La tumultueuse campagne de Didier Drogba pour prendre la tête du football ivoirien

L’élection du futur patron de la fédération a lieu samedi à bulletin secret. Malgré des couacs et une certaine impréparation, l’ex-international veut croire à ses chances.

Le Monde – L’ambiance était festive, les fans exaltés et les invités tirés à quatre épingles. Lundi 18 avril, dans la salle des fêtes du très chic Sofitel Hôtel Ivoire d’Abidjan, le célèbre homme de média Yves Zogbo Junior présente au public le comité exécutif du candidat star Didier Drogba à la présidence de la Fédération ivoirienne de football (FIF). Les gros CV de l’équipe sont fièrement détaillés et retransmis sur écran géant : des spécialistes de la finance et du droit diplômés de Harvard, de Stanford ou encore de HEC Paris, mais aussi de fins connaisseurs du monde du football.

Didier Drogba apprécie le moment, et applaudit avec le sourire les membres de son équipe. Le candidat veut montrer qu’il est bien entouré et fin prêt à présider. Pourtant, certains hôtes font défaut au côté de l’ancien capitaine de la sélection ivoirienne : les présidents de clubs qui, à quelques jours de l’échéance, ne sont pas venus en nombre. Les 76 dirigeants des trois premières divisions ainsi que cinq groupements d’intérêt composés d’acteurs du foot ivoirien, seront les seuls grands électeurs du scrutin qui se tiendra à Yamoussoukro, samedi 23 avril.

« Ils ont été invités, certains ont des engagements, certains n’ont pas pu se déplacer. Le plus important n’est pas leur présence aujourd’hui mais l’acte qu’ils vont poser samedi », s’est justifié Didier Drogba lundi, après avoir été interrogé sur cette absence très remarquée. Dans son entourage, on assure que les clubs ont envoyé des représentants. Les présidents, sous pression, préféreraient se faire discrets dans la dernière ligne droite avant l’élection qui verra l’ex-international affronter Sory Diabaté et Idriss Diallo, deux anciens vice-présidents de la FIF.

Renverser la table

Mais le doute s’est installé. Didier Drogba, star planétaire du ballon rond, et jouissant en Côte d’Ivoire d’une immense popularité, va-t-il réussir à convaincre les électeurs après des mois d’une campagne marquée par les couacs ? « En ce moment, il rencontre beaucoup de monde, il essaie de rattraper le temps perdu, et parfois même de s’excuser, indique Fernand Dédeh, journaliste sportif ivoirien reconnu. Il est entré dans la campagne en 2020 par la mauvaise porte. »

Fin 2019, le tout juste retraité du sport roi annonce vouloir briguer le poste dont le scrutin est alors censé se tenir en mai 2020. Mais, à la surprise de ses fans, Drogba ne parvient pas à rassembler les parrainages nécessaires auprès des acteurs du football ivoirien. « Dès le départ, il n’a pas su faire les démarches, il n’a pas su parler aux clubs et au monde du sport pour faire comprendre son idée », commente Fernand Dédeh.

 

Après l’invalidation de sa candidature en 2020, la Fédération internationale de football (FIFA) fait irruption dans le processus. Elle commence par repousser la date du vote, craignant que l’élection ne soit pas libre et équitable, puis installe un comité de normalisation dirigé par la sénatrice Mariam Dao Gabala, après la mort soudaine en novembre 2020 du président sortant, Augustin Sidy Diallo. Cette mise sous tutelle a pour objectif de revoir les textes et les comptes d’une fédération en crise, et de mettre en place l’élection du président. La règle des parrainages est assouplie, permettant à Didier Drogba d’être investi candidat.

La situation est mal vécue par certains présidents de clubs qui dénoncent une ingérence visant à favoriser l’« icône ». « On ne peut pas installer un président comme ça, on n’est plus au temps de la colonisation, peste un patron de club sous couvert d’anonymat, très critique vis-à-vis de cette période de transition. Sur les réseaux sociaux, les soutiens de Drogba ont insulté les présidents qui lui étaient opposés : voleurs, lâches, vauriens… et il n’a pas spécialement appelé au calme. »

« Adversité »

Plusieurs dirigeants lui ont aussi reproché son manque d’implication dans le football local, sa volonté de renverser la table, dans un milieu dont les protagonistes se côtoient depuis des décennies. « Les deux candidats en course ont créé des affinités durant des années et des années », souligne Drogba à propos de ses deux adversaires, Sory Diabaté et Idriss Diallo. « Alors que moi, durant ces vingt dernières années, j’étais sur le terrain à essayer d’être performant et à mettre la Côte d’Ivoire sur la carte du football mondial, se justifie-t-il. Et ça a pu profiter au football local. »

A quatorze mois de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2023, organisée en Côte d’Ivoire, l’ancien attaquant affirme vouloir rassembler le monde du foot ivoirien. A travers son projet nommé Renaissance, il veut redonner un souffle aux championnats locaux, en aidant les clubs à se structurer et à mieux payer les joueurs. Ces derniers vivent souvent dans la précarité, faute de salaire décent. Les soutiens de Didier Drogba estiment que son réseau, son aura et sa fortune personnelle lui permettront d’attirer les annonceurs et de tenir ses engagements financiers.

 

Dans le bureau de son élégante résidence de Cocody, à Abidjan, Didier Drogba ne cache pas sa fatigue et sa hâte d’en finir avec cette si longue campagne. Même s’il affirme qu’il était préparé aux coups : « Je connais mon pays, je savais qu’il y aurait de l’adversité. » Si beaucoup l’ont longtemps jugé inaccessible, lui dit vouloir montrer qu’il est « un humain comme les autres », désireux de discuter avec tout le monde. « J’ai rencontré des présidents qui étaient surpris de voir qui j’étais », témoigne-t-il, estimant qu’on a voulu lui « donner cette image » distante en raison de son retour récent. « Certes, j’ai commis quelques erreurs parce que je ne maîtrisais pas bien les codes mais, croyez-moi, j’apprends vite », a-t-il assuré lors de la présentation de son programme.

« Corps-à-corps avec les indécis »

« On le découvre trop tard, regrette d’ailleurs Adaman Nabi, président de la Jeunesse athlétique Club de Zuénoula, un club de troisième division dans le centre ouest du pays. Si on avait vu les qualités de l’homme un peu plus tôt, peut-être que les présidents auraient eu une autre attitude. Il mérite qu’on l’adule, mais quand il n’y a que 81 électeurs, quand tu dois abattre ta campagne, ce sont d’abord les présidents qu’il faut convaincre, tout le reste n’est que folklore. »

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Source : Le Monde

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