Mauritanie : vers des états généraux de la justice de façade à Nouakchott

Après la farce sur la concertation nationale sur l’éducation nationale c’est au tour de la justice d’envisager en décembre prochain des états généraux dans un pays où l’impunité est érigée en système de gouvernance depuis l’avènement des militaires au pouvoir en 1978.

Des forums pour alimenter les débats des états généraux de la justice en décembre prochain à Nouakchott sont considérés par les observateurs comme une arnaque politique pour un régime  qui a montré toutes ses limites pour restaurer un Etat de droit avec en toile des dérives foncières qui résultent de l’expropriation des terres agricoles de la vallée, des dérives autoritaires avec les arrestations et emprisonnements de manifestants pacifiques à Nouakchott comme à l’intérieur du pays et avec l’adoption de lois liberticides pour la protection des symboles de l’Etat et une loi injuste d’orientation sur l’éducation qui divise les Mauritaniens.

Ould Ghazouani a tout de suite montré la nature de son régime en gardant le silence sur le premier assassinat de son quinquennat, la mort par balle du citoyen Abbass Diallo à Wending dans le département de Mbagne par une patrouille de l’armée. La justice a clos le dossier. Et pourtant la constitution garantit l’égalité devant la loi à tous les citoyens sans distinction d’origine de race de sexe ou de condition sociale.

Ce droit fondamental est écorné pratiquement depuis 1960 et surtout à partir de 1978 avec l’arrivée au pouvoir des militaires. Et depuis les Mauritaniens assistent à l’alternance des gouvernances militaires qui font de la Mauritanie le pays de l’impunité par excellence dans la sous-région. De 1989 à 1992 des exactions ont été commises contre la communauté négro-africaine, les Peulhs. Des crimes attribués à l’armée lors des déportations au Sénégal et au Mali en 1989. Plus d’une centaine de civils enterrés dans des fosses communes et 28 soldats peulhs assassinés en 1991 à la base militaire d’Inal.

Deux ans plus tard les criminels ne sont plus inquiétés par la justice avec la loi d’amnistie du président génocidaire Ould Taya. Et depuis les locataires successifs du palais de Nouakchott ont mis une croix sur ces crimes de l’humanité. Et dès lors les observateurs ne sont pas dupes. C’est une utopie de croire l’aboutissement des négociations entre l’Etat et les représentants des organisations nationales et de la diaspora des victimes du passif humanitaire.

L’Etat impose la justice transactionnelle d’inspiration islamique ou rien du tout en excluant la justice c’est-à-dire la mise en place d’une commission de justice et de vérité pour faire la lumière sur le génocide des noirs. Et aujourd’hui ce n’est pas la justice mauritanienne qui va faire en décembre prochain son mea culpa sur ces milliers de prisonniers entassés comme du bétail dans des prisons surpeuplés dont beaucoup des jeunes attendent d’être jugés pour de petits délits alors que des prévaricateurs du régime sont reclassés dans les meilleurs postes après avoir détourné des milliards d’ouguiyas.

Un encouragement à la corruption qui impacte sur les politiques publiques censées apporter des solutions aux problèmes quotidiens des citoyens. Ce sont pratiquement les mêmes familles politiques ou tribus s qui se servent du pouvoir sans être inquiétés par la justice. Ces nouveaux riches qui font la fierté des régimes de Ould Taya à Ould Ghazouani.

L’urgence de faire l’état des lieux de la justice s’inscrit dans le cadre d’accélérer le processus d’arabisation de tous les secteurs. C’est difficile de croire à son indépendance et à sa modernisation dans un Etat de non droit.

Cherif Kane

Coordinateur journaliste

(Reçu à Kassataya.com le 08 octobre 2022)

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