Théodore Monod, amoureux du Sahara et défenseur des Touaregs

Il était un homme engagé dans la défense de la culture touareg, cette "civilisation du désert" qu'il savait menacée.

Le 22 novembre 2000, à 98 ans, disparaissait le grand scientifique et explorateur Théodor Monod. Ce dernier n’avait que 20 ans lorsqu’il débarqua sur les côtes de Mauritanie en 1922. Etudiant en zoologie et géologie, ayant appris l’arabe à l’Institut des Langues orientales, il y fut envoyé pour étudier les poissons et la pêche. Mais c’est un océan de sable, le Sahara, qui devint sa véritable passion… Théodore Monod parcourra le désert saharien durant 75 ans. Du Hoggar au Soudan, de l’Adrar mauritanien aux montagnes du Tibesti.

Sa première expédition le mène de Tamanrasset à Tombouctou. Des journées entières à dos de chameau à 4 km/h. Il prend goût à cette vie simple, rude et même ascétique. Et sillonne le désert en tous sens, récoltant des milliers d’échantillons : pierres, insectes, plantes, cherchant les météorites, relevant les gravures rupestres et dressant la topologie de régions encore inconnues.

Admirateur du grand nomadisme

 

Homme engagé et adepte de la « non-violence active », il est l’un des signataires du « manifeste des 121 » sur le droit à l’insoumission durant la guerre d’Algérie, dénonce l’apartheid en Afrique du Sud, signe des pétitions contre « le massacre des Touaregs au Niger », dont il craint la disparition des traditions et modes de vie de ces hommes du désert.

C’est aux nomades qu’il appartient de décider de leur avenir. S’ils veulent conserver, comme ils en ont certes le droit, leur autonomie historique, culturelle ou linguistique, puisque les Touaregs ont une langue et même une écriture

Théodore Monod

Courrier de l’Unesco publié en 1994

Le Courrier de l’Unesco publie en 1994 un entretien où il défend le peuple touareg, « ces corsaires du désert » dont il admire le nomadisme.

« Un certain nombre de piliers économiques du nomadisme traditionnel se sont écroulés. La razzia par exemple, telle qu’on la pratiquait autrefois, non pas pour le plaisir d’aller se faire tuer ou de tuer quelqu’un (au contraire, on tuait le moins possible), mais pour faire du butin », explique-t-il.

« Existaient aussi les péages, du temps du commerce transsaharien. Des caravanes énormes, qui rassemblaient des milliers de chameaux, sillonnaient le désert du Maroc à Tombouctou (Mali), InSalah (Algérie), Ghadamès (Libye) ou Tripoli (Libye), transportant du sel, de la poudre d’or, des esclaves, quelques peaux d’animaux, un peu de gomme arabique. Elles devaient traverser des territoires qui étaient revendiqués par telle ou telle tribu ; pour passer, il fallait abandonner quelque chose en route. »

 

Une large autonomie régionale

 

Il entrevoit la fin de cette civilisation : « Les nomades vivent actuellement sur les territoires d’Etats modernes et les administrations centrales ne leur sont pas, en principe, très favorables. Un homme libre, pour les bureaux, ça ne devrait pas exister. Alors que faire ? Le sédentariser de gré ou de force, ou bien le détruire. »  Et propose des solutions : « L’idéal serait de leur accorder de larges autonomies régionales. (…)  Il va falloir qu’ils trouvent des ressources. Parce que même au Sahara, on paye des impôts, qu’on le veuille ou non. » 

Un entretien qui date des années 90, mais est assez visionnaire sur la crise actuelle au Sahel. Théodore Monod aura été le témoin lucide d’une « civilisation du désert » en voie de disparition, celle du « grand nomadisme », même si les camions ont remplacé les chameaux.

Michel Lachkar
France Télévisions Rédaction Afrique

Source : France Info

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