Mauritanie : Ould Ghazouani assis sur quatre feux à deux ans de la fin de son quinquennat

Face à la prolongation du coronavirus, la perspective d’une menace de grave crise alimentaire, la dilapidation des deniers publics qui progresse et la difficile cohabitation écornée depuis 1960, Ould Ghazouani est entre ces quatre feux qui vont marquer le reste de son mandat.

Le plus grand souci du président mauritanien c’est d’entraîner le gouvernement à une refonte de l’administration qu’il appelle de tous ses vœux pour restaurer la confiance avec les citoyens. Les observateurs s’interrogent sur les réformes en cours qui piétinent notamment sur l’éducation, l’agriculture et l’élevage et la décentralisation. Explications, parce qu’elles sont menées par des ministres, des walis, des maires et des conseillers régionaux dont les ambitions politiques priment sur l’intérêt général. Une réalité que le chef de l’Etat n’ignore pas mais semble être dépassé par l’éradication de la corruption qui gangrène l’administration centrale.

Un gros chantier qu’il hérite de son prédécesseur et mentor qui a vidé les caisses de l’Etat avant de partir. Rattrapé par l’histoire l’ex-président Ould Aziz est sous surveillance judiciaire accusé par la justice de corruption d’enrichissement illicite et blanchiment d’argent. A mi-chemin du quinquennat, la bataille contre les prévaricateurs semble porter quelques fruits grâce au rattachement pour la première fois dans l’histoire de l’IGE à la présidence récupérant ainsi l’institution gendarme de l’Etat entre les mains de la primature pour traquer les délinquants financiers comme en témoignent les récents limogeages des patrons du patrimoine de l’Etat, des Domaines et de l’habitat. C’est la dilapidation des deniers publics et l’impunité qui sont pointées du doigt.

Un enjeu de taille pour lutter contre les forces clientélistes tribalistes qui agissent dans tous les rouages de l’Etat et qui participent au pillage des ressources naturelles. Les Mauritaniens ne comprennent toujours pas que leur pays est riche et qu’il y’ a autant de pauvres de mendiants sur les trottoirs et les feux dans la capitale qui compte près du quart de la population globale.

Pour l’instant le seul soulagement pour le locataire du palais de Nouakchott c’est de voir la crise sanitaire derrière lui mais dont les conséquences financières et sociales continuent de peser sur le budget de l’Etat ralentissant la relance économique.

Les secteurs les plus touchés sont l’Agriculture et l’Élevage, le commerce et les industries, le tourisme et la culture et la santé se relèvent difficilement. La pandémie a aggravé la hausse des prix des denrées alimentaires pénalisant les ménages surtout les plus démunis malgré le programme prioritaire TAAZOUR contre l’exclusion et la pauvreté. Le plus dur reste à venir avec la grave crise alimentaire qui menace plus de 4 millions de Mauritaniens.

Le nouveau gouvernement de Ould Bilal devra faire face à une hausse des prix du blé tant que la guerre en Ukraine se prolonge entraînant d’autres hausses sur le carburant, le gaz et l’engrais qui risque de remettre en cause les prochaines campagnes agricoles sur fond d’une sécheresse persistante. Incontestablement le feu brûlant est la difficile cohabitation écornée depuis 1960 et mise en sourdine par le président mauritanien depuis son accession au pouvoir en 2019.

Cette fracture ethnique est exacerbée par le génocide des noirs en 1989 sous le régime de Ould Taya et fait planer le règlement du passif humanitaire symbolisé par l’assassinat des 28 soldats de la vallée et les déportations de plus de 60 000 noirs au Sénégal et au Mali. Ce qui laisse penser que le dialogue politique en perspective et relancé par Ould Ghazouani est un enjeu de taille du quinquennat.

En dehors de cette question nationale l’opposition aura à cœur de jeter les premiers jalons de la réforme sur le système électoral sans laquelle l’alternance démocratique est impossible dans un pays gouverné par les militaires depuis 1978.

 

 

 

 

 

Cherif Kane

Coordinateur journaliste

 

 

 

(Reçu à Kassataya.com le 10 avril 2022)

 

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