculaire

 

Le succès insolent, voire arrogant, de la France depuis quelques années rappelle celui de son ancien meilleur ennemi footballistique : l’Allemagne. Entre 1974 et 1990, l’équipe de la République fédérale (RFA) avait disputé le même nombre de finales pour deux sacres. Les joueurs ouest-allemands avaient brisé les rêves de quelques esthètes : les Pays-Bas de Johan Cruyff en 1974, l’Argentine de Diego Maradona en 1990 ou la France de Michel Platini lors de deux demi-finales, en 1982, en Espagne, et en 1986, au Mexique.

 Didier Deschamps célèbre la victoire des Bleus en demi-finales de la Coupe du monde de football, au stade Al-Bayt d’Al-Khor (Qatar), le 14 décembre 2022.

 

Imperturbable, le football tricolore semble désormais possédé par la force de l’habitude. En dépit des absences et des blessures – cinq joueurs majeurs avant le tournoi et deux titulaires habituels avant le match –, les Bleus donnent l’impression que seule la victoire les repaît. Cette mue spectaculaire doit beaucoup à un homme : Didier Deschamps. Commencer une compétition avec le Basque sur le banc de touche n’est pas une garantie absolue de victoire, mais cela augmente considérablement vos chances.

 

« DRH » de haut niveau, Père la Victoire et chantre du pragmatisme, le sélectionneur français – qui s’agace parfois de ces caricatures – n’a que faire de démentir les clichés au Qatar. Le beau jeu n’est pas son problème. Il s’agit d’ailleurs d’une notion bien subjective dans un sport qui peut se pratiquer avec tant de styles différents. Davantage que les satisfecit sur la qualité des matchs, la priorité de Deschamps est que son équipe batte ses adversaires, les uns après les autres. Aussi basique que redoutable. « Il y a eu un mélange de qualité, d’expérience, un état d’esprit conquérant, même dans les périodes difficiles, s’est-il félicité. C’est toujours une immense fierté quand on obtient les résultats qu’on veut. »

Le Français Randal Kolo Muani marque le second but des Bleus lors de la demi-finale jouée au stade Al-Bayt d’Al-Khor (Qatar) face à la sélection marocaine, le 14 décembre 2022.

 

Et tant pis s’il faut pour cela laisser la possession de balle au Maroc, plutôt habitué à subir jusque-là dans le Mondial. L’entraîneur a confiance en son groupe, qui semble né pour incarner le concept de résilience. Titulaires depuis le 22 novembre, déjà en remplacement de grands joueurs absents, le milieu de terrain Adrien Rabiot et le défenseur Dayot Upamecano, souffrants, n’ont pu jouer cette demi-finale. Qu’à cela ne tienne, Youssouf Fofana et Ibrahima Konaté les remplacent au débotté, sans altérer la qualité de l’équipe.

Un état d’esprit incarné par Griezmann

 

Ils ne sont pas toujours époustouflants, mais ces Bleus-là n’ont pas peur de souffrir. Un goût du sacrifice incarné par Antoine Griezmann : à 31 ans, le champion du monde 2018 a accepté de remiser son costume de vedette offensive libre de ses mouvements pour se transformer en homme à tout faire. Mi-relayeur et mi-meneur de jeu, « Grizou » avale les kilomètres, et tacle comme un défenseur. « Aujourd’hui, on a souffert et ça fait du bien de souffrir », a confié l’homme du match, qui demeure décisif en attaque.

Antoine Griezmann devant le défenseur marocainYahya Attiyallah lors du match de demi-finale de la Coupe du monde de football Qatar 2022 entre la France et le Maroc au stade Al-Bayt à Al Khor, au nord de Doha, le 14 décembre 2022.

 

Samedi, face à l’Angleterre, son centre délicat avait permis à Olivier Giroud d’arracher la victoire. Mercredi, c’est lui qui échappe à un joueur marocain après cinq minutes de jeu pour centrer en direction de Mbappé, dont le tir dévié parvient à Theo Hernandez qui ouvre la marque. Un but providentiel qui a permis d’éviter de tomber dans le piège d’une hermétique équipe marocaine, contrainte dès lors de changer ses plans.

 

Et quand ses attaquants manquent de réussite, à l’image des ratés de Giroud en première période, l’équipe de France fait le dos rond. La main ferme de son gardien Hugo Lloris évite, avant la pause, une égalisation spectaculaire en retourné acrobatique du défenseur des Lions de l’Atlas, Jawad El Yamiq. « On est une équipe qui sait souffrir », insiste Jules Koundé, défenseur central établi par les circonstances à un poste d’arrière droit et qui passe son Mondial à respecter les consignes restrictives de son coach.

Bien qu’impliqué sur les deux buts ce soir, Kylian Mbappé ne marque plus depuis son doublé en huitièmes de finale face à la Pologne. Mais les Bleus lui trouvent d’inattendus successeurs : Theo Hernandez, donc, et Randal Kolo Muani, qui a libéré les Bleus à dix minutes du terme. « On y a tous cru ce soir et on a été très forts défensivement, j’espère qu’on va rentrer avec la Coupe », assure l’appelé de dernière minute, qui se met au diapason des titulaires.

L’attaquant français Kylian Mbappé embrasse le Marocain Achraf Hakimi, à la fin de la demi-finale disputée sur la pelouse du stade Al-Bayt, à Al-Khor (Qatar), le 14 décembre 2022.

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page