Coupe du monde 2022 : Belgique-Maroc, « le match des frères et des sentiments »

Le Monde  ReportageLes Diables Rouges et les Lions de l’Atlas s’affrontent ce dimanche pour leur deuxième match dans le groupe F. Un rendez-vous attendu de longue date par une communauté marocaine très présente en Belgique.

Anouar Bensaid, fan de l'équipe du Maroc, au café Tétouan, à Bruxelles, Belgique, le 19 novembre 2022.

Anouar Bensaid, fan de l’équipe du Maroc, au café Tétouan, à Bruxelles, Belgique, le 19 novembre 2022.

 

Le froid et la pluie règnent en maîtres dans les rues de Bruxelles ce 19 novembre, veille de l’ouverture du Mondial 2022 au Qatar. Non loin de la gare du Midi dans laquelle les passants se groupent à l’abri de ces intempéries, irradie une oasis de chaleur : le Café Tétouan. Bien connu pour être le quartier général des supporteurs belgo-marocains – la capitale concentre près de 40 % des ressortissants d’origine marocaine du pays –, l’estaminet bruxellois se situe sur une artère où se mêlent snacks et magasins de téléphonie mobile.

Un lieu de passage, où quelques internationaux, tels Nabil Dirar ou Marouane Fellaini, avaient leurs habitudes en début de carrière. Les inconditionnels de football s’y retrouvent toujours pour suivre les rencontres du championnat marocain ou de la sélection des Lions de l’Atlas.

Temps glacial oblige, les clients enchaînent les verres de thé à la menthe, yeux rivés sur les écrans géants qui diffusent en boucle les images des fan-zones qataries. L’affiche du groupe F entre la Belgique et le Maroc, dimanche 27 novembre, occupe les esprits et les discussions. « Ça va être la folie. On attend près de 250 personnes. Je n’accepte aucune réservation et je vais devoir retirer tables et chaises », anticipe Hicham, patron des lieux depuis 2000. « Ils vont s’y mettre dès six heures du matin pour tout mettre en place. Hicham prépare la rencontre depuis l’annonce du tirage en juillet », abonde Anouar, 27 ans, habitué des lieux qui a pris un mois de congé pour ne rien manquer du tournoi.

Lions de l’Atlas et Diables Rouges ne se sont croisés qu’à une seule reprise en compétition internationale. C’était lors du Mondial 1994, pour un court succès belge (1-0). « Il y avait la même effervescence en Belgique. C’était un véritable branle-bas de combat se souvient Abdellatif Khlale, correspondant en Belgique pour le journal marocain Al Bayane à l’époque. Comme en 1994, ce sera le match des frères, et des sentiments. »

Les traditions dans le sang

Les drapeaux du Maroc et de la Belgique accrochés au mur du café pointent les liens étroits entretenus depuis longtemps par les deux pays. Depuis le 17 février 1964, une convention alors signée par les ministres du travail des deux pays, Léon Servais et Thami Ouazzani, facilite l’installation des Marocains en Belgique. Soixante ans plus tard, selon l’office belge de statistique Statbel, les personnes de nationalité ou d’origine marocaine représentent 15 % de la population étrangère ou d’origine étrangère vivant en Belgique, soit 580 000 habitants.

Préparatifs avant la projection du match Croatie -Maroc au café Tétouan, le 23 novembre.

Préparatifs avant la projection du match Croatie -Maroc au café Tétouan, le 23 novembre.

Le cœur d’Anouar Bensaid, né à Bruxelles il y a vingt-sept ans et qui se rend régulièrement au Maroc depuis sa tendre enfance, penche du côté des Lions de l’Atlas : « J’ai intégré les mœurs belges, mais les traditions marocaines sont dans le sang. J’ai grandi avec les Marocains, je mange, je dors Maroc. J’ai grandi avec la mentalité de là-bas », confie l’étudiant en ingénierie commerciale, dont la mère et la sœur soutiennent davantage les Diables rouges. « Elles sont plutôt frites-fricadelle », plaisante le jeune homme de 27 ans.

Cent kilomètres plus à l’est, à Liège, club de football de la JS Pierreuse. Trophées et maillots dédicacés ornent les murs, dont celui de l’international belge Christian Benteke (45 sélections), fierté locale passée par Liverpool, formée ici dès l’âge de six ans.

Au comptoir du club house, Abdel Al Ghoulbzouri, bénévole quadragénéaire, s’active pour servir boissons chaudes et friandises aux enfants qui viennent de terminer leurs matchs. Depuis la création de la JS par un père franciscain, en 1986, il a vécu toute l’aventure de ce club, pensé comme un « laboratoire du vivre-ensemble », où cohabitent plus de quatre-vingts nationalités. Abdel voit avant tout dans l’événement à venir l’occasion de « prendre du plaisir », leitmotiv qu’il martèle chaleureusement aux enfants et parents accoudés au comptoir. A l’occasion, le club house sera transformé, comme pour le Mondial 2018, en « auberge espagnole ».

Force et double nationalité

« On va annuler la diffusion du match prévu le matin pour bien s’organiser. Les parents qui veulent venir sont les bienvenus et chacun va apporter quelque chose à boire ou à manger », développe l’éducateur jeunesse. Quel que soit le résultat de la rencontre Belgique-Maroc, Abdel sera satisfait, lui qui prône la double culture.

Emotions durant la projection du match Croatie-Maroc au café Tétouan, le 23 novembre.

Emotions durant la projection du match Croatie-Maroc au café Tétouan, le 23 novembre.

Une pluralité incarnée dans la sélection par Nacer Chadli et Marouane Fellaini lors du Mondial 2018. Les deux joueurs à la double nationalité, Lions potentiels devenus Diables, furent les buteurs salvateurs en Russie, lors du huitième de finale contre le Japon (3-2). « Que ce soit deux Belges d’origine marocaine qui aient fait la différence a rendu encore un peu plus fière les Marocains de Belgique, développe Nordin Jbari. Pour le derby de dimanche, 95 % de la communauté sera derrière le Maroc. »

L’ancien international belge (2 sélections) est le premier joueur originaire du Maroc à avoir porté le maillot des Diables Rouges, en 1996. D’après lui, son pays d’origine n’a pas su le retenir. « À mon époque, on n’était pas contacté par la fédération ou l’entraîneur, mais par des gens qui gravitaient autour. Ça n’avait pas l’air d’être très sérieux. C’est comme ça que le Maroc a raté pas mal de binationaux », souligne-t-il.

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Source : Le Monde

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