Michel Platini : « Il était totalement impossible pour Nicolas Sarkozy d’influencer mon vote » sur le choix du Qatar pour le Mondial 2022

Un an avant l’organisation de la Coupe du monde 2022 de football au Qatar, l’ex-président de l’UEFA revient, dans un entretien avec « Le Monde », sur son vote controversé en faveur de l’émirat.

Le Monde – C’est peu dire que Michel Platini n’a pas apprécié l’entretien que Sepp Blatter a accordé au Monde, dans lequel l’ex-président de la Fédération internationale de football (FIFA) assure que « sans l’intervention au dernier moment de Sarkozy sur Platini, le Qatar n’aurait jamais eu la Coupe du monde » 2022. Alors que le Parquet national financier a ouvert, en 2019, une information judiciaire autour de l’attribution du Mondial à l’émirat, l’ancien président de l’Union des associations européennes de football (UEFA) revient, dans un entretien avec Le Monde, sur son vote controversé pour l’émirat, lors du scrutin du 2 décembre 2010.

 

Sepp Blatter a déclaré au « Monde » que « sans l’intervention au dernier moment de Sarkozy sur Platini, le Qatar n’aurait jamais eu la Coupe du monde ». Est-ce vrai ?

 

La haine, la boue et l’infamie, ça suffit ! Cela fait cinq ans que Sepp Blatter produit la même allégation mensongère et sans fondement. Je pensais que vieillir donnait accès à la sagesse et à la vérité. Ce qu’il affirme est absolument faux.

J’ai demandé à voir Nicolas Sarkozy [le 23 novembre 2010] pour lui dire, à lui seul, en tête à tête que mon choix était fait et que j’allais voter Qatar [pour le Mondial 2022] et Russie [pour le Mondial 2018]. Comme je l’avais fait avec Jacques Chirac pour l’informer que j’allais voter pour le Maroc [pour l’attribution du Mondial 2010].

Il est normal qu’en tant que citoyen français, vu les enjeux politiques et diplomatiques autour des Coupes du monde, je dise au président de la République, pour quels pays l’un de ses concitoyens allait voter. Nicolas Sarkozy n’est pas intervenu sur mon vote.

 

L’Elysée a-t-il exercé un lobbying pour avoir votre vote ?

 

 

Jamais. Je n’ai reçu aucune pression, ni directe ni indirecte, de l’Elysée.

Comme « Mediapart » l’a révélé, les enquêteurs ont trouvé, en 2018, des notes de la conseillère aux sports de M. Sarkozy, Sophie Dion, qui montrent que l’Elysée avait mis en place, en 2010, une stratégie pour vous convaincre de voter pour le Qatar. Pourquoi M. Sarkozy voulait-il vous persuader de voter pour le Qatar ?

 

Je l’ignore. Mais si c’était le cas, c’était vain : il était totalement impossible pour Nicolas Sarkozy, et a fortiori pour Sophie Dion, d’influencer mon vote ou de me convaincre de voter pour leur choix.

 

Que diriez-vous à M. Sarkozy aujourd’hui concernant cette affaire qui vous a valu d’être placé en garde à vue en juin 2019 ?

 

 

Je ne sais pas quoi répondre à votre question, si ce n’est : « Pourquoi l’Elysée a-t-il invité les Qataris alors que j’avais demandé un déjeuner en tête à tête ? »

 

De quoi avez-vous parlé lors du déjeuner organisé à l’Elysée en présence de l’émir du Qatar ?

 

J’ai surtout écouté les participants échanger entre eux, mais nous n’avons jamais évoqué ni la Coupe du monde, ni le rachat du PSG par les Qataris – pour lequel je m’étais publiquement déclaré très peu enthousiaste.

 

Sepp Blatter dit que vous l’avez appelé le lendemain du déjeuner pour lui dire : « Tu ne peux probablement plus compter sur moi et mes voix, car le chef de l’Etat a demandé si je pouvais soutenir le Qatar ». Est-ce vrai ?

 

 

C’est faux. Absolument faux. J’ai appelé Sepp Blatter dès la fin du déjeuner, me sentant un peu piégé, car j’avais demandé un déjeuner en tête à tête pour dire au président de la République pour qui j’allais voter et, qu’in fine je m’étais retrouvé en présence des Qataris. Rien d’autre. Par ailleurs – et c’est important –, je ne suis pas propriétaire des autres voix : le vote est secret et j’ignorais qui avait voté quoi. Alors que Blatter lui le sait.

L’UEFA a-t-elle fait pencher la balance en faveur du Qatar ?

 

Je ne le sais pas, et pour une raison simple, je ne connais aucun des autres votes. Le vote pour la Coupe du monde est un vote à bulletin secret.

 

Comprenez-vous les soupçons de l’opinion publique sur des possibles faits de corruption en lien avec la candidature du Qatar, alors que la justice américaine a, en 2020, annoncé que trois votants sud-américains ont touché des pots-de-vin pour voter en faveur du Qatar ?

 

J’ai voté pour le monde arabe pour privilégier le développement du football. Les pays du monde arabe ont candidaté six fois sans succès. Je comprends que l’on puisse s’étonner, mais je suis heureux que le monde arabe, après beaucoup d’échecs, ait la Coupe du monde, car ce sont des terres de passion pour le football. La FIFA se doit de privilégier le développement du football dans toutes les régions du monde. S’il y a eu corruption avérée et prouvée, il faut que la Coupe du monde change de pays. Je l’ai toujours dit et je le redis.

Vous étiez initialement en faveur des Etats-Unis. A quel moment avez-vous changé d’avis et pourquoi ?

 

Au tout départ, je trouvais que les Etats-Unis et l’Angleterre, c’était pas mal. Mais les Etats-Unis l’avaient eu en 1994 et l’Angleterre en 1966. Je trouvais que le monde arabe devait avoir sa Coupe du monde. Ma décision de voter pour le Qatar a été prise très tôt. Quant à mon entourage, personne ne peut me convaincre ou m’influencer. Je n’ai besoin de personne pour prendre des décisions en matière de football et j’ai suffisamment de bouteille pour décider de mon vote pour un pays organisateur de la Coupe du monde.

 

Votre fils a travaillé pour une filiale de Qatar Sports Investments (QSI) de 2011 à 2016. Ceci a-t-il un lien avec votre vote ?

 

Mon fils est suffisamment grand, autonome et compétent pour construire sa carrière sans son père ou ses interventions. Et c’est ce qu’il fait. J’en suis très fier.

Le rachat, en 2011, du PSG par QSI à Colony Capital, dont le représentant en Europe, Sébastien Bazin, était un ami de M. Sarkozy, puis les transactions entre le groupe hôtelier Accor, dirigé par M. Bazin, et le Qatar sont-ils les contreparties de votre vote ?

 

Les décisions économiques et le business du Qatar me sont totalement étrangers. Je n’ai jamais été informé ou au courant de tout cela.

 

Depuis avril, le site « Blast » a publié plusieurs documents présentés comme des ordres de paiement du Qatar au bénéfice de plusieurs personnalités françaises, dont vous et M. Sarkozy. Avez-vous été rémunéré par le Qatar en échange de votre vote ?

 

 

Non. Définitivement non. J’ai voté en mon âme et conscience pour le développement du football et de façon indépendante. Je suis incorruptible et les enquêtes le prouveront.

 

Les bonus versés, le 1er décembre 2010, aux membres votants du comité exécutif de la FIFA (200 000 dollars) ont-ils un lien avec ce scrutin d’attribution ?

 

Ces bonus sont liés au succès de la Coupe du monde en Afrique du Sud. Ils ont d’ailleurs été validés par la commission des finances de la FIFA.

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Rémi Dupré

 

 

 

 

 

 

Suggestion kassataya.com :

Coupe du monde 2022 : « Le choix du Qatar a été une grande erreur »

 

 

 

 

 

 

Source : Le Monde (Le 21 novembre 2021)

 

 

 

 

 

 

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