Les pays africains se risquent à demander des comptes à la Chine

Premier partenaire économique du continent, la Chine a promis des vaccins et des exemptions douanières aux pays africains lors de leur sommet commun à Dakar. Mais les Africains se montrent de plus en plus critiques

Le Temps – Le ton change vis-à-vis de Pékin en Afrique. Cela se ressent jusqu’aux chefs d’Etat du continent moins révérencieux vis-à-vis de la superpuissance chinoise, pourtant le premier partenaire commercial et le plus important créancier dans de nombreux pays africains. Les officiels chinois ont pu s’en rendre compte ces lundi et mardi à Dakar à l’occasion du 8e Forum sur la coopération sino-africaine. La déclaration finale de la rencontre a toutefois affirmé le «principe d’une seule Chine» cher à Pékin face à Taïwan. Les pays africains ont convenu que le sort de Hong Kong, du Tibet ou de la minorité des Ouïghours relevait des affaires intérieures de la Chine. Cette dernière a promis en échange de soutenir l’Afrique sans lui imposer de modèle. Cette déclaration finale obséquieuse ne dit pourtant pas tout.

Fidèle à sa prudence depuis le début de la pandémie, le président Xi Jinping n’a pas fait le déplacement à Dakar. Par vidéoconférence, il a promis lundi un milliard de vaccins afin de combler le retard de l’Afrique. Cette annonce intervient alors que l’Afrique du Sud et ses voisins se retrouvent mis au ban des nations après le séquençage du variant Omicron qui fait trembler la planète.

Diplomatie des vaccins

Il y a encore quelque temps, la promesse de Xi Jinping aurait été applaudie sans réserve par les gouvernants africains. Elle a cette fois été autant considérée comme un acte de générosité que comme relevant de la diplomatie des vaccins dont use Pékin pour s’attirer les faveurs africaines. Le président Xi Jinping a donc cru bon de préciser que, sur ce milliard de vaccins, 400 millions seront produits sur le continent africain dans le cadre d’un «partenariat gagnant-gagnant». Il a aussi soutenu la levée des brevets réclamée à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) par l’Afrique du Sud pour faciliter la production des vaccins sur le continent.

Hôte du sommet, le Sénégal a redit d’emblée son soutien au «principe d’une seule Chine», afin de ménager Pékin sur la question ultrasensible de Taïwan. Peut-être pour mieux se montrer critique sur un dossier autrement plus important pour les Africains. «On a beaucoup d’investissements en dette, il nous faut plus d’investissements en fonds propres», a osé le ministre de l’Economie sénégalais. Sur le même registre, le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, a appelé à «rectifier» le partenariat entre la Chine et l’Afrique et à rééquilibrer les échanges commerciaux par-delà l’océan Indien. Quant à son homologue sud-africain Cyril Ramaphosa, il a insisté sur le «respect» dû au continent.

Le message exprimé subtilement par les dirigeants africains a été en partie reçu par Xi Jinping. Le président chinois a promis 10 milliards d’investissements privés supplémentaires ces prochaines années, même si les précédentes promesses sont encore loin de s’être matérialisées. Les exportations africaines, notamment agricoles, bénéficieront aussi d’exemptions douanières, alors que les produits chinois inondent les marchés africains. Xi Jinping a fixé l’objectif de 300 millions de dollars d’importations africaines d’ici trois ans. Enfin, le président chinois a annoncé que les pays africains les plus pauvres verraient certaines de leurs dettes annulées d’ici la fin de l’année.

La dette qui fâche

En effet, malgré les responsabilités de la Chine dans le déclenchement de la pandémie, qui frappe de plein fouet les économies africaines, les crispations se cristallisent sur la dette contractée par de nombreux pays africains pour construire de grandes infrastructures dans le cadre des nouvelles routes de la soie promues par Pékin. Membre d’un collectif d’intellectuels pour le «renouveau africain» (CORA), Folashade Soule constate «le manque de transparence sur la dette, tant de la part des dirigeants africains que de leurs homologues chinois».

Selon cette chercheuse de l’Université d’Oxford, les populations africaines sont très peu au courant des dettes dues à la Chine. Alors que certaines créances menacent de devenir insoutenables, tant les économies africaines dépendent de l’exportation de matières premières dont les prix sont très volatils.

«Le manque de transparence alimente également des fake news notamment la saisie des biens stratégiques à l’image de la nouvelle erronée et falsifiée de la confiscation par la Chine de l’aéroport d’Entebbe en Ouganda pour défaut de paiement du prêt chinois octroyé par la Chine», continue Folashade Soule, en référence à un article paru dans un journal ougandais juste avant le sommet sino-africain.

«Le contrat du siècle»

Le scandale autour du «contrat du siècle» conclu par l’ancien président de la RDC Joseph Kabila est lui bien réel et il vient aussi d’éclater. En 2008, la Chine a obtenu l’exploitation de minerais stratégiques en échange de construction de routes. Selon des fuites bancaires exploitées par un consortium international de journalistes et d’ONG nommé «Congo hold-up», des dizaines de millions de dollars ont été détournés dans le cadre de ce contrat et les routes promises se font attendre. Ces derniers mois, plusieurs entreprises minières chinoises ont aussi été épinglées pour maltraiter leurs employés congolais. «La Chine est plus rapide à condamner les méfaits de ses entreprises et à sanctionner les entrepreneurs qui sont coupables. Pékin fait davantage attention à son image», observe Folashade Soule.

Lire la suite

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : Le Temps (Suisse)

 

 

 

 

 

 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page