France – Vaccination obligatoire : Ces soignants qui mettent fin à leur carrière

Alors que l'obligation vaccinale entre en vigueur ce 15 septembre en France, certains concernés préfèrent encore changer de métier ou partir à la retraite plutôt que de s'y plier.

Le HuffPost – “Cela va être une prise d’otage”. Deux mois après l’ultimatum fixé par Emmanuel Macron, l’obligation vaccinale contre le Covid-19 pour le personnel soignant à l’hôpital et en Ehpad et plusieurs autres professions (soignants libéraux, aides à domicile, pompiers, ambulanciers) entre en vigueur en France ce mercredi 15 septembre. Une mesure qui concerne 2,7 millions de personnes, mais qui se heurte à l’opposition d’une minorité.

Pour continuer à exercer, tous les professionnels de santé ont l’obligation de recevoir au moins une injection de vaccin contre le coronavirus avant ce mercredi 15 septembre. Au 15 octobre, chaque soignant devra justifier d’un schéma vaccinal complet de deux doses.

Une obligation que certains concernés ont décidé de ne pas subir: ils ont fait le choix d’arrêter leur carrière ou encore de changer complètement de métier afin d’éviter de se faire vacciner.

Mettre fin à 34 ans de carrière et prendre sa retraite

 

“Après 34 ans de carrière, je ferme définitivement mon cabinet ce mardi soir à 20h”, apprend au HuffPost Béatrice*, 66 ans, gynécologue obstétricienne en libérale dans le Pas-de-Calais. Elle qui exerce depuis 1987 comptait à l’origine se laisser encore quelques années d’activité, “quatre ou cinq ans”, mais la vaccination obligatoire lui a fait revoir ses plans à la dernière minute. Elle se résigne ainsi à prendre sa retraite, bien à contrecœur.

“Il y a quelques semaines, j’ai reçu un papier très officiel de l’ARS évoquant la loi du 5 août et m’annonçant que je devrai arrêter de travailler si je ne me faisais pas vacciner. Ceci sous peine de sanctions pénales. Il est précisé qu’il y aura des contrôles, que l’Ordre des médecins sera alerté ainsi que la sécurité sociale”, nous explique-t-elle, regrettant un manque d’information sur les sanctions concrètes appliquées en cas de non-vaccination d’un soignant.

“Je ne veux pas me faire radier de l’Ordre des médecins, mais je veux encore moins me faire vacciner. Alors j’ai décidé de mettre fin à ma carrière”, indique la sexagénaire.

Comme l’explique à France 3 Régions Benoît Elleboode, directeur général de l’ARS Nouvelle-Aquitaine, si un soignant ne remplit pas son devoir de vaccination il sera déclaré en incapacité d’exercer. Il sera alors suspendu ainsi que sa rémunération, à moins d’utiliser des jours de congés pour retarder l’échéance. Ensuite, l’ARS saisira l’ordre des médecins, mais aussi la justice avec le procureur de la république, ainsi que la CPAM. Partisan de “la tolérance zéro”, il prévoit de “démarrer très rapidement” des “contrôles-surprise” dans les établissements et chez les libéraux.

Concernant la sécurité sociale, le dispositif, qui est en cours de création, prévoit que les prescriptions du médecin contrevenant ne soient plus remboursables. Ainsi, devant le constat de non-vaccination et selon la situation, le soignant risque de la simple amende de 135 euros à six mois de prison.

“J’enrage contre le gouvernement!”, fulmine Béatrice, estimant que c’est ce dernier qui a “mal géré la crise au début quand il fallait empêcher la circulation du virus et c’est nous qui en pâtissons”. La gynécologue explique ne pas comprendre une telle obligation alors qu’elle travaille seule dans son cabinet et fait des tests antigéniques toutes les 72 heures pour s’assurer qu’elle n’est pas infectée.

Consciente d’avoir la chance d’être déjà proche de la retraite et d’avoir pu mettre de l’argent de côté en étant médecin en libérale, Béatrice prévoit ainsi de ”(s)’occuper de (s)es chats et profiter de la retraite… à moins qu’il n’y ait un changement grâce aux manifestations dans le pays”. Si l’obligation est finalement levée, elle pourrait éventuellement rouvrir son cabinet qui se trouve à son domicile.

 

De pompier à compositeur de musique, en six mois

 

Mais la situation n’est pas aussi “simple” pour tous les réfractaires à la vaccination obligatoire. Grégory*, pompier en Seine-et-Marne depuis 25 ans, vient de poser une disponibilité de six mois afin d’essayer de trouver un nouveau travail. “Je suis bien payé, j’aime mon métier, mais je dois faire une croix dessus car je ne veux pas me faire vacciner, témoigne-t-il auprès du HuffPost. J’ai 42 ans et je dois trouver un autre boulot, en six mois”.

Et au-delà de ce délai? Les choses vont se corser: Grégory sera en difficulté financière. “Ces six mois c’est le maximum que je peux tenir financièrement. Si je n’ai pas fait de reconversion d’ici là, alors je devrais retourner à mon métier de pompier et me faire vacciner. Mais pour moi ce sera comme une prise d’otage”, prévient le quadragénaire qui à l’impression de devoir choisir entre sa santé et son train de vie.

“Je le vis très mal, je ne veux absolument pas que l’on m’oblige à m’injecter ça”, explique le pompier qui en est venu à souhaiter être infecté par le virus afin de ne faire qu’une dose.

Si Grégory arrive à se reconvertir, il compte vivre de sa passion, la musique. Il est en effet compositeur et travaille depuis son studio qu’il a aménagé chez lui où à Paris. “J’aimerais arriver à en vivre, ça m’éviterait d’avoir à faire un choix que je ne veux pas faire”, nous confie-t-il.

 

″À la fin du mois je ne serai plus médecin”

 

Jean*, trentenaire venu d’Espagne pour exercer en France, préfère lui couper les ponts le plus vite possible avec son métier, sans retour en arrière. Ce médecin en libéral des Bouches-du-Rhône va devenir à la fin du mois auto-entrepreneur. Il avait déjà ce projet avant la crise, mais comptait se laisser encore plusieurs mois pour passer le cap et tourner cette page de sa vie. Avec l’échéance de ce 15 septembre, le trentenaire a décidé d’accélérer les choses.

″À la fin du mois je ne serai plus médecin. Les deux semaines qui viennent, je n’exercerai déjà plus, mais cela me laissera le temps de faire tous les papiers nécessaires à mon départ”, nous explique-t-il. Il n’exerçait pourtant que depuis cinq ans, depuis son arrivée en France.

“Je ne suis pas en colère, nous assure-t-il, cette obligation vaccinale n’a fait que confirmer mon envie de changer de métier”. Toutefois un profond dégoût perce dans sa voix à l’évocation de la gestion de la crise par le gouvernement: “ce pays devient vraiment autoritaire, estime-t-il. Aujourd’hui si on ne pense pas comme le gouvernement, si on ne veut pas se faire vacciner, alors on est discriminé, mis au ban”.

C’est également l’une des raisons qui l’ont poussé à quitter la France pour rentrer en Espagne dès la fin du mois. “Je préfère rentrer dans mon pays, même si la situation n’est pas très éloignée de celle qu’on a en France, ici je sature, je ne m’y retrouve plus”, nous confie Jean.

89,3% des soignants primo-vaccinés au 12 septembre

 

Rappelons que les résultats des études des candidats vaccins montrent que la vaccination permet de réduire significativement les formes graves et la mortalité due au virus. Couplé avec les mesures barrières, le vaccin contribue à maîtriser l’impact de l’épidémie sur le long terme.

Combien sont dans le cas de Béatrice, Jean ou Grégory? Des milliers sans doute, même si les estimations varient du simple au décuple selon les sources. D’après Santé publique France (SpF), qui se base sur des échantillons de l’Assurance maladie, au 12 septembre, 89,3% des soignants avaient reçu au moins une dose dans les structures accueillant des personnes âgées dépendantes (Ehpad, USLD).

“Il y aura peut-être 1% à 2% de suspensions”, estime pourtant Florence Arnaiz-Maumé, secrétaire générale du Synerpa, qui représente les Ehpad privés. Rapporté aux “300.000 à 350.000 salariés” du secteur, “on peut s’attendre à environ 3.000 contrats de travail suspendus dans les prochains jours”, prédit-elle.

*Les noms ont été changés

Claire Tervé

Source : Le HuffPost (France)

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