Deutsche Welle – Alpha Blondy, star ivoirienne du reggae, vient de parrainer au Burkina Faso la 16e édition du festival Ciné Droit Libre avec pour thème cette année : Quel futur pour nos enfants ? Ce festival de cinéma est consacré aux droits humains et à la liberté d’expression.
Mory Touré a pu s’entretenir avec Alpha Blondy en marge du festival.
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DW: Bonjour Alpha Blondy, vous parrainez ce festival Ciné droit libre. Pour vous, à quoi servent les films engagés ?
Je pense que l’Afrique est restée muette, bâillonnée pendant trop longtemps. Dans tous les domaines, je pense qu’il est grand temps qu’on permette aux Africains de donner un autre son de cloche. Il ne faut pas que tout le temps, ce soient les autres qui parlent d’Afrique.
Avant, il y avait ce qu’on appelait les films africains. On appelait ça « cinéma calebasse ». Aujourd’hui, ce n’est plus ça. Il y a de très beaux films africains . Le cinéma africain, comme un enfant, est en train de grandir. On change de regard sur l’homme africain. C’est un cinéma qui parle de nous comme nous sommes. Ça révèle notre identité. Ce n’est plus le cinéma où l’Africain est ridicule – l’Africain Banania – ou l’Africain méprisé, ce n’est plus ce cinéma là. C’est un cinéma qui donne à l’Afrique le reflet véritable de nos sociétés. Et les Africains en avaient besoin.
DW: Après des décennies de carrière, vous avez connu de nombreux régimes, assisté à de nombreux évènements. Que pensez-vous de la situation actuelle en Afrique de l’Ouest en général, notamment depuis les coups d’Etat au Mali, en Guinée, ou la prise de pouvoir anticonstitutionnelle au Tchad ?
Je suis contre les coups d’Etat. Et je suis surtout contre le moutonnisme des présidents africains. Je voudrais parler de l’Union africaine. L’Union africaine discrédite tous les présidents africains. Mais même si on est fâché, on n’a pas le droit de venir chercher le président à coups des baïonnettes. Je ne suis pas d’accord.
Je ne suis pas un prophète, je n’ai pas la science infuse, mais je suis un bon observateur. Combien de jeunes se noient dans la Méditerranée au vu et au su de tous? Mais que fait l’Union africaine? C’est complètement révoltant, inacceptable.
Donc, les coups d’Etat sont la résultante de la démission de nos chefs d’Etat. Mais le militaire, il a un cerveau, il a aussi des émotions. Il a aussi ses opinions. Donc, tous ces signaux, le coup d’Etat en Guinée, le coup d’Etat au Mali doivent faire réfléchir les membres de l’Union africaine.
C’est la preuve de leur fainéantise politique, leur manque de vision et leur irresponsabilité par rapport à cette misère qui tombe sur nos peuples et qui pousse nos enfants à prendre des décisions suicidaires.
DW : Si vous aviez un conseil à donner aux dirigeants africains, quel serait il ?
Avec un seul doigt, je ne peux rien attraper. Avec deux doigts, je peux difficilement. Mais avec cinq doigts comme Dieu nous a donné, je peux prendre beaucoup… Individuellement, ils ne pourront jamais vaincre les djihadistes. Il faut absolument une armée de l’Union africaine.
Comment peuvent-ils demander à quelqu’un d’autre de protéger leur souveraineté? Si tu es vraiment indépendant, tu dois pouvoir avoir une armée qui va défendre les intérêts, la sécurité des 54 membres de l’Union africaine. Si moi, j’y pense, vous, qui êtes payés pour penser à ça, à quoi vous rêvez? Je ne veux pas dire que la corruption est passée par là… mais vous faites quoi à l’Union africaine ? Seulement vous réunir pour compter votre argent? Arrêtez de vous foutre de la gueule des peuples africains! Ça me blesse et m’offense…
DW : Le thème du festival est : quel futur pour nos enfants? Comment répondez vous à cette question ?
Je pose la question à l’envers : Quels enfants allons-nous laisser dans le futur? Quand l’école a été sabotée, les politiques africaines de l’enseignement général, où il n’y a pas d’avenir, on fait du bourrage de crâne.
Mory Touré
Source : Deutsche Welle (Allemagne)
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