« Libé » a touché 3,45 millions d’euros pour un forum au Gabon en 2015, les salariés se disent « trahis »

Le titre a touché 450 000 euros et sa maison mère de l’époque, 3 millions, ce qui aurait été dissimulé à la rédaction. La justice a ouvert une enquête préliminaire et le quotidien votera lundi sur une motion de défiance.

 

« Libération » se trouve dans une mauvaise affaire gabonaise. La rédaction du journal a passé mercredi et jeudi après-midi en assemblée générale, et lundi, le quotidien votera sur une motion de défiance. Hier, La Lettre A a en effet révélé l’existence d’une enquête préliminaire du parquet national financier portant sur des mouvements de fonds liés à l’organisation par le quotidien d’un forum au Gabon, en 2015.

Autre fait notable, Pierre Fraidenraich, à l’époque directeur opérationnel de « Libé », et organisateur du forum de 2015, aujourd’hui directeur général de BFM Business, a présenté sa démission du groupe Altice ce jeudi matin, après ces révélations, indique « Le Monde ».

« Libération » se trouve dans une mauvaise affaire gabonaise. La rédaction du journal a passé mercredi et jeudi après-midi en assemblée générale, et lundi, le quotidien votera sur une motion de défiance. Hier, La Lettre A a en effet révélé l’existence d’une enquête préliminaire du parquet national financier portant sur des mouvements de fonds liés à l’organisation par le quotidien d’un forum au Gabon, en 2015.

Autre fait notable, Pierre Fraidenraich, à l’époque directeur opérationnel de « Libé », et organisateur du forum de 2015, aujourd’hui directeur général de BFM Business, a présenté sa démission du groupe Altice ce jeudi matin, après ces révélations, indique « Le Monde ».

Selon La Lettre A, une publication spécialisée, « les dirigeants de Libération, Laurent Joffrin et Pierre Fraidenraich, ont été récemment entendus comme témoins concernant un forum organisé par le quotidien à Libreville en 2015 », et qui « faisait la part belle aux représentants du régime gabonais ». D’après La Lettre A, « l’enquête aurait été ouverte après un signalement de Tracfin concernant des flux financiers entre le Gabon et la France ».

« Le montant de la facturation peut surprendre »

 

Dans un communiqué envoyé à l’AFP, les cogérants du quotidien, Clément Delpirou et Laurent Joffrin, ont confirmé l’ouverture de cette enquête, mais ont défendu l’organisation et l’impartialité de ce forum et assuré que le journal n’avait bénéficié d’aucune transaction irrégulière.

« Les mouvements de fonds entre le Gabon et la France sont surveillés par les autorités françaises », et « une enquête préliminaire a ainsi été ouverte au sein du parquet financier de Paris, à laquelle la direction du journal et son actionnaire ont évidemment coopéré », ont indiqué les cogérants de « Libération ».

Mais ils ont assuré tout d’abord qu’il ne s’agissait pas d’une opération à la gloire du régime d’Ali Bongo. « Le caractère libre et contradictoire du forum ne souffre d’aucune contestation », et il s’est déroulé, en octobre 2015, « dans des conditions très satisfaisantes », estiment-ils, soulignant que « Libération » a décidé « souverainement des thèmes abordés, les tables rondes sont toutes plurielles et les représentants du gouvernement sont des participants parmi d’autres, ni plus ni moins ».

« En revanche, le montant de la facturation liée peut surprendre, même s’il est comparable au montant d’autres opérations de même nature réalisées par des structures françaises », admettent les cogérants, qui précisent que le quotidien a touché 450 000 euros « somme qui, en accord avec la société des journalistes et personnels de « Libération », a fait réaliser au journal un profit minime », et PMP, sa maison mère de l’époque, 3 millions. Selon les deux cogérants, ces fonds « ont servi à combler le déficit du journal ».

Un intermédiaire

 

Après l’ouverture de l’enquête préliminaire, « le groupe a immédiatement diligenté une enquête interne, qui a par ailleurs mis au jour une commission reversée à un intermédiaire local de l’ordre de 500 000 euros (prélevée sur les 3 millions d’euros) et des intérêts personnels d’un manager de l’époque avec les milieux d’affaires gabonais, deux faits qui n’étaient connus en rien chez Libération », indiquent les deux responsables.

« En revanche, aucune irrégularité n’a été constatée dans les flux financiers dont Libération et sa holding ont bénéficié et qui ont servi à combler le déficit du journal », ont-ils ajouté.

Selon plusieurs sources au « Monde », l’intermédiaire en question est Nadine Diatta, « la directrice d’une agence de communication, très bien introduite au palais présidentiel de Libreville : elle est la sœur d’Evelyne Diatta-Accrombessi, épouse de Maixent Accrombessi, un homme d’affaires béninois devenu ami et directeur du cabinet du président gabonais Ali Bongo Ondimba, jusqu’en 2016 ».

Mis en examen fin 2017 en France pour « corruption passive d’agent public étranger », « blanchiment en bande organisée de corruption passive » et « faux et usage de faux », Maixent Accrombessi a quitté le cabinet d’Ali Bongo, même s’il conserve le titre de « haut représentant ». Contactée par « Le Monde », Nadine Diatta « minimise son rôle dans le forum et ne souhaite pas s’exprimer ».

Des documents du cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca, au cœur du scandale des « Panama Papers » montrent selon « Le Monde » que la société familiale de Pierre Fraidenraich, Dinojo (présidée par son épouse, Marie-Amélie Fraidenraich), avait investi, en janvier 2015, dans la chaîne de télévision de divertissement fondée par Evelyne Diatta-Accrombessi, EDAN.

« Ma société familiale détenait 5 % d’Edan en contrepartie de mes travaux et conseils à l’occasion du lancement de la chaîne. Cette participation a été depuis cédée sans aucune contrepartie que ce soit. Je n’ai jamais perçu la moindre rémunération ni touché de dividende d’Edan », a-t-il déclaré à La Lettre A.

« Le montage financier a été totalement dissimulé à la rédaction »

 

Dans un communiqué publié mercredi soir, la rédaction de « Libération » a affirmé « se sentir trompée », soulignant avoir « mis en garde contre les possibles dérives du forum de Libreville » et avoir « cru pouvoir se fier aux garanties apportées à l’époque ».

En 2015, une assemblée générale des salariés de « Libération » s’était formellement opposée à la tenue de cet événement, craignant la mainmise du régime d’Ali Bongo. La direction avait alors donné des gages à sa rédaction, affirmant que tout bénéfice serait réinvesti localement dans des projets éthiques, comme la formation de journalistes gabonais, et mettant en avant le partenariat avec des ONG et la présence d’opposants à Ali Bongo.

« Il apparaît aujourd’hui que le montage financier a été totalement dissimulé à la rédaction. Seule la somme de 450 000 euros, correspondant au coût d’organisation du forum sur place, a été communiquée aux élus », regrette la Société des journalistes et du personnel.

Réunis mercredi après-midi en assemblée générale, les salariés, « ont exprimé leur colère et leur déception », ajoute le communiqué. « L’équipe se réunira dans les prochains jours pour en tirer les conséquences ». Menacé d’une motion de défiance qui doit être votée lundi 1er avril, le directeur de la publication Laurent Joffrin, qui a participé à l’événement à Libreville, a reconnu devant sa rédaction une « erreur », assurant ne pas avoir été au courant des détails du contrat avec le commanditaire du forum, tout en admettant avoir « l’idée d’un ordre de grandeur » de son montant. « J’ai manqué de vigilance ou de rigueur. J’ai pensé agir dans l’intérêt du journal. » La rédaction devra juger de sa sincérité ce lundi.

 

Source : Nouvel Obs

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