LETTRE OUVERTE À NOS DIRIGEANTS : « Le quinquennat ou la décennie de la dernière chance ? »

A Monsieur Le Président de la République Islamique de Mauritanie.

A Nos dirigeants politiques et administratifs.

Vendredi 28 Rajab 1442 / 12 mars 2021.

Au nom d’Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.
Que les Grâces, la Paix et le Salut soient sur notre Prophète Mohamed (S.A.W.).
Je profite de ce mois sacré de Rajab pour transcrire certaines réflexions que j’aimerais partager avec
vous.

Puisse Allah nous faire profiter, voire à toutes les créatures divines, de tous les bienfaits de ce mois.
Amine.

« Honneur – Fraternité – Justice »

Aux premières heures de l’indépendance, il était devenu une règle ou une tradition, pour tous les pays
qui sortaient du joug colonial, de choisir une devise et généralement en trois mots sensés refléter, en
condensé, ce qu’il y’a de plus précieux pour le pays. La République Islamique de Mauritanie choisi
donc ces trois mots chargés de sens : « Honneur – Fraternité – Justice ».

Dans la présente lettre, je vais m’appesantir plus spécifiquement sur le troisième terme de notre
devise, non le moindre, à savoir la Justice.

« Apprenons de l’Histoire de l’Islam ».

 » Au cœur de cette nuit du mois de Rajab, on pouvait distinguer des ombres qui avançaient en silence,
se faufilant dans les ruelles, se dirigeant hors de la ville.

Une fois sortie de la ville, ce groupe d’hommes et de femmes courageux et vertueux, prirent la route
en direction de la mer pour embarquer, avec tristesse et espoir vers leur destination, cette contrée
lointaine qui leur était inconnue, mais qui était porteuse d’espoirs qui ne seront pas déçus.

En effet face aux agressions de toutes sortes et aux tortures incessantes dont ils étaient victimes de la
part de bon nombre de leurs « frères de sang » ou « frères tribaux » (mais qui n’étaient en fait plus
leurs « frères » sous l’angle des valeurs), leur chef, réputé être, entre autres, le plus juste et le plus
sage parmi eux, leur conseilla de s’exiler vers cette contrée lointaine, dont le roi était qualifié de « juste »
par leur chef.

Voilà comment ils se retrouvèrent donc en chemin vers cette contrée dans laquelle ils
trouvèrent effectivement asile (malgré les délégations envoyées par les « leurs » pour les discréditer et
les faire chasser) et protection auprès de ce souverain juste et sage.

Ils y vécurent plusieurs années avant de reprendre le chemin du retour… »

Cette douloureuse histoire (que vous connaissez), connue comme la première hijra : premier exil de
l’Histoire de l’Islam, a été celle vécue par un groupe de musulmans, parmi les premiers convertis, tels
que Ethmane Ibn Affane (R.A.) et son Épouse Roqhaya (R.A.) bint Mouhammad (S.A.W).

Cet exil a eu pour destination le royaume d’Aksoum (une partie de l’actuelle Éthiopie) gouverné jadis
par le Negus.

Malgré le nombre d’années qui nous sépare de la mésaventure de ces Compagnons, la substance de
cette histoire est, malheureusement, encore de notre temps. En conséquence le constant rappel est
devenu une nécessité, en espérant une mise en œuvre.

C’est une occasion pour mettre en lumière deux valeurs/vertus essentielles tirées de ce qui précède, à
savoir : la Justice et la Sagesse. Deux vertus, qui peuvent servir de fondements pour construire une
société humaine stable, prospère et puissante.

Que peut-on tirer de cette douloureuse histoire ?

1) La justice et la sagesse : Ces deux qualités/vertus transcendent l’appartenance fondée sur
une pigmentation ou autres considérations. Dans ce cadre nous pouvons citer notre Saint
Prophète Mouhammad (S.A.W.), modèle par excellence, ainsi que le Négus comme faisant
partie des justes et des sages.
La justice et la sagesse sont une marque des grands dirigeants et devrait être la marque de
chaque dirigeant quel que soit le niveau de responsabilités mis entre ses mains pour une
durée déterminée ou non.

2) La vertu politique permet de fonder un pouvoir solide et une nation stable et prospère ; où il
fait bon vivre, pour le plus grand bonheur de ceux qui y vivent.
Comme ce fut le cas pour le royaume d’Aksoum, qui était à cette époque l’un des empires les
plus puissants du monde.
Il est possible de dire que la vertu est efficace, y compris dans le champ politique, et ce, tant
pour celui qui dirige, que pour ceux qui sont gouvernés.
La vertu n’est pas un luxe, sous tous les cieux, elle est parmi les impératifs de la vie en
société.

3) On tire de l’Histoire, comme de notre présent, qu’à chaque fois que des êtres humains sont
persécutés, une partie au moins, s’exile, si possible, vers une destination où règne une
certaine justice sociale. C’est le propre de l’Homme.

4) La méconnaissance et/ou la non prise en compte volontaire ou involontaire de l’histoire de la
première hijra par certains pays musulmans bordant la mer Méditerranée, qui traitent de façon
inhumaine les migrants en provenance des pays subsahariens, démontrent que des rappels
constants sont nécessaires pour des évolutions positives.

5) On ne doit oublier ou pire faire semblant d’oublier que les premiers musulmans persécutés ont
pu trouver un refuge non chez leurs voisins des territoires limitrophes, mais chez des non-
musulmans dont le dirigeant, bien que de religion et de pigmentation différente de la leur, était
juste et sage.

6) La jeunesse et plus spécifiquement celle de l’Afrique et du monde musulman se doit
d’apprendre l’Histoire afin de pouvoir faire la part des choses entre ce qui découle de la Sainte
religion musulmane et de ce qui est une instrumentalisation.
Il est important de préciser que l’instrumentalisation de la religion ne vaut pas que pour
l’Islam. Toute idéologie peut être instrumentalisée (laïcité, athéisme…). Rappelons que
plusieurs générations de Négus chrétiens dirigèrent ce grand empire d’Aksoum, près d’un
millénaire avant que le Christianisme ne fût instrumentalisé à des fins esclavagistes, puis
colonialistes. D’ailleurs, l’Ethiopie, opposa une farouche résistance et ne connut pas la
colonisation européenne (excepté la parenthèse italienne entre 1935 et 1941), contrairement
à la majorité pour ne pas dire la totalité des autres pays africains, du nord comme du sud.

L’Histoire nous apprend également, que la sédimentation de faits injustes a été à l’origine du chaos
dans bien des contrées de par le monde. Elle fut à l’origine de bien de révoltes et de révolutions.
En effet dans un pays, le chaos naît du souvent du désespoir. Or le désespoir a presque toujours,
pour origine l’injustice.

Et en l’occurrence, dans notre pays, ce que l’Etat doit le plus craindre, ce n’est pas un groupe de
personnes ou un homme quel qu’il soit, mais bien l’injustice qui étend son emprise maléfique sur un
nombre croissant de nos concitoyens.

Cette injustice risque de devenir le levier qui poussera de plus en plus de jeunes ou moins jeunes vers
des issues peu souhaitables dont la radicalité, l’extrémisme (qu’il soit religieux ou autres), l’apostasie
ou tout simplement la délinquance.

L’opulence actuelle voire potentielle (maa cha’Allah) de notre pays contraste dramatiquement avec la
pauvreté et les injustices vécues au quotidien par bon nombre de mauritaniens. Ne tentons pas le
diable en nous rapprochant dangereusement du point de rupture. Ce qui n’est nullement le souhait de
(toute) la population mauritanienne.

C’est notamment pour cette raison que je pense que la Mauritanie, l’Histoire de la Mauritanie se
souviendra de toutes les façons de ses dirigeants actuels, de vous, de ce quinquennat ou de cette
décennie.

Elle se souviendra de vous, nos dirigeants du moment comme ceux, grâce auxquels le pays a enfin
redressé la barre, a choisi la bonne « quibla » (direction) politique qui mène à la stabilité, à la prospérité,
à l’épanouissement dans l’Honneur, la Fraternité et la Justice, in cha’Allah.

Ou alors, au contraire, elle se souviendra de vous, nos dirigeants du moment, pour des raisons à
l’opposé de celles que nous venons d’énumérer…

C’est la Justice qui nous mènera à la Fraternité réelle et à la préservation de l’Honneur de toutes et
tous, de toutes les communautés, in cha’Allah.

Plus concrètement, dans ce volet Justice, s’agissant de la question du recensement biométrique qui
prive une partie des citoyens de l’acte par lequel se matérialise leur citoyenneté mauritanienne, vous
avez la haute main pour sortir cette frange de la population des inquiétudes quotidiennes qui les
taraude dans un monde devenu celui des « pièces », des justificatifs.

Est-il possible de demander aujourd’hui à une personne de se comporter en citoyenne/citoyen tout en
la privant de sa reconnaissance en tant que citoyen ?

Peut-on lutter d’une part contre les séquelles de l’esclavage et d’autre part enchainer des personnes
de par la privation des actes consacrant leur appartenance en toute liberté à la nation mauritanienne ?

Quelles sont les conséquences possibles pour une/un mauritanienne – mauritanien sans-papiers ?

– Ne peut accéder à l’instruction ou plus largement à l’éducation pour soi tout comme pour sa
progéniture, à la santé, à la propriété, à la vie conjugale dans l’acception administrative et
judiciaire.
– N’est point libre de ses mouvements (voyager) tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.
– Ne peut participer à toutes les manifestations de ses droits parmi lesquels s’inscrire sur une

liste électorale pour choisir ou se faire choisir parmi les dirigeants locaux ou nationaux du
pays.

Vous conviendrez avec moi que ce tableau est fort sombre tant pour celle ou celui qui en pâti que
pour le pays.

Si vous vous décidez à régler ce problème qui ne nécessite aucun dialogue politique ou sociale
préalable, mais juste la volonté de le résoudre, vous trouverez parmi nos milliers de diplômés
chômeurs ou non, des ressources humaines capables d’accélérer le recensement de nos
compatriotes qui ne le sont pas encore, à l’intérieur du pays comme à l’extérieur du pays.
Il sera possible à travers une décentralisation des activités et une implication réelle des maires,
imams, chefs de villages, ONG, CNDH, … d’atteindre les résultats attendus, probablement en moins
d’une année. In cha’Allah.

Pour ceux qui argueraient, pour ralentir le processus, le risque de naturaliser quelques non-
mauritaniens, nous disons qu’il est infiniment moins grave pour un pays (surtout avec une densité de
population comme la nôtre), de naturaliser quelques non-mauritaniens plutôt de denier leur
citoyenneté à des mauritaniens.

Certes il y’a lieu de déplorer que pour certains comme Aldjouma Cissoko (R.A), c’est
malheureusement trop tard.

Rompons avec les populistes ou les tenants de thèses ne servant que de gagne-pain, qui veulent
dénier à des mauritaniens ce qu’ils sont. Soixante ans d’indépendance doivent nous permettre de
pouvoir séparer le bon grain de l’ivraie.

Tout citoyen auquel on refuse ce droit fondamental d’avoir des actes délivrés par son pays pour lui
reconnaitre son appartenance, ne peut croire à une promesse quelconque d’amélioration de sa
situation par les autorités de son pays.

La résolution de ce problème qui se trouve être parmi les problèmes fondamentaux de notre pays,
redonnerait espoir à bon nombre de nos concitoyens et renforcerait votre crédibilité quant à la tenue
des promesses faites notamment lors de la campagne électorale.

Si vous tenez vos promesses (1) le peuple vous servira, in cha’Allah, de rempart contre vos adversaires,
voire vos ennemis.

De plus, non seulement par les fruits de votre travail, de vos responsabilités, vous vivrez décemment,
in cha’Allah ; mais vous vous préparez aussi, avec le concourt du peuple, « une rente perpétuelle » (2)
qui vous servira et vous aidera à ne pas faire partie des « ruinés »(3) quand vous ne serez plus de ce
monde, in cha’Allah. Ce qui n’est pas sans importance.

Plus de frontières, plus de contradictions entre vos intérêts personnels et ceux du peuple. C’est aussi
vu sous cet angle, que la vertu est efficace, y compris en politique.

Certes Il y a bien d’autres chantiers importants pour lesquels il faudra des avancées significatives, des
chantiers tel que l’Education, le « vivre ensemble », la lutte contre les inégalités, contre les
conséquences des tares et passifs sociaux et humanitaires, le développement économique, la
décentralisation, la lutte contre la corruption et la gabegie.

Cependant tous ces chantiers sont intimement liés à celui de la Justice. Raison pour laquelle nous
commençons par ce sujet.

Bien sincèrement,

 

 

T.O.B.

 

(1) « Ô vous qui avez cru ! Pourquoi dites-vous ce que vous ne faites pas ? C’est une grande abomination
auprès d’Allah que de dire ce que vous ne faites pas. » [Sourate As-Saff : 2-3].
(2) Une rente perpétuelle : Une sadaqha djâriyah, une aumône perpétuelle.
(3) L’homme ruiné : Al moufliss, selon la définition qui en est donnée dans le célèbre Hadith prophétique.

 

 

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