Les Afro-Américains méfiants à l’égard du vaccin contre la COVID-19

La peur du vaccin est plus forte que celle de la COVID-19 chez une bonne partie de la communauté noire aux États-Unis. Notamment parce que la recherche médicale a été ponctuée de racisme par le passé. Une réticence qui existe même si cette communauté est touchée de façon disproportionnée par la pandémie.

Il faut se rendre dans une cour arrière pour découvrir le pavillon de piscine dans lequel Fred Spry a délocalisé une partie de son salon de barbier, dans le Maryland. C’est ici qu’il reçoit ses habitués, triés sur le volet, en ces temps de pandémie. Il constate que la vaccination contre le nouveau coronavirus est le sujet de conversation de l’heure.

Cette perspective, encore lointaine pour bien des gens, n’emballe pas Jason Harris, jeune agent immobilier venu faire rafraîchir sa coupe. Personnellement, je vais attendre avant de le faire. Pour voir ce que cela donnera quand les Américains auront été massivement vaccinés, lance-t-il.

Fred Spry, lui, compte recevoir un vaccin dès qu’il le pourra. Ne serait-ce que pour retrouver une vie normale.

Et donner l’exemple à ses clients. Ça va peser dans la balance pour eux, parce qu’ils vont se dire « Fred l’a fait » et ils me font confiance, croit-il.

C’est sur ce lien de confiance que mise le réseau de recherche et de prévention en santé Health Advocates In-reach and Research (HAIR) pour rejoindre les Afro-Américains dans les endroits qu’ils fréquentent et où ils se sentent bien.

 

Des dépliants

Sur le coin d’un comptoir : des dépliants d’information sur les essais cliniques contre le coronavirus, distribué par le réseau Health Advocates In-reach and Research (HAIR).

Photo : Radio-Canada / Anyck Béraud

 

 

 

Les barbiers et les salons de coiffure noirs tombent pile dans cette catégorie et jouent un rôle de premier plan dans la communauté depuis l’époque de l’esclavage, selon l’instigateur, le Dr Stephen B. Thomas.

Il assure que dans ce cadre informel, propice aux potins et aux confidences, son réseau diffuse de l’information basée sur la science.

C’est le genre d’information qui a fini par convaincre Fred Spry. Mais il donne une mesure du travail qu’il reste à faire auprès des Afro-Américains.

« Beaucoup de gens craignent que le vaccin soit utilisé pour se débarrasser de nous. Qu’on nous injecte n’importe quoi à notre insu. Il y a beaucoup de théories qui circulent dans la communauté, » dit-il.

 

Des gens marchent sur un trottoir.

Une bonne partie des Afro-Américains ne comptent pas se faire vacciner, selon les sondages, même s’ils meurent plus de la COVID-19 que la population blanche.

Photo : Radio-Canada / Sylvain Richard

 

C’est que plusieurs ont en tête les expériences racistes qui ont marqué la recherche médicale au fil des ans.

Cela a commencé avec les esclaves, utilisés comme cobayes. Mais le souvenir le plus vif et le plus souvent évoqué est celui du scandale de Tuskegee. Il s’agit d’une étude clinique de la syphilis qui a été effectuée sur 600 hommes noirs et pauvres en Alabama. Ils avaient été recrutés en 1932. L’expérience a duré 40 ans.

Ils n’ont jamais su qu’ils en étaient atteints. Ils n’ont pas eu droit à la pénicilline, découverte dans l’intervalle, et qui aurait pu les guérir. On leur a dit qu’ils étaient soignés pour du mauvais sang.

Durant l’étude clinique Tuskegee sur l’évolution de la syphilis

Durant l’étude clinique Tuskegee (1932-1971) sur l’évolution de la syphilis

Photo : Encyclopédie de l’Alabama.

 

 

Il y a eu des dédommagements, des années plus tard. Et des excuses présentées par le président Bill Clinton en 1997. Il a qualifié de honteux ce que le gouvernement des États-Unis avait fait subir à ces hommes.

Les réticences à l’égard de la vaccination représentent le principal défi dans la lutte contre la COVID-19, de l’aveu même, à l’antenne d’une chaîne américaine, du scientifique Moncef Slaoui, le 15 décembre.

Il est le responsable de l’Opération Warp Speed (Vitesse de l’éclair) chargée de faciliter et d’accélérer la recherche, le développement et la distribution des vaccins contre le nouveau coronavirus aux États-Unis.

Pour vaincre la méfiance, les autorités multiplient les messages sur la sécurité des vaccins.

Une assurance donnée haut et fort par une infirmière new-yorkaise, une habituée du front de la COVID-19 qui a été la première personne à recevoir un vaccin contre le nouveau coronavirus aux États-Unis.

Sur un journal, une photo montre une infirmière se faisant vacciner.

Cette image a fait le tour du pays : celle d’une médecin administrant à une infirmière la première dose d’un vaccin contre la COVID-19 aux États-Unis. C’était à New York, le 14 décembre 2020.

Photo : Radio-Canada / Sylvain Richard

 

« Cette image raconte toute notre histoire, qui va du plus négatif comme l’étude Tuskegee sur la syphilis et toute la méfiance, légitime, qu’elle a engendrée. Une histoire qui porte toujours ombrage aujourd’hui. Mais vous savez : braquez les projecteurs sur l’ombre et elle va disparaître. La lumière jaillit et permet d’avancer. Nous espérons améliorer la santé des Noirs aux États-Unis, »  soutient le Dr Thomas.

Il espère que l’on entendra enfin sa communauté, maintenant que la crise sanitaire a révélé au grand jour les inégalités en matière de santé.

Il prévient qu’il faudra régler ces problèmes, faute de quoi il sera impossible de venir à bout de la COVID-19 aux États-Unis.

Le Dr Stephen B. Thomas répond aux questions de la journaliste Anyck Béraud.

Le Dr Stephen B. Thomas, devant le pavillon converti en salon de coiffure de Fred Spry, le 15 décembre 2020, à Kensington, au Maryland.

Photo : Radio-Canada / Sylvain Richard

 

 

 

Source : Ici Radio Canada

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