Mauritanie : la réconciliation nationale oubliée par Ould Ghazouani

L’omission volontaire ou involontaire du règlement du passif humanitaire par le nouveau président mauritanien dans son discours d’investiture le 1er août dernier focalise l’attention cette semaine des observateurs dans l’expectative du premier gouvernement de l’Ere Ould Ghazouani.

Si les observateurs conviennent de ne pas céder au réflexe d’alarmistes, cet oubli sur la réconciliation nationale est également un révélateur de la place de la cohabitation reléguée au second plan dans les bonnes intentions du nouveau chef de l’Etat sur l’unité nationale qui passe nécessairement par la réconciliation nationale. Ould Ghazouani a détourné les regards par des intentions qui se résument à éliminer l’injustice qui frappe de groupes vulnérables historiquement marginalisés faisant allusion ainsi aux Hratines qui constituent avec la communauté afro-mauritanienne les exclus de la république depuis 1960. Cette fuite en avant des autorités de Nouakchott ne date pas d’aujourd’hui.

Pendant 10 ans son prédécesseur avait tourné le dos au vivre ensemble en décrétant solder le passif humanitaire alors que plus de 5000 réfugiés sont toujours au Sénégal et au Mali vivant dans des conditions difficiles. Et la majeure partie des 20000 officiellement rentrés depuis 2008 sont toujours considérés comme des étrangers chez eux ou des apatrides. Plus de la moitié de leurs enfants ne vont pas à l’école ou ne peuvent pas passer leurs examens faute d’état-civil. Cette page sombre de l’histoire de la Mauritanie sous le régime de Ould Taya résulte des déportations des noirs en 89 et des exécutions extra-judiciaires de 28 soldats noirs en 91 à Inal dont les veuves et orphelins réclament toujours justice et réparations.

C’est un héritage lourd à porter par le nouveau président qui se cantonne pour le moment à garder le statu quo c’est-à-dire jouer avec le temps pour l’oubli. Les défenseurs des droits de l’homme et tous les patriotes mauritaniens ne l’entendent pas de cette oreille. Les plaintes contre l’ancien président Ould Taya et les supposés criminels militaires sont toujours maintenues dans les tribunaux belges et français. L’unité nationale ne se décrète pas par une journée ou des journées nationales. Il ne suffit pas non plus de débaptiser une rue pour l’unité nationale.  Solder le passif humanitaire, créer une commission »Vérité et Réconciliation nationale », promouvoir les langues nationales c’est la seule voie pour réconcilier tous les mauritaniens.

Cherif Kane

Coordinateur journaliste

 

 

(Reçu à Kassataya le 08 août 2019)

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