La souffrance silencieuse des femmes africaines

Le continent reste celui qui enregistre la plus importante violence genrée dans le monde, avec des sommets en Afrique de l’Ouest et centrale.

Deutsche Welle  – Le plus effrayant dans ce genre de crime est que les chiffres sont par ailleurs sous-estimés, puisque souvent, dans les cas d’agressions contre les femmes, celles-ci portent rarement plainte.

Selon un rapport de 2018 du Réseau des femmes élues locales d’Afrique (Refela), « en Afrique de l’Ouest plus de 40% des femmes sont victimes de violences et 65% le sont en Afrique centrale”.

La moyenne mondiale est de 30% si on prend en compte les violences physiques ou sexuelles exercées par le partenaire ou par une tierce personne. Mais dans la quasi-totalité des cas, la violence est domestique, elle s’exerce au sein du couple ou de la famille.

 

Le déchaînement de l’affaire Adji Sarr

 

Une récente affaire n’a pourtant rien de domestique. Elle souligne toutefois la difficulté du débat sur le sujet : il s’agit du cas d’Adji Sarr au Sénégal. D’un côté, une jeune femme, Adji Sarr, employée d’un salon de beauté, qui a accusé un homme puissant, Ousmane Sonko, candidat déclaré à l’élection présidentielle de 2024, de l’avoir violée plusieurs fois.

De l’autre, les partisans d’Ousmane Sonko qui dénoncent un complot politique et dont les manifestations de soutien ont causé la mort de plus de 14 personnes dans un climat de haine à l’égard d’Adji Sarr.

Ousmane Sonko nie les faits et a été entendu une première fois par la justice début novembre mais l’affaire illustre le peu d’empathie vis-à-vis de la victime présumée et l’embarras des féministes qui ont peu soutenu Adji Sarr, peut-être apeurées par le climat de violence.

Pourtant, le Sénégal est un pays pionnier. En 2018, à la suite d’une série de viols et de féminicides, Ndèye Fatou Kaneuse, chercheuse et féministe, a créé #balancetonsaïsaï (balance ton pervers), donnant au mouvement #metoo une première existence timide en Afrique de l’Ouest.

 

Battre sa femme par habitude

 

Mais la parole met du temps à se libérer. Un récent rapport d’Amnesty International rappelle que selon une double enquête nationale réalisée en 2009 et 2016, 23% des Guinéennes déclaraient avoir été violées.

Toujours selon cette même enquête, une femme sur quatre à peine a osé parler de ces violences à une tierce personne et seulement 5% ont porté plainte.

Car le phénomène est général dans le monde : les femmes victimes de violences physiques ou sexuelles n’osent souvent pas porter plainte : elles redoutent la honte et la stigmatisation, le rejet par leur famille, l’impunité de leurs bourreaux, les représailles ou, pire encore, elles considèrent que cette violence est « normale”.

 

La violence domestique est considérée normale par une grande partie des femmes.La violence domestique est considérée « normale » par une grande partie des femmes.

 

Mais restons sur le Sénégal : ce pays, en dépit de la passion malsaine autour de l’affaire Adji Sarr, obtient plutôt de bons résultats en matière de lutte contre les violences genrées. La mise en place d’un système de vigilance locale, par le biais des Bajenu Gox, des femmes qui s’investissent dans leur communauté, est souvent mis en avant pour expliquer cette réduction des agressions.

En revanche, la violence contre les femmes a beaucoup augmenté dans le Sahel, une région soumise à des conflits qui durent et dont les populations civiles, en particulier les femmes, sont les premières victimes.

A ceci s’ajoute un statut de la femme encore peu émancipé dans certains pays du Sahel. Au Mali par exemple où, toujours selon le Refela, « 91% des femmes sont excisées et plus de 55% d’entre elles sont mariées avant l’âge de 18 ans”.

 

Les chiffres des violences physiques et sexuelles sont particulièrement élevés en Afrique de l'Ouest et centrale. Les chiffres des violences physiques et sexuelles sont particulièrement élevés en Afrique de l’Ouest et centrale.

 

Des viols de fillettes

Car encore une fois, l’environnement domestique joue un rôle essentiel. En Afrique de l’Ouest, en considérant une tranche d’âge de 20 à 24 ans, plus de la moitié (52%) de ces femmes sont mariées avant l’âge de 20 ans. Au Niger, neuf femmes sur dix sont dans ce cas.

Or, l’Organisation mondiale de la santé ne cesse de le répéter : dans huit cas sur dix, les violences physiques ou sexuelles se déroulent à la maison, au sein d’un couple et le partenaire est l’auteur de ces actes.

Les chiffres concernant les violences commises par des personnes étrangères au foyer sont pour leur part rares et difficiles à réunir.

Enfin, il y a la violence sexuelle proprement dite, le viol ou l’agression sexuelle et dans ce cas, les proportions sont moindres, le tableau semble moins terrible mais les chiffres sont en-deçà de la réalité pour des raisons déjà évoquées.

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Jean-Michel Bos

Source : Deutsche Welle (Allemagne)

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