Le coronavirus chinois réveille les stéréotypes racistes envers les Asiatiques

Le hashtag #JeNeSuisPasUnVirus a notamment été lancé pour dénoncer la résurgence de réactions haineuses envers les personnes asiatiques.

 

DISCRIMINATIONS – L’épidémie du coronavirus ne cesse de s’étendre avec une quinzaine de pays touchés et cent morts en Chine à l’heure où cet article est publié. Cette augmentation du nombre de personnes contaminées va de pair avec une autre hausse, celle des amalgames et “blagues” racistes envers les communautés asiatiques.

 

Lundi 27 janvier, le hashtag #JeNeSuisPasUnVirus a notamment été lancé sur les réseaux sociaux pour dénoncer le racisme anti-Asiatiques croissant depuis le début de l’épidémie.

 

Relayé par la réalisatrice Amandine Gay, un message en particulier, posté sur Twitter, dénonce ce racisme. Il a été écrit de manière anonyme, la personne à l’origine de celui-ci craignant le harcèlement.

 

Amandine Gay @OrpheoNegra

Je partage le texte et le hashtag créé par une camarade adoptée qui ne souhaite pas que son nom soit mentionné afin d’éviter le harcèlement et le racisme anti-Asiatiques qu’elle dénonce.

Merci de relayer sa parole.

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Racisme décomplexé

 

“La crise sanitaire du coronavirus entraîne dans son sillage une libération de la parole raciste dans les médias et sur les réseaux sociaux”, écrit-elle dans ce texte déjà partagé plus de 1600 fois sur Twitter. “Beaucoup de personnes utilisent de manière indifférenciée ‘chinois” pour ‘asiatiques’, mettant de côté toutes les nationalités et diversités culturelles, ethniques, etc., qui composent ce continent. Faut-il rappeler que l’Asie est un continent et non un pays?”, s’interroge-t-elle.

Contactée par Le HuffPost, J. (elle souhaite préserver son anonymat) explique avoir écrit ce message dimanche 26 au soir afin de “sensibiliser sur la question du racisme décomplexé qui a lieu en ce moment”. Cette femme adoptée, d’origine coréenne, a partagé son message au sein de plusieurs groupes de communautés asiatiques. “Je pestais de voir tous les jours ces témoignages de violences, d’attitudes racistes”, souligne-t-elle.

Très vite, le message a circulé sur les réseaux sociaux, ce qu’elle n’avait pas du tout anticipé. Si J. n’a elle-même pas été directement l’objet d’attaques, d’insultes ou d’attitudes racistes en lien avec la médiatisation du coronavirus, elle constate qu’une sorte de “paranoïa” s’est emparée d’elle à force de lire tous ces témoignages. “Je remarque que je fais attention à ne pas tousser. Par exemple, samedi soir je suis sortie dans un bar, j’étais un peu patraque, j’avais peur que les gens s’éloignent ou me regardent bizarrement”, regrette-t-elle.

 

“Asiatiquetés”

 

J. emploie le terme “asiatiquetés” pour montrer l’amalgame qui est fait entre les Chinois et tous les Asiatiques avec l’épidémie du coronavirus.

Mai Lam Nguyen-Conan, spécialiste des questions interculturelles, a elle aussi constaté cette confusion entre les Chinois et tous les Asiatiques. Même si elle n’a elle-même pas subi de rejet ou de réactions violentes depuis le début de l’épidémie du coronavirus, elle remarque que “comme il y a beaucoup de touristes chinois à Paris, on me confond souvent avec eux et on me parle anglais”, souligne-t-elle auprès du HuffPost. Mai Lam Nguyen-Conan est d’origine vietnamienne.

Comme elle, Grace Ly, autrice franco-chinoise et co-animatrice du podcast “Kiffe ta race”, contactée par Le HuffPost, a d’abord pris connaissance, vendredi 24 janvier, de la chronique de Nicolas Canteloup sur Europe 1. “Nems en ligne sur le trottoir”, “tapette à Chinois”, tout y passe.

Pour Grace Ly, il s’agit d’“incitation à la haine antiasiatique (…) C’est hilarant des villes en quarantaine, des personnes isolées, des morts?!”, écrit-elle sur Twitter.

 

grace ly @gracefullyfried

Incitation à la haine antiasiatique de @canteloup_n sur @Europe1 et rires complices. C’est hilarant des villes en quarantaine, des personnes isolées, des morts ?! Banaliser l’exclusion, ça encourage la violence, ça se passe déjà en vrai, regardez Twitter. https://twitter.com/parispasrose/status/1220748579893055489 

“China bashing”

 

“Les médias peuvent contribuer à ces discriminations et nourrir un imaginaire collectif”, estime-t-elle, contactée par Le HuffPost. Pour elle, l’image de la Chine est déjà plutôt négative en France et le coronavirus “va y participer”. “C’est l’idée que là-bas, ce sont des barbares, qu’ils ne savent pas gérer leurs crises sanitaires”, regrette-t-elle. “C’est du ‘China bashing’.”

Autre exemple: dimanche 26 janvier, le quotidien régional Courrier Picard publiait en titre de Une “Alerte jaune”, ainsi qu’un éditorial intitulé “Le péril jaune”. Un choix éditorial immédiatement critiqué et jugé raciste par de nombreuses personnes.

Madjid Messaoudene

@MadjidFalastine

Cette leçon de racisme décomplexé vous est offerte par le @CourrierPicard

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À tel point que le quotidien a présenté ses excuses ”à tous ceux qui ont pu être sincèrement choqués”. Il explique avoir voulu “relativiser justement l’éventuelle panique irrationnelle pouvant se répandre après l’apparition des premiers cas en France”.

 

“Tu ne portes pas de masque”

 

Les cas d’amalgames, clichés et discriminations sont “exponentiels” depuis quelques jours, estime Grace Ly.

Voici par exemple une image qu’on lui a envoyée:

 "Quand ton rancard chinois te dit qu'il t'a donné le corona mais ce n'est pas la bière"

 

Mais un simple coup d’œil sur les réseaux sociaux permet de constater l’ampleur des dégâts. “Blagues” envers les “chintok”, qui mangent des chauves-souris, voire des ordures, qui sont sales et incapables de gérer leurs problèmes sanitaires, etc. ne cessent de se multiplier.

“Depuis quelques jours je peste quotidiennement devant le déferlement raciste que suscite le traitement médiatique de ce virus”, écrit d’ailleurs J. dans son message. Elle liste ensuite quelques exemples du même genre: “des personnes qui se prennent des remarques du type ‘tu ne portes pas ton masque’, une autre qui se fait montrer du doigt par un père de famille qui dit à son enfant, ‘fais attention au virus chinois’… J’ai pu lire d’autres commentaires décomplexés comme: ‘ça ne m’étonne pas que ce virus vienne de Chine, il n’y a tellement pas d’hygiène là-bas…’ Le pire des virus c’est le racisme systémique”, conclut-elle.

 

En parallèle, pour dénoncer des propos haineux, le hashtag #JeNeSuisPasUnVirus prend lui aussi de plus d’ampleur.

Pour J. l’épidémie du coronavirus n’est que “le révélateur d’un racisme déjà présent”, estime-t-elle. “Il a suffi de cette crise pour qu’il éclate au grand jour, il existe mais n’est pas évalué à sa juste mesure.”

 

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