Quelle place pour le migrant rejeté dans un contexte de citoyenneté multidimensionnelle ?

En cette date anniversaire de la journée internationale du migrant, mes pensées vont vers ces milliers de jeunes et de femmes qui ont péri sur le chemin de la migration.

A toutes ces personnes bloquées dans des centres, dans des conditions extrêmement difficiles

Aux milliers de personnes perdues dans le désert de Libye et à ces migrants d’Amérique latine, venus D’Honduras, de Guatemala, du Mexique qui périssent dans le désert mexicain.

A ces bénévoles qui sauvent des vies en Méditerranée. A toutes celles et ceux qui ont perdu un ami, un parent sur la route de la migration. 

A tous nos amis du monde qui défendent la libre circulation des personnes dans un monde ouvert.

 

Depuis quelques années le monde connait une grave crise migratoire. L’Afrique reste le continent le plus touché et paie un lourd tribut humain : 2.260 migrants ont trouvé la mort en tentant de traverser la mer, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.

Face à cette tragédie, la réponse des Etats développés est l’inhospitalité Ils pensent pouvoir endiguer ce phénomène naturel de déplacement en durcissant les conditions d’entrée dans leurs terroirs et en finançant à coup de centaines de milliards  d’euros le Frontex afin de surveiller constamment la Méditerranée.

Dans les démocraties occidentales, l’immigration a favorisé la montée des partis xénophobes. Les politiciens opportunistes vendent un discours haineux anti migrant qui devient de plus en plus  audible dans les médias réputés sérieux. Le migrant offre l’image d’un homme rejeté, en quête de statut et d’identité, un  prédateur venu envahir les pays en paix ou pays riches. Il est le bouc émissaire, l’épouvantail que le politicien véreux brandit pour se hisser très haut au baromètre de la popularité. Même les défenseurs du politiquement correcte n’hésitent plus à faire un glissement sémantique en usant d’une rhétorique plus avenante pour qualifier le migrant.

Ce pullulement du discours anti-migrant, crée un risque d’amalgame et attise les crispations identitaires qui menacent le vivre ensemble. . Et si on en croit aux experts sur la forte probabilité des migrations écologiques massives, cette montée de la xénophobie n’est pas prête de s’arrêter.

Une des causes de cette poussée du repli identitaire qui se propage un peu partout en occident est liée au fait que cette société est confrontée aux changements de l’ordre mondial, au chômage de masse, notamment chez les jeunes. Mais elle est peu impactée comparativement au continent africain, qui continu de subir les séquelles de la colonisation.

En effet, depuis les indépendances la colonisation économique a donc peu changé. Dans la majorité des pays d’Afrique c’est l’économie informelle qui prédomine. Cette situation rend vulnérable leurs économies et réduit leur capacité à se développer. Aujourd’hui on peut dire que le monde bouge et que l’Afrique, en particulier, est un continent qui va compter. Mais si  son économie reste vulnérable et si les services publics (Education, Santé …) qui sont les socles indispensables du développement humain et économique sont toujours en déliquescence, le problème restera entier.

Malheureusement le déséquilibre et les inégalités qui se creusent davantage entre les pays occidentaux et l’Afrique concourent à des migrations déstabilisatrices pour le continent africain.

Des milliers de jeunes, de femmes, d’enfants continueront à périr en Méditerranéen ou dans le désert libyen. La quasi-totalité de ces pauvres ilotes sans avenir migrent pour des raisons de survie. Mais aussi, tout simplement, pour mieux vivre dans un monde de plus en plus riche, ouvert, multiculturel et connecté. Un monde qui incite donc à la mobilité, credo d’une économie mondialisée.

Pourtant, il est prouvé qu’il y a toujours eu des migrations dans l’histoire de l’humanité, choisies ou subies, et qu’après des chocs démographiques et culturels plus ou moins longs, elles ont participé au développement et à l’ouverture des pays ou régions d’accueil. On parle principalement des migrations Nord-Sud mais les autres migrations ne doivent pas être occultées même si elles n’ont pas forcément les mêmes raisons.

On ne le dira jamais assez, l’émigration est une richesse. En réalité ce phénomène qu’on assimile à une crise du migrant rejeté ressemble plus à une inertie des états européens. Ces états ont fait le choix de s’ériger en forteresse anti-migrant.

Contrairement à ceux que pensent certains, les migrants ne sont pas des « déserteurs » qui ont quitté le continent en mal de développement matériel. Les migrants jouent aussi un rôle considérable dans les évolutions démocratiques et l’amélioration de la transparence, des échanges avec leurs pays d’origine. Loin de l’image que les médias ou d’une certaine opinion occidentale voudrait l’assimiler.

Aujourd’hui, à l’ère du phénomène diasporique, le migrant est connecté et vit sur dans un double espace. Il est désormais un être qui doit vivre dans le compromis où le réseau et la communauté jouent un rôle structurant. Certains migrants sont devenus de véritables ambassadeurs de leurs pays d’origine. Beaucoup de migrants se sont investies dans des domaines très divers dans leurs pays d’accueils. Ils expriment ainsi leur souhait de participer au mieux-être social général. Les migrants, avec leurs enfants, stimulent et catalysent l’émergence économique et sociale de leurs pays d’origines. Si aujourd’hui des pays comme, l’Ethiopie, le Rwanda, le Nigéria, le Maroc et la cote d’ivoire sont sur le chemin de l’émergence, c’est grâce à l’apport productif de leurs diasporas. En 2019, le montant d’envois d’argent de la diaspora africaine a dépassé l’aide publique au développement et les investissements des étrangers selon la Banque Mondiale.

Il est plus qu’urgent de prendre au sérieux la question migratoire et d’arrêter cette saignée du continent africain. Et au premier chef ce sont les pays africains eux-mêmes qui doivent prendre à bras le corps ce phénomène. La question majeure qui est posée, c’est le positionnement de ces pays et de l’Union Africaine sur la question. Même si L’UA, à prévu dans son Agenda 2063 de lancer un vaste programme de mise en place d’infrastructures transafricaines pour un développement endogène, durable, énergétique et numérique.

Des synergies entre tous les acteurs Etatiques et la société civile africaine doivent être recherchées pour privilégier la mutualisation et développer une véritable coopération pour la gestion de la migration. Afin de permettre aux jeunes africains de rester travailler et de développer leur continent.

Tant que nous ne prenons pas cette question au sérieux et en faire un objectif de développement entre africain, nos jeunes quitteront ce continent à la recherche de meilleures conditions de vie. Il est temps pour nos états de rompre avec les statuts tutélaires avec l’occident, et ne compter que sur nous-mêmes.

Mohamed El Mansour LY

Président du COSIM (Collectif des Organisation de Solidarité Internationale Issue des Migration de Normandie)

 

(Reçu à Kassataya 24 décembre 2019)

 

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