Taxation des multinationales : un accord sur un taux d’au moins 15 % trouvé au sein de l’OCDE

Après deux jours de négociations, un accord global à 130 pays sur une réforme de la fiscalité mondiale, pour taxer plus et mieux les plus grandes 100 multinationales, a été obtenu.

Des tensions et des blocages puis des concessions et des avancées. Et soudain, après deux jours de négociations électriques mercredi 30 juin et jeudi 1er juillet, un accord global à 130 pays sur une réforme de la fiscalité mondiale, pour taxer plus et mieux les 100 multinationales les plus grandes et les plus rentables, dont les fameux Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon).

Réuni à Paris pour préparer la version finale du projet qui sera soumis aux ministres des finances du G20 (les 19 pays les plus riches et l’Union européenne) les 9 et 10 juillet à Venise, le groupe de travail dit du « Cadre inclusif » rattaché à l’OCDE, qui réunit pays riches et émergents, a atteint son objectif : parvenir à un compromis sur les réglages fins de la future réforme.

Le texte qui doit mettre en œuvre cette réforme qualifiée d’historique est fin prêt, sur ses deux piliers : l’impôt minimum mondial d’au moins 15 % qui va de facto neutraliser les paradis fiscaux à taux zéro (îles Caïmans, Îles Vierges britanniques, Jersey etc.) ; et la redistribution d’une part du surplus de profits des multinationales aux Etats dans lesquels elles font des affaires sans y avoir d’implantation, parmi lesquels de nombreux pays en développement.

Un feu vert politique attendu

 

Ainsi, il ne manque plus désormais qu’un feu vert politique, escompté à Venise, pour mettre la réforme sur les rails à l’horizon 2022 et concrétiser ce big-bang fiscal. Si tel est le cas, ce sera la première fois que des règles fiscales adaptées à la mondialisation de l’économie et à l’essor du numérique seront déployés à l’échelle mondiale. Début juin, les pays membres du G 7, entraînés par la nouvelle administration Biden, avaient donné l’impulsion politique qui manquait au projet, en apportant leur « fort soutien » aux travaux de l’OCDE.

A 130 pays sur les 139 que compte le groupe Cadre inclusif, l’accord est incontestablement mondial. Les poids lourds du G20 ont tous signé, Inde et Chine comprises, comme aussi l’essentiel des pays en développement. L’Argentine a un temps été tentée de faire sécession, stimulée par les arguments de l’ICRICT (Commission indépendante pour la réforme de la taxation des multinationales) en faveur d’un accord plus radical et plus généreux, notamment fondé sur un impôt minimum à 21 % – le taux initialement proposé par le nouveau président américain, Joe Biden, pour lancer les débats- et une répartition plus importante des impôts en faveur des émergents.

Mais le pragmatisme et l’intérêt du compromis – par rapport à un statu-quo qui ferait le jeu des paradis fiscaux et des stratégies d’optimisation des grands groupes au détriment des finances publiques mondiale – l’a emporté. Et ce 1er juillet, donc, à huit jours du G 20 finances, l’OCDE peut se targuer d’avoir embarqué Nord et Sud à bord de l’accord.

Parmi les neuf pays réfractaires à l’accord, un nom retient l’attention : celui de l’Irlande, peu encline à perdre son statut de havre fiscal avec son taux actuel d’Impôt sur les sociétés de 12,5 %. Mais le pays a fait savoir qu’il restait engagé dans les négociations internationales, dans l’attente sans doute de voir si l’engagement des Etats-Unis sur un impôt minimum à 15 % au moins sera validé au Congrès.

 

Des dizaines de milliards de dollars d’impôts nouveaux

 

Outre l’Irlande, huit autres pays ont refusé de parapher le projet final : la Barbade et Saint-Vincent-et-les-Grenadines, les deux derniers paradis fiscaux récalcitrants des Caraïbes ; la Hongrie et l’Estonie, soucieuses de préserver leurs régimes-maisons d’exemptions fiscales pour attirer des capitaux étrangers ; ainsi que le Kenya, le Nigeria, le Pérou et le Sri Lanka, qui restent insatisfaits.

Dans le but d’arracher le compromis, les pays riches ont accepté de lâcher un peu de lest aux pays en développement, dont certains restaient encore réticents, espérant obtenir davantage à l’occasion de la réforme mondiale. L’accord qui sort aujourd’hui du Cadre inclusif leur est en effet un peu plus favorable, avec notamment une règle de partage des bénéfices « excédentaires » mieux-disante..

Pour le reste, le groupe Cadre inclusif a confirmé les exemptions qui avaient été discutées entre les pays membres du G 7 (États-Unis, Royaume-Uni, Canada, Allemagne, France, Italie et Japon) : les industries extractives et minières, parce qu’elles génèrent une rente pour les pays en développement ; et les services financiers, une demande du camp anglo-saxon. Si le symbole est fort, l’effet de ces exemptions serait limité, selon l’OCDE, la réforme telle qu’elle est bâtie captant les plus gros poids lourds de l’économie en même temps que les champions de l’optimisation fiscale internationale.

Au total, si la réforme est validée par le G 20 Finances, elle pourrait faire rentrer des dizaines de milliards de dollars d’impôts nouveaux dans les caisses des Etats. De l’argent aujourd’hui évaporé dans les paradis fiscaux, qui manque en plein marasme économique mondial, dans le contexte de la pandémie. Selon le Fonds monétaire international (FMI), les pays avancés ont dépensé, en 2020, l’équivalent de 6 % de leur produit intérieur brut (PIB), pour soutenir leurs économies.

Un impôt minimum mondial, même fixé à 15 % au lieu des 21 % souhaités par de nombreuses ONG anti-évasion fiscale, pourrait faire revenir jusqu’à 150 milliards de dollars pan dans les caisses des Etats, A charge pour les pays concernés de récupérer la différence entre ces 15 % (au moins) et le taux d’impôt réellement acquitté à l’étranger par leurs entreprises nationales.

S’agissant de l’autre pilier de la réforme, le partage des profits « excédentaires » des 100 plus grandes multinationales représenterait une base annuelle imposable supplémentaire de 100 milliards de dollars, selon les calculs de l’OCDE, plus équitablement répartis.

 

Anne Michel et Julien Bouissou

 

 

 

Source : Le Monde

 

 

 

 

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